Que souhaitent les Directrices et Directeurs d'école ?
Ils veulent travailler dans la sérénité, c'est à dire pouvoir exercer leur charge de Direction au quotidien sans avoir simultanément à gérer leurs élèves, car aujourd'hui les deux fonctions de Directeur et d'enseignant s'entravent souvent l'un l'autre. Ceci n'était pas le cas lorsque j'ai débuté mon métier de Directeur il y a vingt ans. Serait-ce parce que notre institution a trop chargé la barque ? Certainement en partie, mais mon expérience me montre surtout que d'une part nos élèves ont changé et que leur besoin d'attention individuelle a pris des proportions importantes, et d'autre part que les nécessités de la mission du Directeur d'école ne sont plus du tout les mêmes. Les besoins des familles ou de nos autres interlocuteurs sont souvent immédiats, la sécurité de nos écoles et de nos élèves ne peut attendre, nous travaillons trop dans l'urgence et notre responsabilité est trop fortement engagée pour que nous nous permettions de nous abstenir de répondre à un coup de téléphone, de prévenir immédiatement la mairie d'un problème matériel ou sanitaire, ou de vérifier si les absences de nos élèves sont ou non justifiées.
Dans ce cadre nouveau, continuer à pouvoir enseigner aux élèves devrait être un choix et non une charge. Mais si les Directrices et Directeurs actuels s'imaginent qu'un temps de "décharge" augmenté suffirait à leur bonheur, ils se fourent le doigt dans l’œil, car cela n'enlèverait rien au poids quotidien de leur travail. A mes yeux le Directeur devrait n'avoir aucune charge de classe, mais pouvoir exercer auprès des élèves selon ses disponibilités et les besoins de son école.
Observons donc autour de nous : cette possibilité existe-t-elle ? Pas à ma connaissance. Le statut actuel des "personnels de Direction" ne répond aucunement à ma vision des choses. C'est donc un statut spécifique au primaire que je pense nécessaire, un statut non plus de professeur des écoles chargé d'une Direction, mais un statut de Directeur issu du corps des PE et pouvant éventuellement enseigner. J'inverse donc le système actuel. Plus même, je réclame un statut fonctionnel, c'est à dire uniquement attaché à la fonction lorsqu'un enseignant souhaite l'exercer, mais qui autorise le retour éventuel au corps des PE. Cela impliquerait évidemment que la fonction de Directrice ou Directeur d'école serait rémunérée non avec une échelle spécifique mais en points d'indice supplémentaires (bonification indiciaire) ou avec une prime, que le retour au corps des PE ferait disparaître. Il n'y aurait donc aucune discrimination, la fonction étant accessible à tous à condition d'être en amont enseignant du primaire.
Le Directeur d'école n'a donc plus charge de classe. On peut imaginer que dans une "petite" école sa disponibilité est alors suffisante pour lui permettre d'exercer son métier sans difficulté majeure. Cela pose néanmoins un problème budgétaire pour l'Etat : les 45 000 écoles actuelles nécessitent déjà à la louche aujourd'hui environ 12 000 PE pour exercer les temps de "décharge" nécessaires, sur près de 30 000 "remplaçants" (pour 251 000 classes), et comme il n'est pas question de piocher dans ce contingent déjà réduit mais indispensable, il faudrait créer plus de 30 000 postes... pour un résultat peu probant car les limites du système seraient vite atteintes. Effectivement à partir de sept ou huit classes un Directeur est rapidement saturé par ses devoirs et ses responsabilités, et certaines périodes de l'année sont largement plus lourdes que d'autres. Je n'oublie pas que Christine Renon n'avait "que" onze classes à gérer, de maternelle certes, et que son absence de charge de classe ne l'a pas empêchée de craquer. Celles et ceux qui me lisent et sont dans des situations similaires ou pires comprennent de quoi je veux parler.
Alors il n'est pas impensable d'imaginer les Directrices et Directeurs d'école entourés d'une équipe, comme le sont les chefs d'établissement du collège par exemple. Un secrétariat, un CPE... Mais évidemment mon précédent discours sur la contrainte budgétaire que cela implique prend une ampleur disproportionnée. Seule solution : la fusion d'écoles. Combien de communes françaises n'en ont que deux, une maternelle et une élémentaire, qui bénéficieraient avantageusement d'une telle fusion ? Elle serait d'abord logique et supprimerait la question des admissions annuelles en CP, une école maternelle n'abondant souvent de ses élèves qu'une seule école élémentaire. Pédagogiquement elle serait certainement souhaitable, favorisant projets communs et répondant mieux aux besoins des élèves en difficulté, autorisant un réel suivi et des aménagements de scolarité sur tout le cursus. Elle permettrait également aux enseignants de travailler du cycle 1 au cycle 3 selon leurs envies, ou de "suivre" une classe de GS au CP pour faciliter ce passage parfois difficile. Les Directrices et Directeurs d'école qui gèrent actuellement une école "primaire" savent tout l'intérêt de ne plus avoir deux écoles séparées administrativement. L'éloignement éventuel des bâtiments ? Dans la mesure où le Directeur n'aurait aucune charge de classe, cela ne poserait pas de vraie difficulté.
Deux points méritent notre attention quant à la fusion des écoles : d'abord la question territoriale, ensuite celle des effectifs. A l'heure actuelle une fusion n'a pas un énorme intérêt pour le Directeur : passer de six classes avec une journée de décharge à dix avec deux journées ne changera rien pour lui, la charge même pourra empirer avec la gestion éventuelle de deux sites. Dans le cadre que j'ai défini plus haut en revanche cela devient intéressant, et je vais m'expliquer. Une fusion doit être logique territorialement, c'est à dire que les communes ou autres regroupements doivent pouvoir choisir sans jamais oublier l'intérêt des élèves ni des familles; à ce titre le rapport d'information récent du Sénat dont j'ai parlé dans un billet précédent est passionnant à lire, qui ne cache rien des préoccupations des élus ruraux quant à cette logique de territoire en termes par exemple de bassin, de distance, de transport. La question est tout autant valable dans une métropole, avec de plus la question cruciale des effectifs. J'ai souvent entendu les adversaires du projet du GDiD exprimer - avec raison - leur crainte de la constitution d' "usines à gaz" réunissant plus de classes que nécessaire, avec plusieurs centaines d'élèves. Je pense qu'évidemment l'Etat devrait avoir dans ce domaine un rôle régulateur face à des choix peu pertinents d'élus. Mais je n'oublie pas que ces "usines à gaz" existent déjà qui regroupent dix-huit, vingt, vingt-cinq classes... ou plus ! Oui, elles existent. Je ne doute pas une seconde que je recevrai après la parution de ce billet un certain nombre de témoignages de Directrices et Directeurs exaspérés.
Le rapport du Sénat que j'ai évoqué plus haut peut nous éclairer. Pour l'Etat, il existe une seuil de "viabilité pédagogique", c'est à dire qu'en-dessous d'un certain nombre d'élèves on observe une perte de moyens budgétaires et matériels, ainsi qu'une fuite des familles. Je cite :
" [...] Le seuil de 200 élèves est souvent évoqué par les autorités académiques comme un seuil de viabilité pédagogique. Or, les collèges de moins de 100 élèves sont une réalité, particulièrement dans les zones de montagne. Le maillage des collèges étant plus lâche et impliquant déjà davantage de temps de transport pour les élèves, la rationalisation du réseau des collèges en est d'autant plus difficile.
[...] Du point de vue de l'éducation nationale, la politique de concentration scolaire permet :
- d'assurer la qualité des enseignements, notamment lorsque le nombre d'élèves par classe est insuffisant ;
- de répondre à la problématique d'attractivité des postes d'enseignants, qui mène à l'affectation d'enseignants débutants voire à des vacances de poste, à des difficultés de remplacement ;
- d'améliorer les conditions matérielles d'apprentissage des élèves (bâti scolaire, restauration, accès aux terrains de sport ou zux bibliothèques, équipement numérique) ;
- de mieux répondre à l'impératif d'inclusion scolaire, par la constitution de structures adaptées (ULIS) ;
- de renforcer l'offre périscolaire et extrascolaire.
Comme l'a confié à la mission d'information un IA-DASEN, les regroupements scolaires visent, en accroissant la qualité de l'offre éducative des écoles rurales, à mettre fin à une réalité souvent tue qu'est l'évitement des petites écoles par des familles, dont un certain nombre font le choix de scolariser leurs enfants dans les chefs-lieux de canton. M. Renaud Averly, président de la communauté de communes du pays rethelois, rapportait que la transformation d'un RPI dispersé en un RPI concentré dans un pôle scolaire avait porté ses effectifs de 170 à 225 élèves, par le seul tarissement des « fuites » vers la ville. [...] "
Ce seuil de 200 élèves est facile à atteindre dans le primaire dans le cas d'une fusion. Mais il faut garder une chose à l'esprit et ne pas en démordre : c'est l'intérêt de nos élèves qui prime ! Ce qui signifie qu'il ne faut pas s'interdire des fusions plus petites, ni imaginer qu'il soit absolument nécessaire d'en faire beaucoup plus ou encore d'en trop restreindre la taille. Faudrait-il donner une ampleur maximale ? Je le pense. Comme je pense que scinder certaines écoles monstrueuses d'aujourd'hui ne serait pas forcément une erreur. Pourquoi ne pas construire de nouveaux bâtiments, plus modernes, adaptés à nos besoins pédagogiques, et de taille raisonnable pour conserver des rapports humains constructifs ? L'aide de l'Etat serait la bienvenue. Et ce serait une belle et grande évolution pour l'Education nationale.
Dans ce cadre nouveau un Directeur d'école, chef d'établissement fonctionnel du primaire, aurait toute sa place et prendrait toute son ampleur. Assisté d'une équipe administrative et pédagogique, il pourrait tout donner pour la réussite des élèves de son établissement. A condition d'avoir les moyens de son action. Et cela pour moi passe par une nouvelle définition de l'école. Elle n'a aujourd'hui aucun statut, certaines décisions forcément ne peuvent pas être prises "en interne" puisqu'elle dépend directement de l'institution. Ainsi par exemple la gestion des absences : depuis la rentrée 2019 les enfants de Petite Section qui s'endorment à midi le nez dans leur assiette ne peuvent faire la sieste chez eux sans le consentement explicite d'un IEN; un Directeur d'école chef d'un établissement juridiquement reconnu aurait le droit d'en décider lui-même, puisqu'il en prendrait la totale responsabilité aux yeux de la Loi. J'en passe et des meilleures. Comme Directeur d'école je revendique haut et fort le droit de pouvoir faire moi-même certains choix. Et d'en assurer en pleine connaissance la responsabilité judiciaire.
Dois-je exprimer qu'un Directeur d'école chef d'un établissement à l'existence juridique reconnue aurait une autre envergure face à des familles difficiles ? Et puis gérer des cas compliqués en équipe administrative, avec un référentiel clair, est certainement plus facile que seul comme aujourd'hui. Comme Directeur il m'est arrivé de nombreuses fois de me faire engueuler devant mes élèves et leurs parents, au seuil de ma classe. Si je peux épargner ça à ceux qui exerceront mon métier, je suis prêt à beaucoup.
J'ai une certaine vision de l'école. Vieil instituteur, je n'ai pas la nostalgie d'une époque révolue même si je regrette la facilité passée d'exercer mes deux métiers. Tout a changé, il faut en tenir compte, nous n'enseignons plus comme il y a quarante ans, les besoins et les revendications des familles sont différents, les rapports humains aussi ne sont plus aussi simples et honnêtes. Il est temps, largement temps, d'imaginer une autre école.
Ils veulent travailler dans la sérénité, c'est à dire pouvoir exercer leur charge de Direction au quotidien sans avoir simultanément à gérer leurs élèves, car aujourd'hui les deux fonctions de Directeur et d'enseignant s'entravent souvent l'un l'autre. Ceci n'était pas le cas lorsque j'ai débuté mon métier de Directeur il y a vingt ans. Serait-ce parce que notre institution a trop chargé la barque ? Certainement en partie, mais mon expérience me montre surtout que d'une part nos élèves ont changé et que leur besoin d'attention individuelle a pris des proportions importantes, et d'autre part que les nécessités de la mission du Directeur d'école ne sont plus du tout les mêmes. Les besoins des familles ou de nos autres interlocuteurs sont souvent immédiats, la sécurité de nos écoles et de nos élèves ne peut attendre, nous travaillons trop dans l'urgence et notre responsabilité est trop fortement engagée pour que nous nous permettions de nous abstenir de répondre à un coup de téléphone, de prévenir immédiatement la mairie d'un problème matériel ou sanitaire, ou de vérifier si les absences de nos élèves sont ou non justifiées.
Dans ce cadre nouveau, continuer à pouvoir enseigner aux élèves devrait être un choix et non une charge. Mais si les Directrices et Directeurs actuels s'imaginent qu'un temps de "décharge" augmenté suffirait à leur bonheur, ils se fourent le doigt dans l’œil, car cela n'enlèverait rien au poids quotidien de leur travail. A mes yeux le Directeur devrait n'avoir aucune charge de classe, mais pouvoir exercer auprès des élèves selon ses disponibilités et les besoins de son école.
Observons donc autour de nous : cette possibilité existe-t-elle ? Pas à ma connaissance. Le statut actuel des "personnels de Direction" ne répond aucunement à ma vision des choses. C'est donc un statut spécifique au primaire que je pense nécessaire, un statut non plus de professeur des écoles chargé d'une Direction, mais un statut de Directeur issu du corps des PE et pouvant éventuellement enseigner. J'inverse donc le système actuel. Plus même, je réclame un statut fonctionnel, c'est à dire uniquement attaché à la fonction lorsqu'un enseignant souhaite l'exercer, mais qui autorise le retour éventuel au corps des PE. Cela impliquerait évidemment que la fonction de Directrice ou Directeur d'école serait rémunérée non avec une échelle spécifique mais en points d'indice supplémentaires (bonification indiciaire) ou avec une prime, que le retour au corps des PE ferait disparaître. Il n'y aurait donc aucune discrimination, la fonction étant accessible à tous à condition d'être en amont enseignant du primaire.
Le Directeur d'école n'a donc plus charge de classe. On peut imaginer que dans une "petite" école sa disponibilité est alors suffisante pour lui permettre d'exercer son métier sans difficulté majeure. Cela pose néanmoins un problème budgétaire pour l'Etat : les 45 000 écoles actuelles nécessitent déjà à la louche aujourd'hui environ 12 000 PE pour exercer les temps de "décharge" nécessaires, sur près de 30 000 "remplaçants" (pour 251 000 classes), et comme il n'est pas question de piocher dans ce contingent déjà réduit mais indispensable, il faudrait créer plus de 30 000 postes... pour un résultat peu probant car les limites du système seraient vite atteintes. Effectivement à partir de sept ou huit classes un Directeur est rapidement saturé par ses devoirs et ses responsabilités, et certaines périodes de l'année sont largement plus lourdes que d'autres. Je n'oublie pas que Christine Renon n'avait "que" onze classes à gérer, de maternelle certes, et que son absence de charge de classe ne l'a pas empêchée de craquer. Celles et ceux qui me lisent et sont dans des situations similaires ou pires comprennent de quoi je veux parler.
Alors il n'est pas impensable d'imaginer les Directrices et Directeurs d'école entourés d'une équipe, comme le sont les chefs d'établissement du collège par exemple. Un secrétariat, un CPE... Mais évidemment mon précédent discours sur la contrainte budgétaire que cela implique prend une ampleur disproportionnée. Seule solution : la fusion d'écoles. Combien de communes françaises n'en ont que deux, une maternelle et une élémentaire, qui bénéficieraient avantageusement d'une telle fusion ? Elle serait d'abord logique et supprimerait la question des admissions annuelles en CP, une école maternelle n'abondant souvent de ses élèves qu'une seule école élémentaire. Pédagogiquement elle serait certainement souhaitable, favorisant projets communs et répondant mieux aux besoins des élèves en difficulté, autorisant un réel suivi et des aménagements de scolarité sur tout le cursus. Elle permettrait également aux enseignants de travailler du cycle 1 au cycle 3 selon leurs envies, ou de "suivre" une classe de GS au CP pour faciliter ce passage parfois difficile. Les Directrices et Directeurs d'école qui gèrent actuellement une école "primaire" savent tout l'intérêt de ne plus avoir deux écoles séparées administrativement. L'éloignement éventuel des bâtiments ? Dans la mesure où le Directeur n'aurait aucune charge de classe, cela ne poserait pas de vraie difficulté.
Deux points méritent notre attention quant à la fusion des écoles : d'abord la question territoriale, ensuite celle des effectifs. A l'heure actuelle une fusion n'a pas un énorme intérêt pour le Directeur : passer de six classes avec une journée de décharge à dix avec deux journées ne changera rien pour lui, la charge même pourra empirer avec la gestion éventuelle de deux sites. Dans le cadre que j'ai défini plus haut en revanche cela devient intéressant, et je vais m'expliquer. Une fusion doit être logique territorialement, c'est à dire que les communes ou autres regroupements doivent pouvoir choisir sans jamais oublier l'intérêt des élèves ni des familles; à ce titre le rapport d'information récent du Sénat dont j'ai parlé dans un billet précédent est passionnant à lire, qui ne cache rien des préoccupations des élus ruraux quant à cette logique de territoire en termes par exemple de bassin, de distance, de transport. La question est tout autant valable dans une métropole, avec de plus la question cruciale des effectifs. J'ai souvent entendu les adversaires du projet du GDiD exprimer - avec raison - leur crainte de la constitution d' "usines à gaz" réunissant plus de classes que nécessaire, avec plusieurs centaines d'élèves. Je pense qu'évidemment l'Etat devrait avoir dans ce domaine un rôle régulateur face à des choix peu pertinents d'élus. Mais je n'oublie pas que ces "usines à gaz" existent déjà qui regroupent dix-huit, vingt, vingt-cinq classes... ou plus ! Oui, elles existent. Je ne doute pas une seconde que je recevrai après la parution de ce billet un certain nombre de témoignages de Directrices et Directeurs exaspérés.
Le rapport du Sénat que j'ai évoqué plus haut peut nous éclairer. Pour l'Etat, il existe une seuil de "viabilité pédagogique", c'est à dire qu'en-dessous d'un certain nombre d'élèves on observe une perte de moyens budgétaires et matériels, ainsi qu'une fuite des familles. Je cite :
" [...] Le seuil de 200 élèves est souvent évoqué par les autorités académiques comme un seuil de viabilité pédagogique. Or, les collèges de moins de 100 élèves sont une réalité, particulièrement dans les zones de montagne. Le maillage des collèges étant plus lâche et impliquant déjà davantage de temps de transport pour les élèves, la rationalisation du réseau des collèges en est d'autant plus difficile.
[...] Du point de vue de l'éducation nationale, la politique de concentration scolaire permet :
- d'assurer la qualité des enseignements, notamment lorsque le nombre d'élèves par classe est insuffisant ;
- de répondre à la problématique d'attractivité des postes d'enseignants, qui mène à l'affectation d'enseignants débutants voire à des vacances de poste, à des difficultés de remplacement ;
- d'améliorer les conditions matérielles d'apprentissage des élèves (bâti scolaire, restauration, accès aux terrains de sport ou zux bibliothèques, équipement numérique) ;
- de mieux répondre à l'impératif d'inclusion scolaire, par la constitution de structures adaptées (ULIS) ;
- de renforcer l'offre périscolaire et extrascolaire.
Comme l'a confié à la mission d'information un IA-DASEN, les regroupements scolaires visent, en accroissant la qualité de l'offre éducative des écoles rurales, à mettre fin à une réalité souvent tue qu'est l'évitement des petites écoles par des familles, dont un certain nombre font le choix de scolariser leurs enfants dans les chefs-lieux de canton. M. Renaud Averly, président de la communauté de communes du pays rethelois, rapportait que la transformation d'un RPI dispersé en un RPI concentré dans un pôle scolaire avait porté ses effectifs de 170 à 225 élèves, par le seul tarissement des « fuites » vers la ville. [...] "
Ce seuil de 200 élèves est facile à atteindre dans le primaire dans le cas d'une fusion. Mais il faut garder une chose à l'esprit et ne pas en démordre : c'est l'intérêt de nos élèves qui prime ! Ce qui signifie qu'il ne faut pas s'interdire des fusions plus petites, ni imaginer qu'il soit absolument nécessaire d'en faire beaucoup plus ou encore d'en trop restreindre la taille. Faudrait-il donner une ampleur maximale ? Je le pense. Comme je pense que scinder certaines écoles monstrueuses d'aujourd'hui ne serait pas forcément une erreur. Pourquoi ne pas construire de nouveaux bâtiments, plus modernes, adaptés à nos besoins pédagogiques, et de taille raisonnable pour conserver des rapports humains constructifs ? L'aide de l'Etat serait la bienvenue. Et ce serait une belle et grande évolution pour l'Education nationale.
Dans ce cadre nouveau un Directeur d'école, chef d'établissement fonctionnel du primaire, aurait toute sa place et prendrait toute son ampleur. Assisté d'une équipe administrative et pédagogique, il pourrait tout donner pour la réussite des élèves de son établissement. A condition d'avoir les moyens de son action. Et cela pour moi passe par une nouvelle définition de l'école. Elle n'a aujourd'hui aucun statut, certaines décisions forcément ne peuvent pas être prises "en interne" puisqu'elle dépend directement de l'institution. Ainsi par exemple la gestion des absences : depuis la rentrée 2019 les enfants de Petite Section qui s'endorment à midi le nez dans leur assiette ne peuvent faire la sieste chez eux sans le consentement explicite d'un IEN; un Directeur d'école chef d'un établissement juridiquement reconnu aurait le droit d'en décider lui-même, puisqu'il en prendrait la totale responsabilité aux yeux de la Loi. J'en passe et des meilleures. Comme Directeur d'école je revendique haut et fort le droit de pouvoir faire moi-même certains choix. Et d'en assurer en pleine connaissance la responsabilité judiciaire.
Dois-je exprimer qu'un Directeur d'école chef d'un établissement à l'existence juridique reconnue aurait une autre envergure face à des familles difficiles ? Et puis gérer des cas compliqués en équipe administrative, avec un référentiel clair, est certainement plus facile que seul comme aujourd'hui. Comme Directeur il m'est arrivé de nombreuses fois de me faire engueuler devant mes élèves et leurs parents, au seuil de ma classe. Si je peux épargner ça à ceux qui exerceront mon métier, je suis prêt à beaucoup.
J'ai une certaine vision de l'école. Vieil instituteur, je n'ai pas la nostalgie d'une époque révolue même si je regrette la facilité passée d'exercer mes deux métiers. Tout a changé, il faut en tenir compte, nous n'enseignons plus comme il y a quarante ans, les besoins et les revendications des familles sont différents, les rapports humains aussi ne sont plus aussi simples et honnêtes. Il est temps, largement temps, d'imaginer une autre école.