Il m'aura fallu la semaine pour retomber de mon désespoir suite au geste fatal de notre collègue de Pantin. Je reste abattu, et ma colère est encore présente.
Après douze années de travail personnel incessant pour que les Directrices et Directeurs d'école soient reconnus - vingt ans pour mes camarades du GDiD -, en arriver à un tel drame est pour moi dévastateur. Je ressens ce grand malheur comme une faillite personnelle, tout autant qu'Alain Rei, président de notre association, qui écrivait jeudi dernier dans une lettre à nos membres :
"Difficile d'avoir une parole juste après un tel drame. Le GDiD a toujours milité pour la reconnaissance des Directrices et Directeurs d'école. Depuis presque 20 ans sans relâche nous avons essayé de porter la réalité de notre métier au plus haut de l'Etat sans oublier de la partager avec les décideurs locaux. Depuis presque 20 ans nous alertons les syndicats, les différents pouvoirs politiques de la violence de ce métier, de ce sentiment d'isolement que nous ressentons souvent. Depuis presque 20 ans nous parlons de cette souffrance au travail qui est multi-factorielle et qui de fait est plus difficile à contenir. Depuis presque 20 ans nous espérons que les choses évoluent....Et pourtant !
Pourtant des drames comme celui là se sont déjà produits.
Pourtant de nombreux collègues nous ont quittés et après l'émotion on les oublie.
Nous avons failli collectivement car nos circuits d'aide n'ont pas fonctionné.
Nous avons failli collectivement car nous n'avons pas vu cette détresse.
Nous avons failli collectivement car nous n'avons pas su nous organiser pour que ce métier que nous portons soit réellement reconnu à la hauteur de l’engagement que nous avons.
Alors aujourd'hui nous sommes tristes. Tristes et en colère. En colère car cette responsabilité collective sera sans doute peu partagée. Cette responsabilité collective sera noyée dans cette évidence qu'un tel acte si terrible si définitif ne peut-être dû qu'à un mal être général, dont le travail n'est sans doute qu'un des éléments....... Nous sommes en colère parce que malgré nos alertes, les choses vont reprendre comme chaque fois et que le temps fera son terrible travail d'effacement, et d'oubli. (...)"
Comment continuer ? Certes nous ne sommes pas seuls. Depuis toutes ces années le GDiD a réussi à convaincre et à fédérer de nombreux élus, députés, sénateurs, de nombreux collègues Directrices et Directeurs, plusieurs syndicats et non des moindres; les rapports se sont accumulés, les questions au gouvernement aussi, nous étions encore en mai dernier au Ministère. A chaque fois nos interlocuteurs nous disent que notre situation ne peut pas durer, qu'ils vont faire quelque chose, que ça va changer. Les paroles s'envolent, les ministères changent, les anciens présidents meurent, et rien ne bouge et rien n'a bougé. Ou si peu. Ou beaucoup mais personne ne semble vouloir en tenir compte ! Ainsi grâce au GDiD depuis cinq ans notre métier est caractérisé par un référentiel qui nous définit bien comme des personnels particuliers aux responsabilités diverses bien différenciées de celles d'un enseignant. Pour autant nous n'avons rien obtenu de ce qui aurait dû l'accompagner, à part une portion de la récente "classe exceptionnelle" qui je le rappelle au départ devait nous être totalement réservée. Mais nos moyens d'action ? Mais notre reconnaissance ? Je le ressens d'autant plus cruellement que Directeur d'une petite école maternelle je prends de plein fouet la nouvelle obligation d'instruction qui m'oblige par exemple à demander l'avis de mon IEN pour autoriser mes petits de trois ans à faire la sieste à la maison lorsqu'ils s'endorment le nez dans leur assiette... On ne pouvait pas me donner cette responsabilité ?
Ne parlons même plus de notre temps de travail, ni de la pression quotidienne dans une petite école comme la mienne où je dois assumer un temps d'enseignement complet et être Directeur par-dessus le marché. Ne croyez pas que j'envie particulièrement les collègues qui gèrent des plus grosses écoles, ou ceux qui sont en élémentaire. Christine Renon dirigeait onze classes, sans secrétariat, sans CPE pour recevoir les familles, sans reconnaissance institutionnelle ni soutien, sans avoir jamais les moyens de ses choix, sans être rémunérée non plus à la hauteur de sa tâche. Elle l'explique clairement dans cette épouvantable lettre qu'elle nous laisse comme un testament désespéré : elle est seule, nous sommes seuls...
Quand j'ai lu la première déclaration de Francette Popineau, du SNU-IPP, j'ai blêmi : "Nous ne voulons pas faire des directeurs et directrices d'école des supérieurs hiérarchiques". C'est quoi cette obsession à la con ? Une telle déclaration dans ces circonstances est infâme. Je me fous royalement d'être le supérieur hiérarchique des enseignants qui travaillent avec moi ! Supérieur que je suis de toute manière de facto quand par exemple je leur accepte ou refuse une sortie scolaire. Et puis que je sache les principaux et proviseurs sont les supérieurs hiérarchiques des professeurs du secondaire et ça n'a pas l'air de gêner quiconque. Il faut arrêter, là, stop ! Et puis Christine Renon, pourtant syndiquée dans cette centrale, fait elle-même la comparaison dans sa lettre. Alors ?
Je suis comme vous, je continue. J'ai fait mon boulot chaque jour depuis le passage à l'acte de notre collègue, avec tout ce que je pouvais y mettre d'humanité, avec le sourire envers les enfants et les parents, et en arrière-plan un nuage noir de douleur et de remord de n'avoir pas réussi malgré mon investissement au GDiD à changer ce qui doit être changé. Pas encore de mutatis mutandis, j'en suis bourrelé de honte. Parce que, peut-être... peut-être que Christine Renon serait encore avec nous, épanouie dans son métier comme elle a essayé de l'être pendant tant d'années au service de ses élèves et des enseignants.
Nous avions le même âge.
Pourtant des drames comme celui là se sont déjà produits.
Pourtant de nombreux collègues nous ont quittés et après l'émotion on les oublie.
Nous avons failli collectivement car nos circuits d'aide n'ont pas fonctionné.
Nous avons failli collectivement car nous n'avons pas vu cette détresse.
Nous avons failli collectivement car nous n'avons pas su nous organiser pour que ce métier que nous portons soit réellement reconnu à la hauteur de l’engagement que nous avons.
Alors aujourd'hui nous sommes tristes. Tristes et en colère. En colère car cette responsabilité collective sera sans doute peu partagée. Cette responsabilité collective sera noyée dans cette évidence qu'un tel acte si terrible si définitif ne peut-être dû qu'à un mal être général, dont le travail n'est sans doute qu'un des éléments....... Nous sommes en colère parce que malgré nos alertes, les choses vont reprendre comme chaque fois et que le temps fera son terrible travail d'effacement, et d'oubli. (...)"
Comment continuer ? Certes nous ne sommes pas seuls. Depuis toutes ces années le GDiD a réussi à convaincre et à fédérer de nombreux élus, députés, sénateurs, de nombreux collègues Directrices et Directeurs, plusieurs syndicats et non des moindres; les rapports se sont accumulés, les questions au gouvernement aussi, nous étions encore en mai dernier au Ministère. A chaque fois nos interlocuteurs nous disent que notre situation ne peut pas durer, qu'ils vont faire quelque chose, que ça va changer. Les paroles s'envolent, les ministères changent, les anciens présidents meurent, et rien ne bouge et rien n'a bougé. Ou si peu. Ou beaucoup mais personne ne semble vouloir en tenir compte ! Ainsi grâce au GDiD depuis cinq ans notre métier est caractérisé par un référentiel qui nous définit bien comme des personnels particuliers aux responsabilités diverses bien différenciées de celles d'un enseignant. Pour autant nous n'avons rien obtenu de ce qui aurait dû l'accompagner, à part une portion de la récente "classe exceptionnelle" qui je le rappelle au départ devait nous être totalement réservée. Mais nos moyens d'action ? Mais notre reconnaissance ? Je le ressens d'autant plus cruellement que Directeur d'une petite école maternelle je prends de plein fouet la nouvelle obligation d'instruction qui m'oblige par exemple à demander l'avis de mon IEN pour autoriser mes petits de trois ans à faire la sieste à la maison lorsqu'ils s'endorment le nez dans leur assiette... On ne pouvait pas me donner cette responsabilité ?
Ne parlons même plus de notre temps de travail, ni de la pression quotidienne dans une petite école comme la mienne où je dois assumer un temps d'enseignement complet et être Directeur par-dessus le marché. Ne croyez pas que j'envie particulièrement les collègues qui gèrent des plus grosses écoles, ou ceux qui sont en élémentaire. Christine Renon dirigeait onze classes, sans secrétariat, sans CPE pour recevoir les familles, sans reconnaissance institutionnelle ni soutien, sans avoir jamais les moyens de ses choix, sans être rémunérée non plus à la hauteur de sa tâche. Elle l'explique clairement dans cette épouvantable lettre qu'elle nous laisse comme un testament désespéré : elle est seule, nous sommes seuls...
Quand j'ai lu la première déclaration de Francette Popineau, du SNU-IPP, j'ai blêmi : "Nous ne voulons pas faire des directeurs et directrices d'école des supérieurs hiérarchiques". C'est quoi cette obsession à la con ? Une telle déclaration dans ces circonstances est infâme. Je me fous royalement d'être le supérieur hiérarchique des enseignants qui travaillent avec moi ! Supérieur que je suis de toute manière de facto quand par exemple je leur accepte ou refuse une sortie scolaire. Et puis que je sache les principaux et proviseurs sont les supérieurs hiérarchiques des professeurs du secondaire et ça n'a pas l'air de gêner quiconque. Il faut arrêter, là, stop ! Et puis Christine Renon, pourtant syndiquée dans cette centrale, fait elle-même la comparaison dans sa lettre. Alors ?
Je suis comme vous, je continue. J'ai fait mon boulot chaque jour depuis le passage à l'acte de notre collègue, avec tout ce que je pouvais y mettre d'humanité, avec le sourire envers les enfants et les parents, et en arrière-plan un nuage noir de douleur et de remord de n'avoir pas réussi malgré mon investissement au GDiD à changer ce qui doit être changé. Pas encore de mutatis mutandis, j'en suis bourrelé de honte. Parce que, peut-être... peut-être que Christine Renon serait encore avec nous, épanouie dans son métier comme elle a essayé de l'être pendant tant d'années au service de ses élèves et des enseignants.
Nous avions le même âge.