dimanche 29 septembre 2019

Nous avions le même âge.

Il m'aura fallu la semaine pour retomber de mon désespoir suite au geste fatal de notre collègue de Pantin. Je reste abattu, et ma colère est encore présente.

Après douze années de travail personnel incessant pour que les Directrices et Directeurs d'école soient reconnus - vingt ans pour mes camarades du GDiD -, en arriver à un tel drame est pour moi dévastateur. Je ressens ce grand malheur comme une faillite personnelle, tout autant qu'Alain Rei, président de notre association, qui écrivait jeudi dernier dans une lettre à nos membres :

"Difficile d'avoir une parole juste après un tel drame. Le GDiD a toujours milité pour la reconnaissance des Directrices et Directeurs d'école. Depuis presque 20 ans sans relâche nous avons essayé de porter la réalité de notre métier au plus haut de l'Etat sans oublier de la partager avec les décideurs locaux. Depuis presque 20 ans nous alertons les syndicats, les différents pouvoirs politiques de la violence de ce métier, de ce sentiment d'isolement que nous ressentons souvent. Depuis presque 20 ans nous parlons de cette souffrance au travail qui est multi-factorielle et qui de fait est plus difficile à contenir. Depuis presque 20 ans nous espérons que les choses évoluent....Et pourtant !

Pourtant des drames comme celui là se sont déjà produits.

Pourtant de nombreux collègues nous ont quittés et après l'émotion on les oublie.

Nous avons failli collectivement car nos circuits d'aide n'ont pas fonctionné.

Nous avons failli collectivement car nous n'avons pas vu cette détresse.

Nous avons failli collectivement car nous n'avons pas su nous organiser pour que ce métier que nous portons soit réellement reconnu à la hauteur de l’engagement que nous avons.

Alors aujourd'hui nous sommes tristes. Tristes et en colère. En colère car cette responsabilité collective sera sans doute peu partagée. Cette responsabilité collective sera noyée dans cette évidence qu'un tel acte si terrible si définitif ne peut-être dû qu'à un mal être général, dont le travail n'est sans doute qu'un des éléments....... Nous sommes en colère parce que malgré nos alertes, les choses vont reprendre comme chaque fois et que le temps fera son terrible travail d'effacement, et d'oubli. (...)"

Comment continuer ? Certes nous ne sommes pas seuls. Depuis toutes ces années le GDiD a réussi à convaincre et à fédérer de nombreux élus, députés, sénateurs, de nombreux collègues Directrices et Directeurs, plusieurs syndicats et non des moindres; les rapports se sont accumulés, les questions au gouvernement aussi, nous étions encore en mai dernier au Ministère. A chaque fois nos interlocuteurs nous disent que notre situation ne peut pas durer, qu'ils vont faire quelque chose, que ça va changer. Les paroles s'envolent, les ministères changent, les anciens présidents meurent, et rien ne bouge et rien n'a bougé. Ou si peu. Ou beaucoup mais personne ne semble vouloir en tenir compte ! Ainsi grâce au GDiD depuis cinq ans notre métier est caractérisé par un référentiel qui nous définit bien comme des personnels particuliers aux responsabilités diverses bien différenciées de celles d'un enseignant. Pour autant nous n'avons rien obtenu de ce qui aurait dû l'accompagner, à part une portion de la récente "classe exceptionnelle" qui je le rappelle au départ devait nous être totalement réservée. Mais nos moyens d'action ? Mais notre reconnaissance ? Je le ressens d'autant plus cruellement que Directeur d'une petite école maternelle je prends de plein fouet la nouvelle obligation d'instruction qui m'oblige par exemple à demander l'avis de mon IEN pour autoriser mes petits de trois ans à faire la sieste à la maison lorsqu'ils s'endorment le nez dans leur assiette... On ne pouvait pas me donner cette responsabilité ?

Ne parlons même plus de notre temps de travail, ni de la pression quotidienne dans une petite école comme la mienne où je dois assumer un temps d'enseignement complet et être Directeur par-dessus le marché. Ne croyez pas que j'envie particulièrement les collègues qui gèrent des plus grosses écoles, ou ceux qui sont en élémentaire. Christine Renon dirigeait onze classes, sans secrétariat, sans CPE pour recevoir les familles, sans reconnaissance institutionnelle ni soutien, sans avoir jamais les moyens de ses choix, sans être rémunérée non plus à la hauteur de sa tâche. Elle l'explique clairement dans cette épouvantable lettre qu'elle nous laisse comme un testament désespéré : elle est seule, nous sommes seuls...

Quand j'ai lu la première déclaration de Francette Popineau, du SNU-IPP, j'ai blêmi : "Nous ne voulons pas faire des directeurs et directrices d'école des supérieurs hiérarchiques". C'est quoi cette obsession à la con ? Une telle déclaration dans ces circonstances est infâme. Je me fous royalement d'être le supérieur hiérarchique des enseignants qui travaillent avec moi ! Supérieur que je suis de toute manière de facto quand par exemple je leur accepte ou refuse une sortie scolaire. Et puis que je sache les principaux et proviseurs sont les supérieurs hiérarchiques des professeurs du secondaire et ça n'a pas l'air de gêner quiconque. Il faut arrêter, là, stop ! Et puis Christine Renon, pourtant syndiquée dans cette centrale, fait elle-même la comparaison dans sa lettre. Alors ?

Je suis comme vous, je continue. J'ai fait mon boulot chaque jour depuis le passage à l'acte de notre collègue, avec tout ce que je pouvais y mettre d'humanité, avec le sourire envers les enfants et les parents, et en arrière-plan un nuage noir de douleur et de remord de n'avoir pas réussi malgré mon investissement au GDiD à changer ce qui doit être changé. Pas encore de mutatis mutandis, j'en suis bourrelé de honte. Parce que, peut-être... peut-être que Christine Renon serait encore avec nous, épanouie dans son métier comme elle a essayé de l'être pendant tant d'années au service de ses élèves et des enseignants.

Nous avions le même âge.

dimanche 22 septembre 2019

Vote par correspondance...

Un arrêté ministériel du 19 août dernier modifie celui du 13 mai 1985 relatif au Conseil d'école. Il donne au Directeur d'école un pouvoir décisionnel supplémentaire qui reste ignoré de la plupart des personnels, et soigneusement tu par beaucoup de DASEN. Concrètement ça bredouille dans certains départements.

Je cite l'extrait de l'arrêté qui nous intéresse :

"Le vote a lieu à l'urne et par correspondance ou exclusivement par correspondance sur décision du directeur d'école, après consultation du conseil d'école."

Il est très rare que le pouvoir décisionnel du Directeur d'école soit confirmé, conforté, que ses choix soient valorisés et, pour le cas qui nous occupe, puissent influer favorablement sur la masse de travail qui nous incombe. Je dois donc saluer la volonté du Ministre qui nous donne des droits supplémentaires et non des devoirs. Voilà qui change...

Mais qu'est-ce que cela signifie concrètement.? Légalement nous devons ouvrir le jour du scrutin un "bureau de vote" accessible pendant quatre heures, avec isoloir et tout le bataclan. Si je peux l'admettre dans une grande école, il est clair que sur la plus grande partie du territoire peu de parents viennent voter à l'urne, si ce n'est aucun. Dans mon école sa dernière apparition date d'il y a quinze ans et depuis personne ne s'est jamais déplacé... les parents ont manifestement autre chose à faire.

Nous autres Directrices et Directeurs d'école avons donc désormais le droit de décider de ne faire voter que par correspondance. Oui, c'est bien à nous de décider, le texte est parfaitement clair. Mais avant nous devons opérer une "consultation" du Conseil d'école.

C'est là que le bât blesse, et c'est là que certains DASEN dans certains départements s'arrogent le droit de restreindre la portée du décret, ce qui est totalement illégal, en exigeant une réunion extraordinaire du CE, voire même en interdisant totalement de procéder cette année à un vote par correspondance. Je suis effaré de voir des administratrices et administrateurs de l'Education nationale oser limiter la portée d'un décret ministériel, et avec quelle audace parfois !

Le texte dit que le Conseil d'école doit être "consulté". Les mots ont leur importance, et dans un cadre légal leur choix n'est pas anodin. En l’occurrence il ne s'agit pas d'une interprétation mais d'une stricte application : tant que les élections ne sont pas faites l'ancien Conseil d'école est toujours valide; ses membres (dont le Maire ou son représentant et un membre du Conseil municipal, le DDEN, etc) doivent donner leur avis, car c'est bien le sens du terme "consultation", et vous ne trouverez jamais nulle part un autre sens juridique que celui-là. Il s'agit donc de demander leur avis à tous les membres de l'ancien CE, de préférence par écrit ou par courriel, mais sans exclusive, quoique je préfère pour ma part conserver une trace de leur choix. Je rappelle utilement ici que toute la jurisprudence actuelle vise à considérer le courrier électronique - qui est traçable - comme une preuve valide en justice.

Mais NULLE PART il n'est écrit que le Conseil d'école doive être réuni, contrairement à ce qu'osent affirmer certains DASEN. On peut bien entendu convoquer un CE exceptionnel, mais ce n'est pas non plus une obligation.

Une fois cet avis donné, favorable ou pas, le Directeur décide. Point barre. Doit-il suivre l'avis des membres du Conseil d'école ? Non, car ce n'est pas un scrutin, juste une consultation. Puisque je vous dis que c'est le Directeur qui décide !



Bien entendu il faut savoir être diplomate. Se mettre à dos les membres institutionnels du CE ou les représentants des familles n'est pas forcément opportun. On vient de me soumettre le cas où tout le monde est d'accord pour ne faire qu'un vote par correspondance, sauf la municipalité. Pour ma part dans ce cas je préférerais m'abstenir afin de conserver de bonnes relations avec les élus. Mais pour autant c'est toujours le Directeur qui décidera, et c'est à lui de prendre ses responsabilités  et de les assumer. Dans la discrétion peut-être si c'est nécessaire...

Il faudra de toute manière mettre la question à un ordre du jour quelconque pour le scrutin d'octobre 2020. Mais là encore, majorité ou pas, ça restera la prérogative du Directeur de décider de n'opérer que par correspondance, puisqu'il ne s'agira encore une fois que d'une "consultation".

J'invite donc les Directrices et Directeurs d'école de France à résister aux pressions illégales des DASEN ou IEN qui voudraient imposer leur volonté malgré le texte. J'invite les syndicats d'enseignants à soutenir les Directrices et Directeurs d'école dans cette démarche respectueuse de la loi et du décret du 19 août 2019 dont je remercie encore une fois le ministre. Je veux également préciser que le GDiD s'est toujours considéré comme "légaliste", soit parfaitement respectueux des textes qui régissent le fonctionnement des écoles, même si certains sont obsolètes. C'est encore aujourd'hui le cas, et le cas précis. Je ne crois pas non plus que cette date de parution du décret au Journal Officiel soit un hasard : si le Ministre n'avait pas voulu qu'il s'applique avant 2020 il aurait très bien pu attendre la fin octobre pour le signer.

Peut-être au fond certaines choses avancent-elles, discrètement certes, mais sûrement. Peut-être également est-il possible que le GDiD puisse prochainement vous annoncer quelque progrès dans la définition et la reconnaissance de notre métier. Mais chuuuut ! Je n'ai rien écrit pour l'instant.

***

Un mot encore. C'est VOUS, vous tous qui nous soutenez, qui croyez à un avenir meilleur pour les Directrices et Directeurs d'école, c'est vous qui nous poussez à continuer. C'est pour vous que nous allons persister. Vaille que vaille.

Alors pensez aussi à nous soutenir financièrement. Nous ne vous demandons que 20 €, mais ça paye les déplacements, les courriers, l'internet, le téléphone. Rien ne vous interdit de donner plus, rien ne vous y oblige non plus. Mais si vous nous lâchez, nous sommes foutus. C'est ici : http://gdid.education/index.php/adhesion/

mercredi 18 septembre 2019

J' hallucine...

J'hallucine en tombant (le cul par terre) sur cet article québécois qui évoque "la maternelle à quatre ans à temps partiel". Je rappelle qu'au Québec comme dans la plupart des pays civilisés l'école obligatoire commence à cinq ans, et qu'elle est conçue pour.

Le souci évidemment n'est pas tant cet âge butoir que l'aide apportée par l'Etat aux familles, parfois réduite à néant dans certains pays ou au contraire exaltée ailleurs.

Ici l'instruction est désormais obligatoire à trois ans. On me susurre à l'oreille que c'est pour des raisons d'égalité - pourquoi pas -, mon petit doigt lui m'exprime avec indignation que c'est plutôt par facilité parce qu'il n'existe en France pas grand chose pour aider les familles, que le nombre de crèches est ridicule, que... bon. Soyons honnête, de toute manière 99% des petits étaient déjà scolarisés. C'est plutôt pour l' "école à la maison" que ça va être n'importe quoi mais je dis ça moi non non je n'ai rien dit je préfère fermer ma gueule va-t-on vérifier comment les enfants de trois ans font la sieste chez eux ? Doudou ou pas doudou, teuteusse ou pas teuteusse, et franchement l'Etat français n'avait rien de mieux à faire ? Il faut croire que ça ne lui coûtait pas cher...

Je vois d'ici un Conseil des ministres : "Bon, les mecs, faut qu'on trouve des trucs qui font bien, qui vont éblouir les autres pays, qui feront croire qu'on veut que le bien de nos concitoyens, et surtout qui ne nous coûtent pas un rond. Je vous écoute." Blanquer : " Chef moi j'ai un bon plan : l'instruction obligatoire à trois ans !" "Ah ouais mais il va falloir embaucher des instits !" "Même pas, chef, ils sont déjà à 28 ou 30 par classe ,c'est pas un ou deux de plus..." " OK, on fait ça !"

L'article que j'ai lu (voici le lien) explique que "Nous avons expérimenté la maternelle 4 ans à temps partiel, une formule où l’enseignante reçoit un groupe de 15 enfants le matin et un autre de 15 enfants l’après-midi." et que ce n'est pas vraiment bien parce que "Le récent programme de maternelle 4 ans à temps plein permet à l’enseignante de suivre une moyenne de 14 élèves, d’offrir à tous des chances égales, de s’assurer que chaque enfant se développe dans tous les domaines, qu’il cultive sa confiance et le plaisir d’apprendre."

Quatorze élèves...

L'année dernière j'en avais trente, cette année trente-deux.

Je n'ai pas la certitude que les petits québécois qui ne viennent à l'école qu'à cinq ans soient plus cons que les petits français, ce qui quand même m'interpelle. D'autre part expliquer que quatorze enfants de quatre ans c'est super, ça me bourlisouffle au niveau du vécu quand je vois ma collègue de PS avoir cette année vingt-huit élèves de trois ans... ou presque, y'en a plein de fin d'année.

Le Directeur d'école que je suis est interloqué. Nos effectifs ne semblent pas motiver quiconque, ni les syndicats, ni la presse, ni la population qui devrait hurler à la maltraitance, ni nos gouvernants qui détournent le regard.

Il est largement temps que je me barre. Peut-être que tout ça nous pétera un jour à la gueule.



dimanche 15 septembre 2019

Rentrée...

Pas de billet depuis juin dernier...

J'en avais fait un début juillet, mais quand je l'ai relu au début des vacances je l'ai trouvé aigri, méchant, bête, inutilement agressif. Je ne l'ai pas publié alors qu'il était prêt. Pour quoi faire ? Je ne suis pas là pour épancher mes désillusions personnelles ni ma fatigue, je suis là pour faire avancer les choses. Du moins je le crois, et ce quel que soit mon état d'esprit ou mon épuisement.

Mais je ne peux pas faire abstraction d'un fait : je suis en fin de carrière, en "classe exceptionnelle" - et pas au premier échelon nous sommes bien d'accord -, aujourd'hui il me reste la présente année à faire qui me gonfle profondément soit dit entre nous. Heureusement pour moi en maternelle j'ai droit aux câlins gratuits, un des rares avantages de ce niveau d'enseignement où on transforme des monstres égocentriques en élèves. Est-ce que mes élèves vont me manquer quand je serai retraité ? En maternelle les sourires sont généralement pleins, sincères, entiers... réels. Leur amour n'est pas feint. Pour autant il peut être étouffant. Existe-t-il encore des collègues d'élémentaire ou du secondaire qui croient que nous nous reposons à longueur de journée et qu'eux seuls travaillent ?

En maternelle comme ailleurs, l'obsession d'un enseignant, c'est la réussite de ses élèves. Et c'est encore plus vrai pour une Directrice ou un Directeur d'école. Point barre final stop terminaison slash.

Je suis donc entré "en vacance" sans remord, j'en avais cruellement besoin, vous verrez quand vous aurez plus de quarante ans de service dans les pattes ! J'ai vaqué. Je suis parti - un peu -, me suis reposé - beaucoup -, j'ai surtout éloigné de mes yeux et de mon esprit tout ce qui concernait de près ou de loin mon double métier. Dont vous, chers lecteurs, chers amis, chers collègues. Désolé. Cela m'a permis de m'y remettre fin août sans arrière-pensée ou doute ou crainte. Et puis vlan dans les dents, je reçois par courriel le premier écho de la Loi Machin-Truc-  qui porte le nom de couches pour adultes -, soit la nécessité de faire remplir aux parents de Petite Section un document long comme le bras pour que leur enfant qui s'endort à midi le nez dans son assiette puisse faire la sieste à la maison... A faire viser par l'IEN siouplé, qui n'a certainement que ça à faire.

Merci Monsieur le Ministre pour cette totale négation de la souplesse de fonctionnement qui a fait de l'école maternelle française un modèle admiré du monde entier. Merci Monsieur le Ministre pour donner aux Directrices et Directeurs d'école - et aux IEN - un travail supplémentaire parce que certainement nous n'avions rien de plus important à faire. Moi Monsieur le Ministre, j'ai certainement d'autres choses à proposer aux familles de mes élèves qu'une culture de la défiance et du doute.

Du coup, dans la foulée de la lecture de ce courriel, je me suis senti tellement exaspéré que je suis allé sur le site de l'ENSAP et que j'y ai fait ma demande de mise à la retraite. Je n'en peux plus de ce système ridicule qui ne s'enlise plus tant il creuse sa propre tombe. Je laisse la suite à plus jeune, plus dynamique, plus "plein d'idées" et plus "plein d'envies". Un truc marrant au passage, le site de l'ENSAP me donne à chaque visite le nombre de jours qui...



Je trouve ça très rigolo, merci à ceux qui ont pondu le script pour ce sympathique petit plus.

Puis-je écrire ce qui m'a quand même agacé avant les vacances ?

J'ai pu lire en juin dans certains journaux - que de gracieux commentateurs sur Facebook persistent à trouver pertinents - que les profs français ont le "bonnet d'âne" de l'incompétence à gérer une classe. Que voulez-vous répondre à de telles conneries ? Je lis de moins en moins de revues de presse, ça bouffe de l'énergie, ça énerve, ça ne sert à rien.

Il y a eu également une émission très consensuelle sur la 5. Je n'ai pas regardé le reportage, comme je l'ai écrit je ne supporte plus la vision journalistique de mon métier. D'autant que ma porte est largement ouverte à ceux qui veulent comprendre. Je suis tombé sur ce reportage par hasard en fin de soirée, et les trois minutes que j'ai pu contempler m'ont été insupportables. Certains fils de réseaux sociaux en ont écrit du bien. Aujourd'hui j'avoue que les pratiques m'intéressent moins que le fond, et en arrivant au bout les questions qui m'assaillent sont plutôt d'ordre existentielles : devons-nous préparer nos enfants à la jungle sociale qui les attend, ou devons-nous préparer des générations qui sauront la changer ? Je n'ai que des réponses hybrides, et je ne recevrai si je pose la question à autrui que des réponses consensuelles elles aussi.

Des consensus nous en avons deux aujourd'hui sur l'enseignement:

1) les profs sont malheureux, maltraités, mal payés. Ils sont aimés au fond, et ils aiment leur métier, mais bouh ouh ouh sont tristes d'être mal considérés et qu'on leur tape sur la gueule.

2) les profs sont des nantis qui n'en branlent pas une c'est pourquoi je vais mettre mes gosses en école privée puis en prépa, ce sont des salauds de profiteurs qui se gobergent aux frais du contribuable.

Consensus de droite ou consensus de gauche, consensus bien-pensant de quelque manière qu'on pense, les deux se rejoignent et m'exaspèrent. Le conformisme m'est insupportable, conformisme de groupe ou de communauté, de religion, de classe sociale, rien n'est pire.

Une société de moutons...


Mais voilà la rentrée "faite", ou presque. La première semaine est pour les Directrices et Directeurs d'école un marathon compliqué. Je ne comprends même pas comment nous arrivons au bout. Je pense aussi à mes jeunes collègues qui découvrent le truc certainement effarés par la charge de travail, entre la direction submergée par l'administration et les familles, et leurs élèves bien réels et bien vivants dont il leur faut bien s’occuper également.

Vous espériez un changement ? Moi aussi. Depuis vingt ans. Au GDiD nous nous arrachons les cheveux devant l'inertie du ministère. La faute à qui ? A certains syndicats évidemment et en premier lieu, ces syndicats d'extrême-gauche qui nient toute la singularité du métier de Directeur d'école, au nom d'une sacro-sainte égalité entre professeurs des écoles. Elle ne tient pas debout évidemment, je ne comprends pas pourquoi ces gens-là ne changent pas leur fusil d'épaule, sinon qu'ils restent arc-boutés sur des convictions d'un autre temps qui tiennent si peu la route qu'ils refusent même d'en discuter. C'est de la bêtise, pure, simple, sans équivoque. Un simple cheval de bataille pour enquiquiner le ministère, et laisser les personnels Directrices et Directeurs d'école dans la merde. FO, SUD, SNU, ils pourrissent sur pied et grand bien leur fasse de persister à refuser de voir notre souffrance.

Comment je fais, moi ? Je suis dans ma classe, avec mes 32 Grands qui "n'en veulent" - merci les Deschiens -, qui sont exigeants et que je VEUX aider à grandir, et puis par là-dessus je dois diriger une école maternelle ? Diriger une école à la rentrée c'est quelque chose, il faut le voir pour le croire ! J'ai même dû cette année faire à une maman un certificat pour justifier l'heure qu'elle avait demandée à son employeur pour accompagner la rentrée de son petit de trois ans... C'est quoi cette société de merde ? Le royaume du doute, de la défiance, du chacun pour soi ?

Bien entendu, tout doit être fait pour l'avant-veille, le fabuleux PPMS, l'inénarrable DUER, les exercices d'incendie et d'évacuation, la préparation de cette merde d'élections des représentants des parents d'élèves quand on est bien content d'avoir des candidats, des listes pour tout le monde à ne plus savoir qu'en faire et chacun veut son format particulier bien entendu tant c'est le foutoir chez lui, comme si tout recommençait à zéro au 1er septembre de chaque année. L'administration de l'Education nationale c'est le n'importe quoi joyeusement renouvelé chaque automne. Manquait plus que la visite des pompiers, et ça n'a pas loupé mais pour le coup je ne leur en veut pas parce qu'il font ça pour nous aider et qu'ils ne sont pas vraiment eux non plus bien lotis. Bravo à vous les pompiers, merci, et bon courage !

Mais concrètement j'ai 86 familles pour trois classes à accueillir avec le sourire, ceux-là sont bien réels et ce sont bien EUX qui m'importent. Le reste, hein...

A mon grand étonnement je me suis aperçu que lors de ma réunion de rentrée je faisais preuve d'un certain détachement et d'une grande sérénité. Je m'épate moi-même, mais on n'est jamais mieux servi... Je me parais assez efficace, et il me semble que pour cette dernière année de travail mes élèves et mes familles sont très sympas. Il faut écrire que j'ai eu mon lot d'emmerdeurs. Au point rappelez-vous de faire l'année dernière le premier burn-out de ma carrière. Mais dois-je rappeler aussi que RIEN n'existe dans l'Education nationale pour aménager la fin des longues carrières ? Je peux honnêtement remercier mon IEN qui elle en tient compte, même si je sais qu'en échange elle sait mon école gérée correctement et qu'elle m'en sait gré. Je n'envie pas son boulot. J'en suis même très loin. Et je ne sais pas comment elle tient le coup, à part qu'elle bosse comme une forcenée quasiment les deux mois d'été.

En cette rentrée les marronniers habituels ont amusé le populo, et l'ont bien entendu indigné sur les réseaux sociaux comme dans les médias tant moins on connait quelque chose plus on a envie de ramener sa fraise. J'ai lâché pas mal de trucs : j'ai rapidement supprimé mon compte Twitter - stupidité, haine... -, j'ai laissé tomber des fils Facebook sur lesquels s'exprimait surtout la bêtise des commentateurs. J'en regrette un, celui de Philippe Watrelot, dont le fil est pour moi l'exemple type de la revue de presse passionnante dévoyée par ceux qui la lisent. Tant pis. Je me sens bien mieux depuis. Si tu lis ces mots Philippe, tu comprends.

Septembre, pouf ! Mollement tombe le rapport OCDE (oui, un alexandrin). On y lit les mêmes choses que d'habitude, puisque rien n'a été fait depuis X années. Les enseignants français sont toujours dans la queue du peloton, ce que les médias traduisent par "c'est malheureux quand même" s'ils sont dans un bon jour (ou dans l'opposition), ou interprètent de travers s'ils n'ont même pas fait l'effort de le lire. Nous avons les "experts" et les journalistes que nous méritons, soit tous plus cons les uns que les autres. Il existe une excellente analyse par Lucien Marboeuf, que vous trouverez ici.

Dans toutes ces interventions, j'excepte celle de Natacha Polony. Elle en a dit et elle en a écrit des conneries sur notre métier. Mais maintenant elle est reconnue, elle n'a plus rien à prouver, et du coup elle peut désormais se permettre de dire vrai et de taper juste. Vous trouverez la vidéo là.

Maintenant le GDiD...

Nous sommes fatigués. Nous avons rencontré l'année dernière le ministère plusieurs fois, nous avons cumulé les courriers et les interventions, auprès du ministère ou des députés ou des sénateurs, nous n'avons pas arrêté, comme depuis vingt ans. Nous n'allons pas nous arrêter, mais c'est désespérant parfois. C'est VOUS, vous tous qui nous soutenez, qui croyez à un avenir meilleur pour les Directrices et Directeurs d'école, c'est vous qui nous poussez à continuer. C'est pour vous que nous allons persister. Vaille que vaille.

Alors pensez aussi à nous soutenir financièrement. Nous ne vous demandons que 20 €, mais ça paye les déplacements, les courriers, l'internet, le téléphone. Rien ne vous interdit de donner plus, rien ne vous y oblige non plus. Mais si vous nous lâchez, nous sommes foutus. C'est ici : http://gdid.education/index.php/adhesion/

Bon mois lourd et difficile de septembre. Je vous embrasse.