samedi 10 juin 2017

Des questions en suspens...

Spectacle de fin d'année hier en fin d'après-midi... C'est un peu le lot de l'école maternelle de proposer systématiquement en fin d'année scolaire une manifestation quelconque. Nous alternons depuis longtemps des formules différentes, afin de ne pas nous lasser - j'ai horreur de me répéter, et j'ai horreur des coutumes -. Il y a deux ans c'était un spectacle choral, l'an dernier une kermesse, cette année un spectacle dansé sur le thème de notre projet d'école...

Je l'avoue, je n'y ai pris aucun plaisir. Même le "pot" que nous avons offert ensuite aux familles, et le pique-nique qui a suivi, m'ont laissé indifférent. Cette année scolaire fut pour moi la pire depuis quinze ans. Nous le savons tous, chargés de classe à temps plein - c'est mon cas - ou non, il y a de bonnes promos, et d'autres qui nous laissent des souvenirs disons... mitigés.

Une charmante maman d'élève m'avait fort gentiment l'année dernière offert un cadre avec ceci:


Cela m'avait fait rire. Il est sur mon bureau et accueille les visiteurs. Le geste positif de cette maman m'avait requinqué et surtout montré qu'elle était consciente de mon implication dans l'école. Je sais que certains protesteront si j'écris que je considère mon métier de Directeur d'école comme une mission: mon école DOIT "tourner", je suis là pour alléger la tâche des enseignantes, pour qu'elles puissent travailler avec le maximum de sérénité, pour le bien de chacun de nos élèves. J'ai eu encore de forts compliments de la part d'une famille il y a trois jours lors d'une ESS pour mon rôle et mon accueil. Je l'en remercie vivement et je les prends, mais c'est en soi dans ma façon de considérer les choses une obligation, ou une nécessité, ou un devoir.

Je suis certain que dans le fond chaque Directrice ou Directeur a à cœur de s'impliquer au maximum pour que chaque enfant réussisse, pour que celui qui en a besoin puisse être au mieux accompagné dans les apprentissages, pour que l'école soit pour lui un refuge protégé des soucis familiaux, pour qu'il s'y sente bien et y grandisse comme y cultive sa propre personnalité. Je suis certain que chaque Directeur qui lira ce billet saura ce que je veux exprimer.

Mais les héros sont fatigués. Voire épuisés. Cette année aura vraiment été pour moi, lorsqu'elle sera terminée, une horreur.

Pourtant je suis aidé. Mon IEN qui soutient à fond ses Directrices et Directeurs a fait le maximum pour me décharger de mon temps de classe, surtout à la rentrée de 2017. Je lui en suis gré. Les enseignantes de l'école ont accepté sans sourciller et avec compétence les quelques délégations que je leur ai demandées. Nous savons dans l'équipe que nous pouvons compter les uns sur les autres, sans arrière-pensée ni récrimination. J'ai aussi une municipalité et des services périscolaires "en or" avec moi.

Mais je ne suis pas aidé. Par l’État évidemment. Plusieurs choses indisposent le vieux Directeur d'école: la stagnation de notre "statut" depuis désormais de longs mois; l'absence totale de référence à notre travail de la part du nouveau gouvernement depuis son installation, et je veux croire que les choses changeront après le 18 juin; l'absence totale de prise en compte des carrières longues (je suis entré dans le métier par l’École normale il y a 38 ans); l'absence totale de médecine du travail (pas de visite pour moi depuis... 1979!); l'indifférence à nos difficultés des strates administratives de l’Éducation nationale, qui ne se rappellent de notre présence que pour nous faire remplir des documents inutiles sur des serveurs académiques qui ne fonctionnent pas... Qui évoquait un "allègement" de nos tâches il y a quelques années? Je n'avais je crois jamais vu aussi bien illustré le freinage des quatre fers d'une administration qui n'a pas envie d'appliquer des consignes ministérielles. Quelques académies ont joué le jeu, je suppose que certains DASEN ont plus que d'autres conscience de notre importance...

J'avais cette année une classe difficile, compliquée à gérer, infernale dirai-je, avec tant d'individualités compliquées aux comportements et difficultés si diverses que j'aurai eu à batailler pied à pied depuis le 1er septembre jusqu'au 9 juillet. C'est épuisant d'être contraint à rester en permanence sur le qui-vive, sans pouvoir relâcher la tension ni l'attention. Avec l'âge mon corps a flanché plusieurs fois. Ajoutez-y ma lassitude, la motivation qui s'enfuit à tire-d'aile... J'ai fait mon boulot, mon double boulot en fait comme vous, je l'ai plutôt bien fait, mais je n'en peux plus.

Alors de quoi sera fait mon avenir? Je pourrais partir en retraite à la fin de l'année scolaire prochaine, mais avec une décote telle que l'idée d'avoir tant travaillé jusqu'ici pour ça me déprime encore plus. Il me faudra encore deux ou trois années supplémentaires. Mais dans quelles conditions? Le GDiD a repris contact avec notre nouveau ministre, mais quel cas celui-ci fera-t-il des Directeurs d'école? Notre statut changera-t-il? Nos conditions de travail, nos responsabilités, évolueront-elles? L'allègement de nos tâches deviendra-t-il réellement effectif? Verrons-nous enfin des établissements publics du 1er degré? Serons-nous ENFIN reconnus pleinement pour le travail remarquable que nous accomplissons malgré l'adversité? Autant de questions en suspens, qui attendent des réponses rapides. La balle est dans le camp du gouvernement, qui nous verra sinon rapidement tous "craquer" sur le champ de bataille...

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