mercredi 22 mai 2019

Entre les pesticides et le varroa...

Le texte de loi de M. Blanquer est entré au Sénat, il a été découpé tronçonné charcuté, pour ressortir du Sénat finalement quasiment intact : c'est mieux que Frankenstein ! Sauf évidemment la seule mesure qui - quelque part au niveau du vécu - tenait compte du problème de la gouvernance des écoles. Même si elle n'était pas ce que nous voulions elle pouvait être l'amorce de quelque chose. Ben non, boum !

En échange nous avons obtenu du Sénat l'insigne privilège d'évaluer nos adjoints. Une tâche supplémentaire donc, dont nous devons bien exprimer que nous n'en avons rien à cirer. Qu'est-ce qu'ils veulent que je foute de cette mesure de merde alors que j'ai trente gosses de cinq ans dans les pattes six heures par jour et quatre jours par semaine ? Quand je vois les Sénateurs s'en réjouir, je me dis qu'il y a quand même un souci dans le niveau de conscience de certains de nos élus.

Dire que je suis déçu ce serait aimable. Or je n'ai aucune envie d'être aimable. Faire tout ce cirque pour nous proposer en fin de compte un soufflé aplati et cramé, c'est indigne de la souffrance des Directeurs d'école. Dont je ne ferai plus partie l'an prochain avec un peu de chance, tant je suis dégoûté.

Ah oui, nous avons aussi l'interdiction d'accepter les femmes voilées pour accompagner nos élèves en sortie scolaire. Un bonjour fraternel aux collègues de secteurs où la religion musulmane est prédominante et qui éveillent l'esprit de leurs ouailles en allant au musée ou ailleurs. Je pense à ma mère, qui portait toujours un foulard sur la tête quand elle sortait pour protéger sa mise en pli... Heureusement cette connerie va disparaître rapidement avec la réunion de la Commission Mixte Paritaire qui se tiendra en juin avant le retour du texte à l'Assemblée. Ecrire ici que le texte de M. Blanquer déjà fort discutable - par ses lacunes et ses approximations - a été "droitisé" à outrance et de manière stupide ne sera je pense discuté par personne. Même pas par le Ministre. Donc je l'écris. Le pire pour moi, c'est que je ne me pense pas "de gauche". Mais même pour ce qui me concerne il y a des limites à ma propre bêtise...

Maintenant j'attends : la réunion de la CMP d'abord, puis le passage à la Chambre. Pour voir quand même, avant de quitter ma fonction, ce qui va sortir de ce western. Pas grand chose, j'en ai bien peur. Et le fameux "agenda social" ne me rassure pas plus quant à la compréhension par nos représentants ou le gouvernement de l'état réel de l'école primaire. M. Blanquer peut faire toutes les rodomontades qu'il veut pour nous faire croire qu'il gère divinement son ministère, je m'excuse profondément d'exprimer que la fameuse "priorité au primaire" est une foutaise. Ne pas seulement avancer d'un iota quant à la question de la gouvernance des écoles après toutes ces années de rapports, de recherches, d'exemples étrangers, c'est une excellente illustration de la déliquescence de la classe politique française. R.I.P.

Ma petite école maternelle donne sur les champs. C'est une chance, je le sais. A cent mètres j'ai un superbe rucher communal (neuf ruches, ça bourdonne sec !) qu'avec mes élèves nous sommes allés voir la semaine dernière. Ben aujourd'hui je me sens comme une pauvre abeille coincée entre les pesticides et le varroa : "Ôôôoo le beau champ, ôôôooo les belles fleurs et meeerde c'est bourré de glyphosate bon je retourne à la ruche les pattes vides ah mais non y'a cette saloperie d'acarien qui m'attend bon je n'ai plus qu'à me suicider..."

J'attends les résultats du mouvement. Je serai avec vous l'année prochaine. Mais sans Direction d'école. Désolé, je ne peux plus, je laisse à plus jeune, plus fort, plus vigoureux, plus... aveugle, oui parce que quand on est jeune il y a des choses qu'on ne voit pas et peut-être finalement n'est-ce pas un mal si ça n'empêche pas l'école de tourner.


mercredi 15 mai 2019

Rencontre au ministère...

La rencontre au ministère a eu lieu le jeudi 9 mai avec Mme Isabelle Bourhis, conseillère sociale, partenariats et vie scolaire au cabinet de M. le Ministre de l’éducation nationale. Alain Rei, Samuel Auxerre et Pierre Lombard représentaient le GDiD.

Mme Bourhis en préambule a voulu présenter les intentions du Ministre pour concrétiser la priorité au 1er degré : il veut s’appuyer sur la valeur des enseignants, et limiter les effectifs à 24 élèves en GS, CP et CE1 sans augmenter ceux des autres classes.

Le GDiD précise qu’il est nécessaire de s’appuyer sur l’expertise des Directeurs d’école qui sont les seuls à ne pas avoir de statut particulier qui leur permettrait d’incarner institutionnellement l’école.

Mme Bourhis réclame des données et documents précis afin de préparer l’agenda social pour les Directeurs d’école, et demande ce qui est mis en place en place pour l’aide aux Directeurs.

Le GDiD transmet une compilation de rapports et d’enquêtes, ainsi que l’analyse et les propositions du GDiD sur l’indispensable transformation du métier. L’’empilement désordonné des missions et responsabilités que l’Institution nous impose n’est plus supportable. La terminologie même doit changer, il faut passer du « Directeur- enseignant » plus ou moins déchargé de classe à « Directeur » avec éventuellement une charge d’enseignement une fois défalqué le temps indispensable à son métier de Directeur. Le décret de 1989, le référentiel métier, la charte avec les IEN, font du Directeur le collaborateur privilégié de l’IEN, le maillon local de la mise en œuvre des politiques éducatives. Mais dans les faits, il n’en est rien, le Directeur n’est associé à rien, il n’est que le récipiendaire d’injonctions verticales. L’exemple de la mise en place des évaluations CP/CE1 est frappant : alors que les IEN ont eu un séminaire de 3 jours, les Directrices et Directeurs des écoles ont reçu au mieux une courte information, au pire un simple passage de consignes. D’ailleurs pour ce qui concerne l’aide aux Directeurs, s’il existe dans certains départements des « directeurs Vie Scolaire », ces postes ne sont toujours pas généralisés. Quant aux outils nationaux ils sont rarement utilisés. Les Directeurs n’ont clairement pas les moyens (entrée dans le métier, carrière, formation) de se reconnaitre comme des personnels à hautes responsabilités et des responsables reconnus. Les collègues font remonter des situations de moins en moins vivables de gestion de l’école dans leurs trois domaines de compétences : la relation de plus en plus exigeante avec les parents d’élèves, le pilotage et la formation de l’équipe pédagogique et la sécurité.

Mme Bourhis demande un point sur la demande de statut.

Le Président de la République et M. le Ministre de l’éducation nationale mettent en avant la priorité au primaire. Il faut une meilleure reconnaissance du premier degré, et pas seulement des moyens budgétaires, afin de renforcer sa place de proximité importante. Cette priorité ne peut passer que par la création d’un statut pour le Directeur et pour l’école. C’est à partir de la création d’une identité Institutionnelle de l’école que les moyens mis à sa disposition pourront être optimisés. Sans cette horizontalité, les mêmes causes auront les mêmes effets c’est-à-dire une dilution au profit de la bureaucratisation. Le GDiD précise que la plupart des acteurs et partenaires directs de l’école rejette le statu quo et approuve la création d’un statut pour les Directrices et Directeurs d’école : 93% des directeurs mais aussi, la FCPE, la PEP, l’ANDEV, l’AMF, le SGEN-CFDT, le SNE-CSEN, le SE-UNSA et le SIEN-UNSA… Un statut permettrait de reconnaitre la spécificité du métier, statut dont la priorité serait la définition claire des responsabilités, des tâches et des prérogatives afin d’éclaircir certaines situations dont le flou actuel entraine parfois des conflits ou des incohérences. Les moyens nécessaires devraient ensuite être mis en harmonie. Cet ordre des priorités est stratégiquement important.

Mme Bourhis approuve l’énoncé de tous les acteurs de l’école cités, et indique que dans la « boite à outils » du ministère l’EPSF - qui doit encore être discuté - est une solution possible, et que la question des Directeurs est donc ouverte dans l’agenda social en cours.

Le GDiD rappelle que cette solution était la dernière du rapport parlementaire de l’été 2018, alors que le statut du Directeur d’école était la première mise en avant. Si au sein de l’école certaines décisions peuvent être prises dans l’exercice collectif, les responsabilités du Directeur ne peuvent pas légalement se partager, et l’autorité en est un outil indissociable. Les Directrices et Directeurs d’école font partie de la chaine hiérarchique, ils ont une autorité au sein de l’école. Ce statut hiérarchique n’est pas obligatoirement un statut d’évaluateur des enseignants, mais c’est une autorité fonctionnelle. Le statut d’emploi fonctionnel, engagé avec le GrAF en 2014 puis retiré, est une solution efficace adaptée à l’urgence de la situation. Le ministère, en positionnant le Directeur d’école comme tel, permettrait le principe de subsidiarité et installerait une autonomie de terrain qui donnerait corps à son slogan de l’ « école de la confiance ».

Mme Bourhis demande pourquoi l’information ministérielle descend aussi mal aux enseignants du premier degré.

Le GDiD répond que c’est parce que le ministère arrête ses actions managériales au niveau des IEN qui - n’ayant ni le temps ni les contacts de proximité - ne peuvent traiter le personnel des écoles que comme de simples exécutants. Le ministère se prive ainsi de toute la richesse professionnelle des acteurs de terrains qui seuls sont capables d’adapter les instructions aux contingences locales et les rendre efficaces. Il y a une claire inadéquation entre la volonté du législateur qui recherche par les textes l’autonomie des écoles (projet d’écoles, conseil des maitres, conseil d’école, décret de 89, référentiel métier des directeurs d’école… l’école de la confiance !) et le fonctionnement purement vertical du 1er degré. Cette inadéquation explique les faibles résultats français aux enquêtes internationales. Il en est de même pour l’information des problèmes qui sont pointés par les Directeurs mais qui ne remontent pas jusqu’au ministère. En se privant de ce relais pourtant indispensable qu’est le Directeur d’école les mesures perdent de leur consistance, de leur sens et n’ont pas la portée attendue dans les écoles, auprès des enseignants comme des élèves. Là encore l’exemple des évaluations CP/CE1 devrait alerter les décideurs.

En conclusion de la réunion le GDiD indique toutes les avancées et tous les points techniques pouvant ou devant être mis en place le plus rapidement possible pour répondre à la souffrance des Directeurs. Les décisions qui seront prises dans le cadre de l’agenda social seront considérées comme un gage de confiance, un indicateur essentiel de la place que le ministère cherche à donner au 1er degré et de la considération qu’il porte aux acteurs de terrain que sont les Directrices et Directeurs d’école. Le directeur est un fonctionnaire d’autorité de proximité, il doit être reconnu et renforcé par l’Institution pour le sortir de ce paradoxe mortifère : identifié comme le responsable local par les parents et les élus mais complètement nié par l’Institution, le Directeur d’école ne peut qu’être dans la souffrance professionnelle. Le GDiD demande que des mesures urgentes puissent être appliquées dès la rentrée de septembre 2019, seule façon pour le ministère d’avoir l’écoute des Directrices et Directeurs d’école.

Mme Bourhis remercie les trois membres du GDiD présents de tous les arguments et idées exposés qui lui permettront de préparer la suite des réunions avec les organisations syndicales, lors de l’agenda social pour les Directeurs d’école.


samedi 4 mai 2019

La valse à trois temps...

Il y a quelques semaines j'exprimais sur ce site que le passage au Sénat du texte de "Loi sur l'école de la confiance" risquait fort de faire du foin. Certains ont pu douter de la volonté ou de la puissance du Sénat - qui représente les territoires - pour dépecer ce texte imprécis, incomplet, et pour tout dire irréfléchi. Après quelques semaines, on peut constater que la chambre haute remplit son rôle. Certes elle n'aura pas la main dessus puisque ce sera la Chambre des députés qui finalement adoptera ou non le texte de loi. Mais quelle forme aura alors la chose ? Bien malin qui pourrait le dire aujourd'hui.

Que s'est-il passé ? Après un premier temps de valse auprès des députés, la proposition de loi a été cuisinée par la Commission de l'éducation puis sera discutée les 14, 15, 16 et 21 mai par le Sénat. Ce second temps provoque déjà de jolis soubresauts, y compris quelques entrechats syndicaux, et de nombreuses réactions contradictoires chez les enseignants.



C'est d'ailleurs assez comique. La possibilité de création d' "Etablissements publics locaux d'enseignement des savoirs fondamentaux" (EPLESF) a poussé un soutien assez étonnant de la Direction d'école, puisqu'on a pu lire et entendre partout que les Directeurs d'école allaient "disparaître" et qu'il fallait absolument nous défendre. Quel entrain, quel bel enthousiasme ! Tout à coup nous étions devenus indispensables, envolés les "conseils des maîtres décisionnaires" et autres billevesées gauchistes. Cet élan hypocrite évidemment ne pouvait pas durer. Il a suffi du rapport de M. Brisson et d'une proposition de création de statut "hiérarchique" pour éteindre le feu de paille et de nouveau diaboliser les Directrices et Directeurs d'école. Sur les réseaux sociaux et quelques fils particuliers que je préfère ne pas nommer par charité chrétienne, nous voilà redevenus ce que nous sommes : des affreux, des méchants, des horribles, bref des salauds assoiffés de pouvoir et constamment à l’affût, toujours prêts à dévorer tout crus de pauvres enseignants forcément maltraités ... On appelle ça un saut idéologique quantique.

Néanmoins aujourd'hui les élus, qu'ils soient à la Chambre ou au Sénat, semblent mûrs pour accorder aux Directeurs d'école un statut. Je rappelle à toute fin utile que nous estimons au GDiD qu'il nous parait difficile de séparer le statut des Directeurs et celui de l'école, l'un ne peut aller sans l'autre, et c'est bien pourquoi nous portons un projet d' "établissements publics du 1er degré" sur lequel plusieurs syndicats majeurs nous rejoignent. Ce qui ne signifie pas que la situation de tous les Directeurs d'école ne doive pas changer ! Nous ne voulons laisser personne sur le carreau. Mais nous pensons que cela ne pourra pas se faire d'emblée ni rapidement pour tous.

Le Sénat pense peut-être l'inverse. Il est clair que c'est aussi une question de volonté et de budget, la part de PIB consacré en France à l'éducation pourrait être augmentée, la répartition mieux faite. Toujours est-il que la Commission du Sénat a pour l'instant sérieusement blackboulé le texte de M. Blanquer, allant jusqu'à supprimer l'article 6 qui autorisait la création des EPLESF. Et puis ceci :

"Dans la continuité de leurs réflexions sur les EPSF, les sénateurs ont également renforcé le statut des directeurs d’école. « Il faut que sur chaque site, il y ait un directeur avec les fonctions de directeur », plaide Max Brisson. Les amendements de la commission vont même un plus loin en prévoyant que le directeur d’école devienne le supérieur hiérarchique de ces collègues professeurs. « Il y a des enseignants qui s’impliquent dans cette fonction de directeur qui est exigeante, qui induit des décisions et qui nécessite une forme de reconnaissance », fait valoir Catherine Morin-Desailly."

La Commission, par la voix de son rapporteur Max Brisson, a qualifié le texte de "projet de loi fourre-tout", "précipité", "peu abouti". Nous sommes tous d'accord. Sa Présidente, Mme Catherine Morin-Desailly, a aussi très justement dit que "Ce qui a péché au cours des trois années écoulées, c’est l’absence de dialogue". Combien de fois l'avons-nous écrit ? Il aura fallu attendre deux ans et des réactions de rejet violentes pour que soudain, fort précipitamment, le Ministre se décide à recevoir les syndicats d'enseignants ainsi que prochainement le GDiD. C'est un peu tard, les choses se seraient certainement passées un peu mieux si la démarche avait été logique au lieu d'être injonctive. Mais mieux vaut tard que jamais, je suppose.

Le travail du Sénat se terminera le 21 mai par un vote solennel (scrutin public), afin qu'un maximum d'élus soit présent. Puis le texte reviendra à la Chambre des députés pour un troisième et dernier temps de valse. On n'est pas sorti de l'auberge, les surprises seront encore nombreuses. Je suis curieux de voir quels sautillants pas de danse nous feront les syndicats qui nous haïssent.


mercredi 1 mai 2019

Le temps du muguet...

Le GDiD sera reçu au Ministère jeudi 9 mai.

Cela faisait deux ans que nous réclamions un retour de notre précédent entretien. Nous en avions eu la promesse. Les promesses n'engagent que ceux qui y croient, je sais. Cela ne signifie pas que nous ne devrions pas y croire, c'est l'espoir d'être entendus qui nous fait nous accrocher.

Le GDiD existe parce que nous estimons nécessaire la reconnaissance de l'importance de notre métier par l'obtention d'un statut spécifique qui nous donnerait les moyens légaux et techniques de notre action. Notre objectif a toujours été et restera toujours le même : la réussite de nos élèves. Ce n'est pas difficile à comprendre, les systèmes éducatifs du monde entier - sauf le nôtre - donnent à ceux qui gouvernent les écoles la latitude de choisir ce qui conviendra le mieux au public auxquelles elles ont affaire. Qu'on les appelle Directeurs ou autrement, ils ont les moyens techniques, financiers et légaux de faire les choix appropriés. Ils ont aussi la latitude de le faire, la France est une exception en obligeant ses Directrices et Directeurs d'école à exercer une charge de classe en plus de leur leadership. C'est absurde et suicidaire. La fatigue et l'incapacité d'agir tuent la Direction d'école.

Nous avons des projets, que nous partageons totalement ou en partie avec nos amis syndicaux. Mais pour autant nous ne voulons laisser personne sur le flanc. Je suis le premier concerné dans ma toute petite école maternelle semi-rurale. Le GDiD a été créé pour que tous les Directeurs d'école soient reconnus. Cela devrait-il signifier que je ne puisse pas comprendre les difficultés budgétaires de notre Etat ? Elles sont le fruit de cinquante ans de gabegie. Je peux donc les admettre, mais cela ne signifie pas que je doive les supporter. Surtout que je connais fort bien l'importance économique pour une nation de son investissement éducatif (merci de bien vouloir comprendre que fils de professeur d'économie politique - repose en paix, papa - je puisse avoir un vague fond de connaissance sur ce point). D'autres choix ont été faits en cinq décennies, je le déplore.

Le GDiD se dévoue depuis vingt ans. Vingt ans de discussions, de lobbying - faible, nous restons une association et nous n'en avons pas vraiment les moyens -, vingt ans de dévouement pour certains d'entre nous. Nous avons connus deux temps d'écoute : en 2006 avec Gilles de Robien et en 2014 avec Najat Vallaud-Belkacem. Deux temps, deux visions, mais aussi deux volontés. Sachons les reconnaître, et admettre que notre métier ne relève pas d'une petite vision politicardo-syndicalo-franchouillarde, elle outrepasse les frontières et ne relève vraiment que de la politique au sens noble du terme, soit la bonne gestion de "la cité". Notre métier ne peut pas rester l'otage de vaseux et nauséeux méandres, car la navigation que nous exerçons est tout de même la première condition du travail et du succès individuel des enfants dont nous avons la charge six heures par jour.

Je peux exprimer aussi que nos compétences et nos actes prouvent quotidiennement que nous sommes bien des "cadres A" de la fonction publique d'Etat. Nous sommes le socle de l'enseignement primaire français, des tours solides sur un vaste échiquier, que pourtant nos gouvernants ne considèrent que comme des pions corvéables et mutables à merci. Nous sommes tous las et épuisés de cette situation, j'observe autour de moi les plus investis qui craquent et lâchent, j'en suis là moi-même aujourd'hui. Et puis, disons-le, être rémunérés et considérés comme nous le sommes pour ce que nous faisons, c'est... minable, je cherchais le mot et je l'ai trouvé, c'est minable, surtout pour un pays qui se prétend une grande démocratie égalitaire et qui veut donner des leçons à tout le monde. Nous ferions mieux d'en recevoir. Mais pour ça il faut être capable d'écouter.

C'est cette écoute que nous espérons encore, et toujours. C'est bien pourquoi nous serons le 2 mai encore une fois prêts à expliquer, à tenter de faire comprendre la situation - abondamment documentée aujourd'hui -, les besoins de notre système éducatif - tout autant connus -, nos projets et nos espoirs, si tant est que la compréhension que nous espérons sache voir au-delà des questions budgétaires ponctuelles ou des atermoiements politiques. Ne gérer la France qu'avec des courts-termes merdiques comme depuis cinquante ans, et ne faire que des choix populistes, ne fera que l'enfoncer un peu plus dans l'inéquité, l'inefficacité, et le désespoir. Nous n'en sommes plus au déclin, mais à la chute. Pourquoi ne pas tresser quelques cordes salvatrices ?

C'est le temps du muguet. Il y en a beaucoup dans les nombreuses forêts bourguignonnes autour de chez moi, le temps y fut propice. Peut-être le GDiD en apportera-t-il un brin symbolique à cet entretien. Mais le muguet, c'est aussi une maladie, une infection désagréable et longue à éradiquer. Souvent les symboles ont deux aspects. Alors le printemps, le beau temps, la bonne humeur, ne peuvent pas nous faire oublier ce qui pour nous est aujourd'hui une nécessité absolue et primordiale. Soyez toutes et tous sûrs que les membres du bureau du GDiD qui seront présents le 9 mai au ministère ne l'oublieront pas.