jeudi 19 novembre 2020

Communiqué de presse...

Plan global pour la direction d'école:
quand l'urgence dépasse la nécessité


Il y a quelques jours les organisations SE-Unsa, Sgen-CFDT, SNE-Csen, GDID et le GTRID (Groupe de Travail et de Réflexion Indépendant des Directeurs) publiaient une tribune commune pour dire leurs attentes importantes d’évolution pour permettre aux Directrices et Directeurs d’école d’assumer pleinement leur mission.

Pour les organisations signataires, les récentes annonces du ministre et les travaux de l’agenda social n’engagent pas une évolution de fond du fonctionnement de l’école et des moyens donnés aux Directrices et Directeurs d’assumer leurs missions.

Rendre la direction de l’école du premier degré autonome et responsable, lui donner le temps et les moyens de fonctionner, lui reconnaître sa mission spécifique, son « métier », sont des impératifs reconnus par tous les acteurs de l’école. Il faut à présent passer de la reconnaissance du terrain à la concrétisation institutionnelle.

La Directrice/le Directeur anime, impulse, pilote, s’assure, prépare, actualise, veille, coordonne, sensibilise, encourage, contribue, construit, met en place, procède, organise, répartit, fixe et préside.

Mais dans plus de trois quarts des écoles, le temps dévolu à la direction est au maximum d’une journée par semaine…

Mais dans tous les cas, l’école n’a aucune identité juridique, comptable, ni autonomie de fonctionnement.

Pourtant, son bon fonctionnement nécessiterait les moyens d’une gestion locale, au plus près des élèves, des familles et des différents partenaires.

Il est aujourd’hui impératif de donner à l’école les moyens légaux et matériels de faire vivre cette autonomie au service du public qu’elle accueille, en reconnaissant dans un premier temps le rôle essentiel du Directeur d’école, et à terme, l’école comme un établissement d’enseignement du premier degré possédant un statut juridique.

La société avance et les obligations faites à l’école se sont démultipliées. Les élus de la République doivent maintenant faire le choix d’assumer le coût de son fonctionnement au XXIème siècle. Ils doivent donner les moyens aux Directrices et Directeurs d’école d’assurer les missions qui leurs sont confiées pour la réussite de tous élèves, la co-éducation avec leurs familles et la sérénité des équipes. 

Nos organisations n’attendaient pas des annonces ministérielles du 16 novembre des perspectives sur une évolution statutaire. Elles attendaient au moins une perspective pluriannuelle de montée en charge sur la revalorisation et sur le renforcement des décharges. Il est urgent de dégager un plan global d’amélioration pour sortir les directeurs de la situation intenable constatée depuis trop longtemps.

Les organisations syndicales SE-Unsa, Sgen-CFDT et SNE-CSEN tiendront une conférence de presse commune en visioconférence à l’issue du prochain groupe de travail sur la direction d’école le mardi 24 novembre à 15h.

Paris, le 19 novembre 2020

Contacts presse Président GDID : Alain REI alain.rei@gdid.education Port : 06 33 56 13 07



mercredi 18 novembre 2020

Le Dindon de la Farce

Je retiendrai de ce 16 novembre que, directeur d’école avancé dans la carrière, pilotant 310 élèves sur 13 classes et regroupements, je fus comme beaucoup d’entre nous le dindon de la farce…

Au Moyen-Age, les « farces », courtes comédies bouffonnes et sociales, mettaient en scène des hommes crédules, déguisés en dindons (pour signifier un homme dupe, facilement manipulable) dont on se moquait.

Ainsi par exemple, La Farce de maître Pathelin…

La Farce de Maitre Dirlo-lette

Aujourd’hui, nous venons de vivre La Farce de Maitre Dirlo-lette, opéra bouffe en un acte, à ceci près qu’il ne s’agit pas d’un auteur anonyme mais d’un ministre clairement identifié.

Plusieurs sentiments me traversent depuis que je suis sorti de l’école et que bien malheureusement après avoir eu mon ami et Président de notre GDID Alain REI au téléphone, j’ai allumé la radio…

Colère, abattement, résignation, dégoût… je ne vais pas tout citer, vous trouverez toutes les nuances de cette grisaille émotionnelle.

Soyons clairs : la première phrase est flatteuse pour l’auditeur moyen : 400 millions d’euros pour revaloriser les enseignants ! Énorme !
Puis vient le détail : une prime d’équipement numérique de … 150€, première plume arrachée au dindon qui pourra dès lors s’acheter une souris sans fil afin de courir derrière !
Ah, mais mon pauvre gallinacé, ce n’est pas fini : ce n’est pas pour tout le monde, que nenni !
Vous qui avez perdu des plumes au gré de votre métier, vous qui avez cru même un instant au fameux GRAF, vous n’aurez rien… 

Une prime n'est pas une revalorisation !

Attention, c’est très bien que nos jeunes dindons puissent avoir une prime d’attractivité, même si elle me fait penser à une ancienne pub du sel Cérébos : ce petit garçon cruel qui courrait derrière un coquelet pour lui saupoudrer la queue de sel fin… Un peu miroir aux alouettes !

Explication : il s’agit d’une prime, dégressive en fonction de l’ancienneté (une première !), et non d’une augmentation de salaire (augmentation du point d’indice ou augmentation de l’indice)
Résultat : rien n’augmente vraiment, car une prime dégressive attachée à l’ancienneté ne se perpétue pas d’année en année… par définition.
Bon, notre dindon en a vu d’autres, et continuant de glaner ses graines, il arrive à la direction d’école.
Enfin ! Glousse-t-il…

La direction d'école moquée

Ben, euh, comment dire, non … non plus…
Et hop, quelques plumes arrachées du croupion…
Car, avec forces formules habiles, notre sémillant ministre flatte encore une fois l’auditeur au détriment du volatile :
Ce sont les petites écoles qui vont être, enfin, récompensées. Vous savez, celles qui sont la majorité des 45000 écoles de France… A priori, notre dindon peut y voir une belle preuve de solidarité, un peu de justice... Ah, mais non... Le dindon n'a que des graines vides et avariées...

Parce qu'en fait, ce n’est enfin que la mise en place, de ce qui est du à ces “petites“ écoles abandonnées depuis des années : leur directeur ou directrice avait droit à une décharge que jamais on ne leur donna faute de moyens humains disait-on. Sur les 1500 équivalents temps plein, cela en représente 900… Je vous laisse faire le calcul de l’effort inimaginable pour une maison de 333000 enseignants dans le premier degré public…
Bien sûr que c’est une bonne chose, bien sûr que la moitié des écoles de France doit pouvoir compter sur une direction d’école ayant du temps pour sa mission… Sauf que ce n’est pas cela… Juste le rattrapage de ce qui avait été annoncé à l’auditeur crédule il y a plusieurs années et qui ne fut jamais appliqué…
Après les plumes de la queue, on fait mine de remplumer les ailes de notre pauvre dindon que l’on avait déjà coupées…

Notre dindon endolori court toujours… Et il apprend alors que pour mieux courir, il aura deux jours de formation par an ! Quelle aubaine, mais de formation sur quoi, sur quel temps ? Celui de sa pauvre décharge ? Avec quels moyens de remplacement ? Parce que, soyons honnête cher fermier du Meilleur des Mondes, mais le nombre de jours de formation passés à la trappe du poulailler faute de merles pour remplacer se compte sur les plumes restant en place…

Sans compter qu’il va manquer de temps pour courir : il est nommé grand ordonnateur du remplissage des tableaux des 108h… Les très riches heures du Duc de Berry n’ont qu’à se bien tenir…
Sauf que, las… Cette emblématique mesure censée montrer l’autonomie donnée au dindon dirlo-lette n’est encore une fois qu’un leurre : aucune autonomie puisque ces heures ne sont pas libres (donc ne pouvant toujours pas correspondre aux besoins locaux et réels), mais bien encadrées (et devant lui en rendre compte) par le Grand Dindon en Chef, l’Inénarrable Emplumé de Notoriété, qui je pense se serait bien passé de cette mascarade…

Allez, dindon, console toi… Ne glougloute pas à la mort !
Il reste les 600 ETP (équivalents temps plein) pour les autres directrices et directeurs…
Soit 2400 jours par semaine sur la France entière, soit 2400 jours par semaine pour plus de 25000 écoles restantes !
Attention, nous ne crachons pas dans la soupe, mais nous voyons bien que l’auditeur ne connaissant pas la cuisine du dindon, ne peut se rendre compte à quel point la farce est amère …

Des propositions pour réagir ENSEMBLE !

Que faire me direz-vous, désabusés tout autant que déplumés ?
Mme Rilhac, porteuse d’un projet de loi sur le direction d’école, avait chiffré l’abaissement du seuil des décharges : 6000 ETP.
C’est encore faisable.
Que faire ? Réagir enfin… Peut-être, mais ensemble voulez-vous ?
Qu’enfin toutes les Organisations Syndicales et notre GDID national puissions nous asseoir autour d’un table, rapidement, et qu’il sorte le PPCM de cette rencontre vitale…
Parce que là, notre dindon est à l’agonie.
Nous lisons tous les jours les témoignages de collègues qui craquent, qui pleurent, qui dépriment, qui sont intimidé(e)s, qui sont méprisé(e)s, qui ne sont pas respecté(e)s…
Alors ça suffit !

Que des mots d’ordre clairs nous protègent contre toute intimidation afin que nous nous limitions au temps de décharge effectif que nous avons :
- Qu’aucune remontée ne se fasse en dehors de ce temps,
- Qu’un message clair soit programmé sur l’ordinateur de la direction d’école disant : « n’étant pas actuellement en temps de direction d’école, je ne peux traiter ce message. Il s’ajoute à la liste d’attente que je ne pourrai gérer que lors du temps prescrit pour la direction, soit “n“ (où n représente le quota indiqué sur ONDE) jours par semaine ainsi que mentionné sur le logiciel de gestion de cette école ».
- Que la loi relative au droit à la déconnexion s’applique, et que tout mail, qu’il soit du ministère ou de l’IEN, arrivant sur nos boites perso ou d’école soit renvoyé avec la mention : « conformément aux préconisations accompagnant la loi du 21 juillet 2016 relatives au droit à la déconnexion, qui incitent à ne pas envoyer de mail en dehors des heures habituelles de travail, aucune garantie de traitement de ce mail ne peut être assurée »
- Que les téléphones d’écoles soient coupés en classe ;
- Que les portails restent fermés (après avoir prévenu les parents d’élèves éplorés de ces pauvres poussins revenant de l’orthophoniste que nous ne pouvons pas assurer le rôle de secrétariat, concierge, accompagnateur et enseignant en temps de classe (et que nous le regrettons sincèrement, parce que c’est vraiment dommage pour Kevin ou Alison, mais… aujourd’hui, c’est ainsi) ;
- Que la cantine, l’étude, les transports scolaires, la régie des travaux, le peintre et le livreur soient avertis des jours de direction, et sinon, adressez vous à la mairie…

- Qu’aucune enquête non prévue dans le référentiel (donc aucune en fait, hormis le constat des effectifs et la saisie des prévisions) et donc dans ONDE ne soit plus jamais renseignée, même pour 5 minutes…
- Que les certificats de scolarité, les livrets scolaires pour aller dans le privé, les listes pour la médecine scolaire ne puissent être traités que les jours dédiés à cela…

Chacun, dans sa basse-cour, trouvera de quoi alimenter l’expression de notre ressentiment commun.
Pour que notre pauvre dindon puisse enfin s’asseoir sur son croupion dégarni, et dans l’attente du temps nécessaire à son travail, obtenu par l’action conjointe de ses représentants associatifs et syndicaux, il puisse juste respirer un peu, juste un tout petit peu, en attendant que la Guilde des Gallinacés Autonomes soit enfin reconnue comme telle.

Parce qu’il arrive un temps où le dindon ne veut plus être moqué, parce que le temps de la dignité est largement dépassé, et que la confiance ne se joue pas dans les yeux de Kaa…

Marc Burlat


jeudi 12 novembre 2020

Tribune : GDiD, SE-UNSA, Sgen-CFDT, SNE, GTRID

Tribune commune :
GDiD, SE-UNSA, Sgen-CFDT, SNE, GTRID

École: de crises en crises
les Directrices et Directeurs d'école
en manque de reconnaissance.

Si la crise sanitaire agit comme un révélateur aux yeux de tous, elle ne fait qu’accroître jusqu’à l’insupportable les difficultés profondes des directrices et directeurs d’école.

Pour faire évoluer l’école et lui permettre de répondre à ce qu’on lui demande, il faut enfin lui reconnaître son pilotage.

La proposition de rendre la direction de l’école du premier degré autonome et responsable, de lui donner le temps et les moyens de fonctionner, de lui reconnaître sa mission spécifique, son “métier“, est un impératif reconnu par tous les acteurs de l’école. Il faut passer de la reconnaissance à la concrétisation.

Depuis trop longtemps, de nombreuses directrices et nombreux directeurs sont au bord du gouffre moral, physique, motivationnel... Trop d’entre eux demandent aussi à ne plus être seul. Trop encore démissionnent, et parfois même disparaissent.

« Bonjour, je veux parler au responsable, au Directeur ! »

Mais, qui est “le responsable“ à l’école de la République ?

Aux yeux de tous, la directrice ou le directeur. C’est ainsi qu’elle ou il le ressent aussi au quotidien. Mais dans quel cadre et avec quels moyens ?

Cette question récurrente depuis plus de 20 ans est en fait celle du pilotage de l’école, du fonctionnement de l’école, de la vie des élèves et des enseignants à l’école. C’est la question des relations avec tous les partenaires, de la sécurité, du quotidien incertain.

Malgré cela, les directrices et directeurs viennent tous les matins ouvrir ce portail vert par où passent tous leurs élèves.

L’école, ici, c’est l’école maternelle, c’est l’école élémentaire, ou encore l’école primaire qui alors regroupe les deux premières : l’école, c’est le premier degré.

Tout le monde connaît cette école, celle où il a été, celle de ses enfants, de ses nièces et neveux…

L’école du village, du quartier, son école.

Personne ne doute que l’école publique est essentielle.

Tout le monde entend parler de l’école lors d’un drame…

Et pourtant, personne ou presque ne sait vraiment comment elle fonctionne…

L’école de la République, en France, est multiple, plurielle, plus encore que tout établissement du second degré. Elle est rurale, urbaine, de 1 ou 2 classes, de 20 classes, ou plus encore. Il s’y croise de 10 à plus de 400 élèves… Et pour piloter tout cela, une directrice ou un directeur.

Ou plutôt une enseignante ou un enseignant chargé de direction.

Tout est dit : « chargé(e) de direction »

Depuis plus de 20 ans, tous les syndicats et toutes les directrices et directeurs d’école tirent la sonnette d’alarme. Les quotidiens comme les magazines ne cessent de faire des unes sur l’école… Toutes les plumes ont écrit leur vision de l’école.

Une directrice disparaît, mettant fin à sa vie, la parole se libère, et puis l’actualité l’emporte… Et la mémoire, de ce qui un temps a secoué les consciences, s’efface.

Tout le monde aujourd’hui loue l’abnégation et l’importance des directrices et directeurs d’école : « Sans vous, on ne sait pas comment on aurait fait, hein ! »

Si cette reconnaissance du quotidien fait du bien quand elle est prononcée, elle ne suffit pas à tenir.

Que représente la direction d’école ?

Être “directeur d’école “est défini dans le référentiel métier de 2014.

En particulier, « un directeur veille à la bonne marche de chaque école maternelle ou élémentaire. Il prend toute disposition pour que l'école assure sa fonction de service public », mais dans la réalité, rien ne lui permet de prendre toutes ces dispositions !

Animation, impulsion, pilotage, il assure, prépare, actualise, veille, coordonne, sensibilise, encourage, contribue, construit, met en place, procède, organise, répartit, fixe... et préside !

Dans plus des 3/4 des écoles, la direction d’école n’est dévolue au maximum qu’à ¼ de temps… 2 demi-journées par semaine… Et dans un tiers des écoles, elle est au mieux d’une journée par mois.

Comment réaliser cette prouesse ? Sur quel temps, avec quels moyens ? Comment peut véritablement s’exercer la mission des directrices et des directeurs d’école ?

Dans les plus grandes écoles, il n’est pas rare que pour 300 élèves ou plus, la direction d’école ne soit assurée qu’à mi-temps… quand dans un collège de même taille, 7 personnes à plein temps peuvent en assurer les différentes missions.

Ainsi, une directrice ou un directeur est, tour à tour ou simultanément : directrice ou directeur, comptable, infirmier, secrétaire, agent d’accueil, factotum, et accessoirement surveillant voire agent de surface… Tout cela à mi-temps pour un fonctionnement à plein temps de l’école !

Ce référentiel devient vide de sens dans la mesure où la plupart des points qui lui correspondent ne répondent pas à une responsabilité clairement identifiée, à des moyens humains ou encore au temps nécessaire pour leur mise en oeuvre, ni enfin à une définition de l’école en tant qu’établissement.

Un dernier point dans cette liste à la Prévert, la sécurité…

La sécurité de l’école. Un dossier anxiogène dans tous les territoires, avec des entrées souvent obsolètes, un manque de signaux d’alerte spécifiques, des procédures de mise en sûreté inadaptées compte tenu de la configuration de bien des bâtiments, et aucun retour sur les remarques que les directrices et directeurs rédigent avec application, suite à chaque exercice mobilisant silence et attention des enfants parqués sous des tables dans des salles aux grandes baies vitrée.

La sécurité des enfants, des personnels, encore un vaste programme irréalisable… Ou comment être responsable de quelqu’un qui entre dans l’école sans que l’on en soit informé puisqu’on est en classe…

Et pour piloter un établissement, un minimum d’autonomie est requis.

En effet, savez-vous que l’école n’est pas un établissement scolaire ?

Vous avez bien lu, l’école n’est pas un établissement. En cela, elle n’a aucune identité juridique, comptable, ni autonomie de fonctionnement.

Les finances ? De complexes circuits associatifs entre les associations de parents d’élèves, les coopératives, associations sportives, caisses des écoles… Rien de clair, tout à la marge.

L’autonomie ? Des fiches navettes, des conventions, des propositions de cursus de scolarité, des protocoles sanitaires, tout doit passer par l’approbation de l’Inspecteur. De fait celui-ci perd ainsi un temps précieux qui devrait être consacré au pilotage pédagogique de toutes les équipes, pour l’évaluation et la gestion de la circonscription.

Les Inspecteurs sont les supérieurs hiérarchiques des enseignants. Ils les évaluent, en assurent leur formation continue. Ils doivent reprendre leur cœur de métier et aider les directrices et directeurs à faire le leur. Que leurs tâches soient dévolues à cette évaluation, à la remédiation de carrière, et non à la supervision factuelle et systématique du fonctionnement quotidien de l’école !

Disons-le tout net : les directrices et directeurs refusent d’être
les supérieurs hiérarchiques des autres enseignants.

Les directrices et directeurs d’écoles pilotent, sont autonomes, responsables et professionnels. Ils considèrent qu’être responsables d’une école maternelle ou élémentaire et la piloter ne peut se faire que dans le cadre d’un travail d’équipe, dans une logique d’impulsion et de facilitation des échanges et de confiance partagée.

Le constat est clair : l’autonomie actuelle de l’école primaire n’est que de 2% (rapport OCDE).

La direction d’école, et à travers elle toute l’équipe de l’école, n’a pas aujourd’hui les moyens ni légaux ni matériels pour faire vivre cette autonomie au service du public.

Il est donc impératif, pour l’école, de donner aux directrices et directeurs la reconnaissance et les moyens des responsabilités qu’ils assument de fait aujourd’hui.

Et il est tout autant impératif de donner à l’école, quelle que soit sa taille, la reconnaissance d’un établissement.

Régulièrement, on nous dit que nous avons raison, que l’on nous comprend…Mais que tout cela a un coût.

Cela suffit !

Pour permettre aux directrices et directeurs d’école d’assurer les missions qui leurs sont confiées pour la réussite des élèves, la co-éducation avec les familles et la sérénité des équipes, il faut assumer ce coût du fonctionnement de l’école au XXIème siècle et lui en donner les moyens.

Si l’école publique est essentielle, elle ne peut fonctionner et être gérée qu’au local, au plus près des élèves, des familles, des municipalités.

Les parents d’élèves et les communes doivent avoir en face d’eux un unique interlocuteur, un directeur responsable, représentant de l’équipe enseignante, et pilote d’une école plus autonome et plus à même de répondre localement aux besoins de ses élèves.

L’avenir de l’école est là.

Il est assez simple, il s’agit d’une volonté d’inscrire
l’école dans le temps présent.

Alors collectivement ayons cette volonté !


Stéphane CROCHET, Secrétaire Général du SE-UNSA (Syndicat des Enseignants-UNSA)
Catherine NAVE-BEKHTI, Secrétaire Générale du Sgen-CFDT (Syndicat Général Education Nationale-CFDT)
Laurent HOEFMAN, Président du SNE (Syndicat National des Ecoles)
Alain REI, Président du GDiD, (Groupe de Défense des Idées des Directeurs)
Loïc BREILLOUX, pour le GTRID (Groupe de Travail et de Réflexion Indépendant de Directeurs)


lundi 9 novembre 2020

De Compostelle à Grenelle...

A l’heure où le Grenelle de l’Éducation est lancé par Jean-Michel Blanquer depuis ce jeudi 22 octobre, à l’heure où un joueur de rugby, une doyenne de science-po et un chercheur en génétique moléculaire président aux ateliers Encadrement, Gou(r)vernance des écoles et des établissements (sic), Déconcentration et autonomie, il est temps de faire, encore une fois, un point d’étape…
Encore une fois, car depuis plus de 20 ans, les plus “anciens“ d’entre nous (dont je ne fais pas partie) en ont fait, des points d’étapes, des compte-rendus, des textes et communiqués.
Depuis plus de 20 ans, le Groupement de Défense des Idées des Directeurs, ce fameux “j’ai des idées“, parcours la France, les écoles et les pages virtuelles pour écrire notre volonté d’avenir pour l’école et la direction d’école, pour échanger, aider, soulager… Notre but est ainsi complété par cette mission d'aide, de soutien de partage ou nous échangeons nos fardeaux en soulageant souvent ceux des autres, où les jurons (Nom de Grrr…) peuvent surgir comme autant de sourires ou de larmes.
Il est essentiel encore aujourd’hui de comprendre que écoles et directions sont liées.
L’avenir de l’école est lié par une relation bijective à celui de la direction d’école.

Un constat : 

Faisons simple :
Soit nous en restons à l’école des années 80, certains syndicats rejettent bien le référentiel métier de 2014 pour rester sur les textes de février 1989. D’accord, c’était l’ère de Rocard et Jospin, on peut apprécier cet héritage (c’est mon cas, je l’avoue), mais quelle que soit notre orientation politique personnelle, l’école ne vit plus au rythme des années 80…
Soit nous acceptons de considérer que le monde a évolué, et que l’école doit évoluer dans son fonctionnement. 

Les fondamentaux de l’école laïque et publique de la nation ne sont pas à remettre en cause. Les textes fondateurs de Jaurès, Ferry, Buisson, sont autant d’assises qui portent encore l’idéal républicain de notre école, celle au sein de laquelle nous accueillons, guidons, éduquons, formons, des jeunes et futurs citoyens… 

Ces fondamentaux ne sont pas antinomiques de l’évolution du fonctionnement de l’école comme ils s’accommodent des nouveautés pédagogiques, de l’état de la recherche en didactique ou même de cette sacro-sainte neuroscience… 

De colloques en assises :

Il semble que pour le temps médiatique et politique, cette école du XXIème siècle doive se définir par de vastes rencontres en ateliers, autant de raouts médiatisés au sein desquels participeront avec rigueur de nombreux acteurs réels de l’école, dont les représentants des syndicats qui depuis longtemps nous accompagnent sur notre chemin de Compostelle laïque, et d’autres plus médiatiques, polémistes, montreurs d'ours ou déballeurs de grandes idées toutes faites. 
Las…
Quel Grenelle que celui de l’éducation ! Loin de moi l’idée d’être défaitiste, pour autant, au-delà des titres flatteurs des dix ateliers, leur description laisse tout de même le pédagogue et directeur que je suis sur sa faim…
La première frustration est que nulle part, dans le document de présentation de cette importante consultation, il n’est mentionné le mot “direction“ ou “directeur“ (hormis la phrase fort sibylline qui ne nous concerne pas quant à “l’épanouissement professionnel des enseignants et des personnels de direction“ : nous ne sommes pas PerDir, mais restons les fantômes récurrents du ministère et de ses concertations).
La deuxième frustration est que la formulation du contenu du 6ème atelier, gouvernance des écoles et des établissements, malgré ce vocable surprenant (et très en mode), ne semble pas ouvrir vers l’organisation de l’école et la prise en compte de ses spécificités au regard des “établissements“. Sans compter que sa présidence étant assurée par la doyenne de Science-po, il est naturel d’avoir un a priori frileux quant à l’orientation des débats. 

« Quelles gouvernances des écoles et des établissements pour mobiliser, faire converger et développer les compétences individuelles et collectives au sein de la communauté éducative, assurer un climat scolaire serein, partager une vision commune et des éléments communs de réponse pour la réussite de chaque élève ? Avec qui et avec quels outils ? »
Si la question semble ouverte et légitime, et en comprenant que l’enjeu de ces assises dépasse le seul premier degré, nous sommes fondés à être vigilants, et dubitatifs pour le moins.

D'hier à aujourd'hui 

En effet, le long pèlerinage du GDID sur le chemin de la reconnaissance du métier de directrice et directeur d’école a déjà été pavé de tant de cailloux pointus et de déconvenues…
Rappeler ici l’article 2 des statuts fondateurs ne semble pas inutile :
« Cette association a pour objet, en France, d'arriver à la définition et à la reconnaissance légale du métier de Directeur d'École.
Cette association demande la création d'un statut original, non hiérarchique, de la Direction d'École.
Cette association demande la création d'un statut d'Établissement Public des Écoles, définissant clairement les rôles et responsabilités de chacun dans l'école. » 

Il est à noter que nous restons bien en dehors du débat que certains syndicats ont voulu créer d'un supérieur hiérarchique, souhaitant ainsi opposer le vilain “directateur“ et les gentils adjoints maltraités. Il s’agit pour nous d’une équipe qui doit travailler ensemble, chacun à son niveau, pour la réussite des élèves.
Renforcer l'autonomie de la direction de l’école renforce l'autonomie de toute l'école. 

De nombreuses pistes ont été avancées, dans le désordre et non exhaustivement : intégrer le corps des PerDir ; obtenir un statut d’emploi fonctionnel ; rester sur une définition de mission mais avec une véritable reconnaissance financière ; avoir plus de temps de décharge ; aller vers un établissement du premier degré…
La réflexion s’est affinée avec le temps, les propositions ont évolué, les arguments se sont précisés, des syndicats nous ont rejoints (d’autres nous ont méprisé en maniant la fange du caniveau sans honte)… 

Des incontournables ont émergé : 

En 2006, le GDID rappelle que l’on ne peut pas améliorer les conditions de travail sans définir en parallèle les conditions statutaires. La capacité de décision avec un pilote reconnu au sein de l’école est essentielle. 

En 2008, le GDID précise sa volonté de promouvoir la création d’un établissement du premier degré avec une limite “haute“ (maximum 500 élèves, 15 à 20 classes) mais sans limite basse (exemple d’une école à 2 classes en tant qu’établissement).
La différence étant uniquement quant aux moyens que l’on attribuerait aux écoles en fonction de leur taille et non au statut d’établissement.
Mais le schéma de pensée très “second degré“ des interlocuteurs trouble les échanges, ils ont beaucoup de mal à dissocier statut et moyens.
Il semble très difficile de faire comprendre par exemple que même dans le cas d’un établissement, la forme juridique demeurant la même, les moyens pouvant être liés à la taille, un directeur d’une école de 3 classes peut garder une charge d’enseignement. 

Pour autant, le changement de paradigme est essentiel : la directrice ou le directeur est d’abord directrice ou directeur, et elle (il) peut avoir une charge d’enseignement en complément.
Cette distinction change tout : actuellement, nous sommes des enseignants chargés de direction (d’ailleurs, ONDE ne s’y trompe pas indiquant la quotité de temps de direction comme si une école pouvait par exemple n’avoir de direction que sur 1/7ème de temps)…

Nous en sommes toujours au point mort : 

L’école continue, chaque jour, à travers crises et confinements, à travers ordres et contre-ordres. Elle dépasse le temps des médias, et les directions d’école sont comme toujours en première ligne, maillon essentiel de la continuité de l’état, maillon qui parfois cède, se déforme, mais maintient pourtant la cohésion de tous les autres maillons constituant l'école.

Un référentiel métier en 2014 est venu compléter le Décret de février 1989 relatif aux directeurs d'école, mais le temps et les moyens pour assurer les responsabilités et toutes les actions citées (le nombre de verbes injonctifs est un inventaire à la Prévert à lui tout seul) n’y sont toujours pas. 

Alors, à l’heure où débute un “Grenelle“ de l’Éducation, à l’heure où l’on veut nous faire croire que les frontières vont bouger pour aller vers l’école de demain, à l’heure où la Proposition de Loi de Mme Rilhac semble risquer de s’endormir, il nous faut prendre toutes et tous notre bâton de pèlerin Dézécolle et continuer notre chemin de traverse pour réaffirmer nos exigences, non pas tant pour nous, qu’aussi pour le fonctionnement de l’école publique, pour la scolarité de nos élèves, pour un service public d’éducation inscrit dans sa temporalité.
Nous ne pouvons pas laisser passer cette chance historique !

Des exigences communes et une association qui vit ! 

Rappelons alors que le GDID demande, avec plusieurs syndicats par ailleurs:
- une redéfinition réelle de notre métier en inversant le paradigme actuel d’enseignant à directeur pouvant assurer une charge d’enseignement et en définissant la reconnaissance d’un statut (le statut fonctionnel semblant actuellement la meilleure étape et en aucun cas, faut-il le rappeler, un statut hiérarchique !) ; 
- la redéfinition du statut de l’école vers un établissement, avec enfin l’autonomie reconnue nécessaire au fonctionnement ; 
- le temps et les moyens inhérents à ces deux premiers points. 

Enfin, pour notre communication, pour faire vivre notre association commune, pour échanger et trouver tous les points d’appui, de pression, d’ancrage, pour affiner nos arguments, témoigner, alerter, un groupe Facebook a été créé en février 2013. 

Fort aujourd’hui de 1700 membres, nous devons rappeler que son objectif n’est pas celui d’autres groupes plus généraux, il doit rester conforme à celui de l’association éponyme : échanger pour « arriver à la définition et à la reconnaissance légale du métier de Directeur d'École par la création d'un statut original, non hiérarchique, de la Direction d'École, et à la création d'un statut d'Établissement Public des Écoles, définissant clairement les rôles et responsabilités de chacun dans l'école ».
Je vole pour finir les mots de Samuel : « Si nous y rions parfois, si nous nous y entraidons et partageons souvent, c'est toujours en gardant cet objectif de reconnaissance de notre métier, avec les moyens de l'exercer. Professionnels nous devons être, mais souvent trop b/cons nous sommes. » 

Marc Burlat








vendredi 6 novembre 2020

Sur la pointe des pieds...

J'ai fait les comptes ce matin : depuis 2012 j'ai écrit pour la cause des Directrices et Directeurs d'école 598 billets. Celui-ci est mon 599ème. Je n'irai peut-être pas jusqu'à 600.

Lorsque j'ai demandé à prendre ma retraite, j'ai cru innocemment - naïvement - que je pourrais continuer à écrire pour le GDiD sans aucune difficulté. J'étais même enthousiaste, je pensais avoir du temps pour le faire, je pourrais creuser la question, faire des écrits mieux construits et plus profonds.

En réalité, depuis cette rentrée que je n'ai pas faite, je n'ai rien qui vient. Rien, le néant, je suis sec comme une chaussette d'archiduchesse. Là où auparavant il me suffisait d'un point de départ pour que le reste suive très naturellement, désormais je n'ai aucune idée. Je ne sais pas quoi écrire que je n'aurais déjà écrit, pas quoi exprimer que je n'aurais déjà exprimé.

J'ai relu de vieux billets, écrits en d'autres temps avec d'autres ministres, d'autres représentants syndicaux, d'autres Directrices ou Directeurs dont beaucoup aujourd'hui ont quitté la fonction ou pris leur retraite. Je pourrais presque les remettre tels quels, en n'y changeant que quelques mots, tant peu a changé depuis 2012 et les débuts du "Confort Intellectuel", avant ce blog du GDiD qui existe aujourd'hui.

Un exemple, de juillet 2012 : "Car en matière d’école, tout a été dit. Nous sommes les champions de l’état des lieux. Nous croulons sous les rapports, les études, les expertises aussi variées qu’informées. Des vastes consultations comme celle lancée par Vincent Peillon, il y en a déjà eu beaucoup… autant de travaux pleins de promesses, qui, chaque fois, n’ont pas débouché sur la révolution promise."

Pourtant je vois bien qu'il y aurait beaucoup à dire ou redire, évidemment, avec ces confinements successifs (dont j'ai tout de même pratiqué le premier), ces changements de cap toutes les deux heures, le projet de loi Rilhac, les "groupes de travail" dont le GDiD fait partie grâce à Alain Rei, la mort épouvantable de notre collègue Samuel Paty, celle qu'il ne faut pas oublier de Christine Renon, les "services civiques" qui me rappellent d'autres dispositifs aussi peu convaincants, les promesses non tenues d'allègement des charges des Directeurs, les injonctions absurdes, les masques empoisonnés et trop petits, les fichiers Excel inutiles à remplir pour l'avant-veille et autres sondages administratifs forcément indispensables, les possibilités de contamination pour des personnels exposés six heures par jour,  maintenant les réclamations et menaces des familles qui ne veulent pas que leur cher ange porte un masque qui pourtant est imposé et se laissent berner par des groupuscules d'extrême-ce que vous voulez.

Et puis malgré les difficultés du quotidien il ne faut pas oublier la finalité du GDiD, soit le changement de statut des Directeurs, qui pour nous passe nécessairement par un changement de statut de l'école. Ce fut depuis vingt ans un lourd labeur quotidien et ça l'est toujours, entre coups de téléphone et demandes d'aide, contacts avec les médias, réunions au ministère à la Chambre au Sénat... Personne ne chôme, c'est bénévole et fatigant, c'est lassant parce que tous les deux ans il faut remettre le couvert et recommencer à expliquer, même si au cours du temps notre discours s'est imposé et que peu aujourd'hui remettent en cause la nécessité de faire évoluer notre statut. Non, je ne parlerai pas de ce peu que vous connaissez déjà, je n'ai pas d'énergie à dépenser bêtement.

Il y a donc énormément à dire et à écrire. "J'voudrais bieeeeeen, mais j'peux poiiiiint !" Je me répète, ça ne veut pas sortir. Et je crois savoir pourquoi.

Concrètement je ne vis plus vos difficultés, que je connais. Je me couche et me lève à l'heure qui me chante, m'occupe de mes petites affaires, je fais le ménage dans le bouzin accumulé depuis quarante ans chez moi comme dans ma tête. Et je vous l'avoue honnêtement, je ne me sens plus vraiment concerné malgré mon investissement passé. Je suppose que c'est logique, mais ça reste pour moi inattendu.

Et puis je ne me sens plus légitime pour parler à votre place. Quand je lis sur notre groupe Facebook ce qui vous arrive, je suis sidéré par les circonstances actuelles et leurs conséquences. Mais je ne les vis pas, je ne ressens pas les douleurs que vous ressentez dans ma chair ou mon esprit. J'ai perdu la connexion. Je n'en ai pas honte, c'est comme ça. Là où auparavant la peine, la fatigue ou la colère motivaient mon enthousiasme et me poussaient à écrire, aujourd'hui je ne ressens concrètement plus grand chose sinon de la compassion.

Il est donc temps pour moi, je crois, de me retirer. Sur la pointe des pieds. Je ne vous dis pas que je n'écrirai plus rien, peut-être dans quelques semaines proposerai-je à ceux qui sont pour moi devenus des amis un billet sur un sujet qui vous concerne. Peut-être me demanderont-ils un mot pour faire avancer les choses. Mais je ne peux ni ne veux plus laisser croire que je m'investirai comme j'ai pu le faire jusqu'à présent, ce serait les tromper et vous tromper aussi. C'est bien entendu hors de question.

C'est donc un au revoir, pas un adieu je pense, que je vous fais avec ces mots. J'espère voir prochainement des avancées concrètes mais je veux rester prudent. Je fais confiance à l'équipe pour persister, avancer, ne rien lâcher. Que le GDiD vive le temps qui sera nécessaire pour qu'enfin les Directrices et Directeurs d'école soient reconnus et puissent travailler efficacement dans la sérénité. Quant à vous, vous tous sur le terrain qui chaque jour vous débattez avec vos élèves, votre administration, les élus ou vos familles, tenez bon ! Et pensez à vous surtout, rien ne vaut de se détruire et surtout pas la Direction d'une école.

Pascal Oudot