A l’heure où le Grenelle de l’Éducation est lancé par Jean-Michel Blanquer depuis ce jeudi 22 octobre, à l’heure où un joueur de rugby, une doyenne de science-po et un chercheur en génétique moléculaire président aux ateliers Encadrement, Gou(r)vernance des écoles et des établissements (sic), Déconcentration et autonomie, il est temps de faire, encore une fois, un point d’étape…
Encore une fois, car depuis plus de 20 ans, les plus “anciens“ d’entre nous (dont je ne fais pas partie) en ont fait, des points d’étapes, des compte-rendus, des textes et communiqués.
Depuis plus de 20 ans, le Groupement de Défense des Idées des Directeurs, ce fameux “j’ai des idées“, parcours la France, les écoles et les pages virtuelles pour écrire notre volonté d’avenir pour l’école et la direction d’école, pour échanger, aider, soulager… Notre but est ainsi complété par cette mission d'aide, de soutien de partage ou nous échangeons nos fardeaux en soulageant souvent ceux des autres, où les jurons (Nom de Grrr…) peuvent surgir comme autant de sourires ou de larmes.
Il est essentiel encore aujourd’hui de comprendre que écoles et directions sont liées.
L’avenir de l’école est lié par une relation bijective à celui de la direction d’école.
Un constat :
Faisons simple :
Soit nous en restons à l’école des années 80, certains syndicats rejettent bien le référentiel métier de 2014 pour rester sur les textes de février 1989. D’accord, c’était l’ère de Rocard et Jospin, on peut apprécier cet héritage (c’est mon cas, je l’avoue), mais quelle que soit notre orientation politique personnelle, l’école ne vit plus au rythme des années 80…
Soit nous acceptons de considérer que le monde a évolué, et que l’école doit évoluer dans son fonctionnement.
Les fondamentaux de l’école laïque et publique de la nation ne sont pas à remettre en cause. Les textes fondateurs de Jaurès, Ferry, Buisson, sont autant d’assises qui portent encore l’idéal républicain de notre école, celle au sein de laquelle nous accueillons, guidons, éduquons, formons, des jeunes et futurs citoyens…
Ces fondamentaux ne sont pas antinomiques de l’évolution du fonctionnement de l’école comme ils s’accommodent des nouveautés pédagogiques, de l’état de la recherche en didactique ou même de cette sacro-sainte neuroscience…
De colloques en assises :
Il semble que pour le temps médiatique et politique, cette école du XXIème siècle doive se définir par de vastes rencontres en ateliers, autant de raouts médiatisés au sein desquels participeront avec rigueur de nombreux acteurs réels de l’école, dont les représentants des syndicats qui depuis longtemps nous accompagnent sur notre chemin de Compostelle laïque, et d’autres plus médiatiques, polémistes, montreurs d'ours ou déballeurs de grandes idées toutes faites.
Las…
Quel Grenelle que celui de l’éducation ! Loin de moi l’idée d’être défaitiste, pour autant, au-delà des titres flatteurs des dix ateliers, leur description laisse tout de même le pédagogue et directeur que je suis sur sa faim…
La première frustration est que nulle part, dans le document de présentation de cette importante consultation, il n’est mentionné le mot “direction“ ou “directeur“ (hormis la phrase fort sibylline qui ne nous concerne pas quant à “l’épanouissement professionnel des enseignants et des personnels de direction“ : nous ne sommes pas PerDir, mais restons les fantômes récurrents du ministère et de ses concertations).
La deuxième frustration est que la formulation du contenu du 6ème atelier, gouvernance des écoles et des établissements, malgré ce vocable surprenant (et très en mode), ne semble pas ouvrir vers l’organisation de l’école et la prise en compte de ses spécificités au regard des “établissements“. Sans compter que sa présidence étant assurée par la doyenne de Science-po, il est naturel d’avoir un a priori frileux quant à l’orientation des débats.
« Quelles gouvernances des écoles et des établissements pour mobiliser, faire converger et développer les compétences individuelles et collectives au sein de la communauté éducative, assurer un climat scolaire serein, partager une vision commune et des éléments communs de réponse pour la réussite de chaque élève ? Avec qui et avec quels outils ? »
Si la question semble ouverte et légitime, et en comprenant que l’enjeu de ces assises dépasse le seul premier degré, nous sommes fondés à être vigilants, et dubitatifs pour le moins.
D'hier à aujourd'hui
En effet, le long pèlerinage du GDID sur le chemin de la reconnaissance du métier de directrice et directeur d’école a déjà été pavé de tant de cailloux pointus et de déconvenues…
Rappeler ici l’article 2 des statuts fondateurs ne semble pas inutile :
« Cette association a pour objet, en France, d'arriver à la définition et à la reconnaissance légale du métier de Directeur d'École.
Cette association demande la création d'un statut original, non hiérarchique, de la Direction d'École.
Cette association demande la création d'un statut d'Établissement Public des Écoles, définissant clairement les rôles et responsabilités de chacun dans l'école. »
Il est à noter que nous restons bien en dehors du débat que certains syndicats ont voulu créer d'un supérieur hiérarchique, souhaitant ainsi opposer le vilain “directateur“ et les gentils adjoints maltraités. Il s’agit pour nous d’une équipe qui doit travailler ensemble, chacun à son niveau, pour la réussite des élèves.
Renforcer l'autonomie de la direction de l’école renforce l'autonomie de toute l'école.
De nombreuses pistes ont été avancées, dans le désordre et non exhaustivement : intégrer le corps des PerDir ; obtenir un statut d’emploi fonctionnel ; rester sur une définition de mission mais avec une véritable reconnaissance financière ; avoir plus de temps de décharge ; aller vers un établissement du premier degré…
La réflexion s’est affinée avec le temps, les propositions ont évolué, les arguments se sont précisés, des syndicats nous ont rejoints (d’autres nous ont méprisé en maniant la fange du caniveau sans honte)…
Des incontournables ont émergé :
En 2006, le GDID rappelle que l’on ne peut pas améliorer les conditions de travail sans définir en parallèle les conditions statutaires. La capacité de décision avec un pilote reconnu au sein de l’école est essentielle.
En 2008, le GDID précise sa volonté de promouvoir la création d’un établissement du premier degré avec une limite “haute“ (maximum 500 élèves, 15 à 20 classes) mais sans limite basse (exemple d’une école à 2 classes en tant qu’établissement).
La différence étant uniquement quant aux moyens que l’on attribuerait aux écoles en fonction de leur taille et non au statut d’établissement.
Mais le schéma de pensée très “second degré“ des interlocuteurs trouble les échanges, ils ont beaucoup de mal à dissocier statut et moyens.
Il semble très difficile de faire comprendre par exemple que même dans le cas d’un établissement, la forme juridique demeurant la même, les moyens pouvant être liés à la taille, un directeur d’une école de 3 classes peut garder une charge d’enseignement.
Pour autant, le changement de paradigme est essentiel : la directrice ou le directeur est d’abord directrice ou directeur, et elle (il) peut avoir une charge d’enseignement en complément.
Cette distinction change tout : actuellement, nous sommes des enseignants chargés de direction (d’ailleurs, ONDE ne s’y trompe pas indiquant la quotité de temps de direction comme si une école pouvait par exemple n’avoir de direction que sur 1/7ème de temps)…
Nous en sommes toujours au point mort :
L’école continue, chaque jour, à travers crises et confinements, à travers ordres et contre-ordres. Elle dépasse le temps des médias, et les directions d’école sont comme toujours en première ligne, maillon essentiel de la continuité de l’état, maillon qui parfois cède, se déforme, mais maintient pourtant la cohésion de tous les autres maillons constituant l'école.
Un référentiel métier en 2014 est venu compléter le Décret de février 1989 relatif aux directeurs d'école, mais le temps et les moyens pour assurer les responsabilités et toutes les actions citées (le nombre de verbes injonctifs est un inventaire à la Prévert à lui tout seul) n’y sont toujours pas.
Alors, à l’heure où débute un “Grenelle“ de l’Éducation, à l’heure où l’on veut nous faire croire que les frontières vont bouger pour aller vers l’école de demain, à l’heure où la Proposition de Loi de Mme Rilhac semble risquer de s’endormir, il nous faut prendre toutes et tous notre bâton de pèlerin Dézécolle et continuer notre chemin de traverse pour réaffirmer nos exigences, non pas tant pour nous, qu’aussi pour le fonctionnement de l’école publique, pour la scolarité de nos élèves, pour un service public d’éducation inscrit dans sa temporalité.
Nous ne pouvons pas laisser passer cette chance historique !
Des exigences communes et une association qui vit !
Rappelons alors que le GDID demande, avec plusieurs syndicats par ailleurs:
- une redéfinition réelle de notre métier en inversant le paradigme actuel d’enseignant à directeur pouvant assurer une charge d’enseignement et en définissant la reconnaissance d’un statut (le statut fonctionnel semblant actuellement la meilleure étape et en aucun cas, faut-il le rappeler, un statut hiérarchique !) ;
- la redéfinition du statut de l’école vers un établissement, avec enfin l’autonomie reconnue nécessaire au fonctionnement ;
- le temps et les moyens inhérents à ces deux premiers points.
Enfin, pour notre communication, pour faire vivre notre association commune, pour échanger et trouver tous les points d’appui, de pression, d’ancrage, pour affiner nos arguments, témoigner, alerter, un groupe Facebook a été créé en février 2013.
Fort aujourd’hui de 1700 membres, nous devons rappeler que son objectif n’est pas celui d’autres groupes plus généraux, il doit rester conforme à celui de l’association éponyme : échanger pour « arriver à la définition et à la reconnaissance légale du métier de Directeur d'École par la création d'un statut original, non hiérarchique, de la Direction d'École, et à la création d'un statut d'Établissement Public des Écoles, définissant clairement les rôles et responsabilités de chacun dans l'école ».
Je vole pour finir les mots de Samuel : « Si nous y rions parfois, si nous nous y entraidons et partageons souvent, c'est toujours en gardant cet objectif de reconnaissance de notre métier, avec les moyens de l'exercer. Professionnels nous devons être, mais souvent trop b/cons nous sommes. »
Marc Burlat
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