dimanche 16 juin 2019

Alors voilà...

Nous sommes arrivés au bout du marathon législatif, pour que rien ne change de ce qui aurait dû être changé. Après trois décennies de rapports et de commissions et de discussions le néant s'impose encore une fois aux Directeurs d'école comme une vérité maintes fois dénoncée mais qui persiste : non, en France, au XXIème siècle, moderniser la gouvernance de l'école n'est pas une priorité, ce qui compte c'est surtout maintenir à tout prix le fonctionnement pyramidal vertical du haut vers le bas d'une institution qui s'effondre sous sa propre incurie.


Les Directrices et Directeurs d'école peuvent bien crever. Entre les menaces de notre propre administration qui tente de sauver les apparences, la fumisterie d'idées toutes faites dans un ministère qui ne comprend rien à ce métier, l'absence de soutien voire l'écrasement d'une institution inhumaine qui chaque jour nous prouve un peu plus son incompétence et son éloignement des réalités du terrain, nous Directrices et Directeurs d'école sommes et restons et resterons certainement hélas encore longtemps les dindons d'une farce sinistre. J'ai concrètement l'impression de m'être de nouveau pris un joli coup de pied au cul.

Ceci arrange tout le monde : un Etat qui veut à nos postes des professionnels aguerris mais sans nous payer ne serait-ce que convenablement; des syndicats gauchistes qui ne veulent ni Dieu ni maître mais sont très heureux de pouvoir compter sur ces pauvres connards de Directeurs pour assumer les responsabilités à leur place; une administration de base qui s'imagine sortie de la cuisse de Jupiter ... même les réseaux sociaux et les médias nous portent la parole réjouie d' "adjoints" qui ne veulent pas d'un "petit chef" mais seront totalement incapables de se débrouiller sans lui. Leur hypocrisie me fascine, à moins que ce soit leur imbécillité.

Je suis dégoûté. D'autant plus que ce n'est que partie remise pour le rattachement du primaire au second degré, ça nous revient avec une régularité de métronome alors que personne ne se fasse d'illusion ! Au fond la question est simple : soit nous obtenons la création d'établissements du primaire, ce que j'appelle de mes vœux, soit dans un an ou deux ou trois on nous filera de nouveau sous une appellation différente cette main-mise du collège.

Alors quoi ? Sommes-nous trop gentils ? Sommes-nous trop respectueux des formes de notre démocratie ? Puisqu'il semble qu'à notre époque ce soit celui qui braille le plus fort et qui casse le plus de choses qui ait raison, faut-il que nous aussi nous menacions, nous injurions, nous brisions des vitrines ? 

Pas notre genre évidemment. Pourtant à certains moments j'ai l'impression, comme disait mon père, qu'il y a des baffes qui se perdent. Et puis Monsieur le Ministre vient de nous rappeler que nous devons - article 1 - être "exemplaires" : s'il nous refuse toute considération et le salaire auquel nous aurions droit en revanche il ne manque pas de nous taper sur les doigts, comme les maîtres d'école de mon enfance. De là à extrapoler sur une vision pagnolesque de cette institution, très vieille France et troisième république... C'est à se demander, vraiment, si nous sommes bien en 2019.

mercredi 12 juin 2019

Comment faire cuire un petit Directeur d'école ?

La recette est très répandue, le nombre d'écoles publiques de moins de quatre classes étant extrêmement important en France. Je vous la rappelle néanmoins ici.

Ingrédients:

  • un Directeur ou une Directrice (le sexe ne genre rien à la cuisson) non déchargé;
  • une trentaine de loulous et de louloutes (s'ils ont entre trois et cinq ans la recette sera encore meilleure !);
  • des élections de parents d'élèves, ou des admissions, ou... selon la période de l'année;
  • quelques consignes et injonctions administratives superfétatoires pour pimenter votre plat.


Commencez à préparer votre matière principale (le directeur) à six heures le lundi matin, pour qu'il prépare le travail de ses élèves.
Mettez-le dans le bain rapidement, si possible dès 7h30, en allumant l'ordinateur du bureau.
A 8h30, incorporez vos loulous et vos louloutes; vous pouvez dès cette étape ajouter si vous le souhaitez quelques parents d'élèves, mais vous devrez les enlever rapidement afin qu'ils ne gâtent pas trop vite le jus de cuisson.
A cette heure-là, votre directeur est encore tendre.
Dès 11h le lundi matin, les loulous et les louloutes étant en général assez excités après un week-end pluvieux, votre matière principale aura commencé à cuire.
A 17h, le directeur est nettement moins tendre, la cuisson est déjà bien avancée.

Reprenez le mardi les mêmes étapes, en y adjoignant régulièrement coups de téléphone foireux, pannes informatiques diverses, consignes hiérarchiques idiotes, et autres ingrédients à votre idée (chaque région, voire chaque commune, a sa propre recette). N'hésitez pas à incorporer un parent d'élève hargneux ou un doublon dans le courrier électronique - ou encore une pièce jointe oubliée -.

Le mercredi, vous devrez laisser reposer. Dans certaines régions, on recommande d'ajouter ce jour-là une conférence pédagogique ou une réunion de Directeurs pour accélérer la cuisson.

Recommencez le jeudi matin comme le lundi, avec des loulous et des louloutes excités par la pleine lune ou par le vent ou par un mercredi passé à regarder la télé. Vous constaterez dès le jeudi soir que la cuisson est déjà très avancée. Parfois, le directeur fume déjà. Mais vous devrez tout de même parfaire votre recette en reprenant le vendredi toutes les mêmes étapes quotidiennes.

Pour que la matière soit parfaite, il est temps d'ajouter au jus existant, déjà fortement épicé et très odorant, des élections de représentants de parents d'élèves ou des admissions (ou autre, c'est selon la saison, adaptez-vous à un circuit court): vous constaterez alors une puissante accélération de la cuisson.

Vous pouvez à tout moment ajouter pour parfaire la recette tout ce qui vous passe par la tête: adjoint malade, ATSEM qui pleurniche, accident de loulou, etc. Tout est bon.

Si vous respectez bien toutes ces étapes, vous constaterez qu'à 20h le vendredi soir la cuisson du Directeur (ou de la Directrice) est parfaite! La matière principale est totalement molle, presque inerte, sa réactivité est nulle. Faites attention, c'est alors une matière fragile dont la dégustation doit se faire avec grand soin, en parlant doucement, avec des gestes lents et de grands sourires rassurants. Bon appétit!


lundi 10 juin 2019

Le Principal, l'IEN, et le Directeur d'école...

Ce texte a... sept ans. Je l'ai écrit en septembre 2012. Il est d'une cruelle actualité, hélas. Je vous le livre in extenso, je n'ai rien retranché. Et j'en ai marre d'avoir raison...

Si le titre de ce billet ressemble à celui d'une fable, ce bon M. de la Fontaine n'a hélas rien à y voir.

Les directeurs d'école râlent depuis au moins trois lustres, parce que leur mission est devenue impossible à remplir de façon satisfaisante. Pourtant ils continuent vaille que vaille à l'accomplir, avec abnégation, en s'occupant prioritairement de la "petite gestion d'école", soit tous ces actes quotidiens qui permettent de regrouper familles et enseignants autour de l'éducation des enfants. 

Rendons à César ce qui est à César. C'est grâce à l'action du GDID qu'aujourd'hui personne n'ignore à quel point la fonction de direction va mal. Les mots "directeur d'école" et "statut" reviennent avec régularité dans la plupart des revendications syndicales et des discours sur l'école, sauf peut-être pour une centrale syndicale particulière -qui éventuellement commence un léger aggiornamento- et dans les médias qui continuent à nous ignorer superbement. Il faut dire que pour ces derniers seule compte la nouvelle quotidienne et le "scoop" -suicide d'un directeur, arrestation d'un pédophile présumé, etc- au détriment évidemment du fond du problème. Nous sommes une civilisation du zapping et de l'immédiat, il faut aller vite, ce dont l'école elle ne peut se contenter, qui doit travailler sur la durée et la qualité.

Le gouvernement présent est devant un choix difficile, je l'admets. Même s'il évite soigneusement d'évoquer le problème, il sait pertinemment que la mission de direction d'école est le centre névralgique du fonctionnement de l'école primaire. Face à un problème, il existe deux solutions: le résoudre, ou le contourner.

Résoudre le problème de la direction d'école primaire coûte de l'argent, ou du moins ces gens-là le croient-ils, car ils n'ont pas intégré l'idée que l'éducation est un investissement à long terme, dont on sait pourtant l'importance: l'investissement dans l'éducation augmente les taux de rendement et donc la richesse d'une nation, c'est un loi bien connue en Sciences économiques. Non, le problème majeur du système éducatif français n'est pas son coût réel, faible en pourcentage du PIB si on le compare à d'autres pays que pourtant on nous donne constamment en exemple, mais son excessive centralisation et son administration pléthorique.

Décentraliser l'éducation nationale demande donc de s'appuyer sur les acteurs locaux de l'école, et prioritairement sur ceux dont l'action est incontestée par les élus municipaux, c'est à dire les directeurs d'école, et de démanteler des étages intermédiaires qui n'ont fait en quelques décennies qu'enfler le dinosaure qu'est devenue l'éducation nationale. Donner un statut de chef d'établissement primaire aux directeurs d'école permettrait de se passer des Inspecteurs de l’Éducation Nationale (IEN) et des Directeurs Académiques des Services (DASEN), au profit d'un rapport direct entre les rectorats et les écoles. Évidemment, cela supposerait de supprimer aussi tous les services liés à ces deux étages administratifs, qui engluent l'école, ralentissent tout de façon stupéfiante et diminuent l'efficacité générale du système, chaque fonctionnaire intermédiaire devant justifier sa propre existence en inventant des circonvolutions administratives inutiles qui évoquent le Principe de Peter. 

Malheureusement, les gouvernements qui se succèdent depuis trente ans dans notre pays -et je ne donne cette durée que parce que c'est aussi celle de ma présence dans le métier- ont une trouille bleue des fonctionnaires de l'éducation nationale. Il faut dire que la bête, si elle fait piètre figure, reste impressionnante ne serait-ce que par ses dimensions, et que son cuir pourtant fin est épaissi de nombreuses couches de graisse. Alors, pour ne fâcher personne on n'enlève rien, on ne coupe rien, on ne supprime rien, on ne dégonfle rien... L'état jacobin préfère rester centralisé et tenir à sa merci une armée de fonctionnaires d'opérette, quitte à faire crever l'animal sous son propre poids. Pour les politiques il est vain d'imaginer que l'on pourrait supprimer tous les superfétatoires "bureliers" -comme disait Zézette- et éliminer tous les intermédiaires qui comme dans le commerce font gonfler la facture.

Reste donc la possibilité de contourner le problème, et voilà bien ce qui me soucie, car le présent gouvernement semble emprunter cette voie dangereuse qui ne résoudra rien, mais plutôt certainement assénera à l'école primaire publique son coup de grâce.

Les directeurs d'école se plaignent de la charge administrative qui alourdit leur travail quotidien? Il suffit de les en délivrer, et à ce titre les discours de M. Peillon, ministre de l’Éducation Nationale, en disent long. M. Peillon n'évoque JAMAIS les directeurs d'école, en revanche il ne manque pas une occasion de vanter "l'école du socle" ou les principaux de collège, et de louanger les rapports primaire/collège. L'école du socle, sortie de l'esprit torturé d'un haut fonctionnaire, c'est l'idée qu'il soit absolument nécessaire de faire du primaire et du collège une seule entité. Le socle de quoi? Aucune idée, ce n'est qu'un mot. La France politique crève sous les mots. Citons quelques extraits d'un très récent entretien avec le ministre:

Dans un collège de Trappes, où j'étais avec le Président de la République, nous avons vu travailler ensemble professeurs du secondaire et professeurs des écoles. Les professeurs des écoles vont dans le collège et les professeurs du collège vont dans les écoles. Ils construisent des projets communs.
(...)
Je souhaite donc soutenir les initiatives de terrain, aider les professeurs à mutualiser leurs pratiques, à bousculer les cloisons entre disciplines, entre corps, entre école et collège. Il faut leur donner les moyens, au-delà des injonctions, de travailler ensemble, de renforcer les liens entre eux, de donner une consistance aux équipes éducative. Tout cela est à construire mais si nous arrivons à avancer dans cette direction, nous aurons fait quelque chose de très utile au pays.

Ite, missa est. La messe est dite, braves gens, vous savez ce qui attend l'école primaire. Cette idée absurde va compliquer encore un peu plus la machine, qui ne tardera pas à gripper complètement. Lorsque les principaux de collège auront pris en charge la partie administrative de la gestion de l'école primaire, on va bien rigoler. Et cela n'allègera que très peu la charge de travail des directeurs d'école, auxquels il restera bien entendu leur classe, et toute la "petite gestion" quotidienne qui fait le principal de la mission. Il nous restera aussi les engueulades et les coups quand il faudra expliquer aux parents qu'ils doivent désormais contacter le collège du secteur pour avoir un certificat de scolarité, ou pour gérer un accident, ou... ou... j'en pleure d'avance. Alors qu'on chante partout qu'on veut investir massivement sur le primaire, l’assujettir au collège qui est depuis 1975 le maillon le plus faible de la chaîne ma parait si absurde que je demande quand même qui a bien pu avoir cette idée suicidaire. Je suppose que M. Peillon nous accordera l'extrême-onction, et que le gouvernement chantera un beau De profundis sous la direction chorale de M. le Président de la République.

J'évoque pour mémoire la seconde façon de détourner le problème de la direction d'école, qui consisterait à donner aux IEN la gestion administrative des écoles. Sachant que la plupart des IEN furent des enseignants incompétents qui n'eurent comme choix que de passer un concours administratif pour échapper aux tortures enfantines, cela pourrait promettre une belle rigolade, avant un effondrement massif ou une révolte gratinée devant les excès d'autorité dont ne tarderaient pas à faire preuve tous ces frustrés de pouvoir qui n'aiment que se faire lécher les bottes par les fonctionnaires de terrain.

Bref, si les directeurs d'école de ce pays ne se réveillent pas, si dans chaque réunion ou chaque information syndicale le mot n'est pas passé, si massivement les directeurs d'école ne hurlent pas qu'il leur faut un statut, et que rien d'autre ne passera par eux, alors demain le réveil sera difficile. Vous ne viendrez pas vous plaindre, chers collègues, car vous ne pourrez pas dire que vous n'aviez pas été prévenus.

Adhérez donc au GDID, tiens. Il faut nous regrouper pour faire entendre notre voix. Ou si vous ne le souhaitez pas, faites-vous entendre dans toutes les réunions, syndicales ou autres, que personne n'ignore ce qui nous pend au nez. C'est l'école de France qui crève.

(Pascal Oudot, - Septembre 2012)

samedi 8 juin 2019

Le pont de Khazad-Dûm...

J'aime la danse, mais les valses-hésitations m'exaspèrent. Entre Chambre, Sénat, Commission paritaire, Chambre de nouveau, puis les décrets qui vont nous tomber dessus pendant les grandes vacances, la question de la direction d'école en France n'est pas prête d'être résolue.

Que partout des voix s'élèvent pour rappeler que les Directeurs d'école sont la cheville ouvrière du fonctionnement de l'institution, le ministre s'en bat l’œil. Comme ses prédécesseurs. Que chacun lui rappelle également qu'un changement du fonctionnement de l'école ne peut être appliqué sans l'implication des Directeurs d'école, le ministre s'en bat l’œil aussi, mais pas le même... Deux yeux au beurre noir ça n'aide pas à voir bien clair, ni bien loin.

Les Directrices et Directeurs d'école, qui fonctionnent aujourd'hui on ne sait trop comment, continuent en dépit de tout bon sens à faire deux métiers à la fois. Imaginez un pilote d'Airbus faisant en même temps le service en cabine... Tout le monde bien entendu compte sur notre conscience professionnelle, et malheureusement tout le monde a raison : nous faisons et continuerons tous à faire, nous autres Directrices et Directeurs d'école exploités jusqu'à la moelle, tout ce que nous pourrons pour que nos écoles "tournent". Des bons cons, quoi. Nous sommes comme de juste les dindons d'une farce cruelle qui n'est pas prête de finir.

Vous préférez quoi : Renoir ou Feydeau? "La grande illusion" ou "Le dindon" ?

Il y a quelques décennies, être Directeur d'école était une sinécure consistant en gros à remplir un registre matricule avec les noms des élèves nouvellement admis dans l'école, et à faire les gros yeux à un élève indiscipliné, tant était importante l'aura de la direction d'école. Essayez donc aujourd'hui, tiens, si vous ne vous prenez pas une baffe de l'élève en question ou de son grand frère ou de sa mère ou... vous pourrez vous estimer heureux. Ils ne sont pas fous, les parents d'élèves, ils voient bien comment l' État nous traite ! Pourquoi diable en feraient-ils autrement ?

Après l'abandon des "maîtres-directeurs" dans les années 80, suite aux grèves et autres manifestations menées par des syndicats rétrogrades aux cris de "Non aux petits chefs !", grèves et manifestations bien entendu suivies sans réfléchir par les enseignants de l'époque, c'est la Loi d'orientation de M. Jospin en 1989 qui a changé la donne, en accordant aux Directeurs d'école, présidents des Conseils d'école et des Conseils de maîtres, une responsabilité pédagogique qu'auparavant ils ne possédaient pas. Travailler sur projets devenait la norme dans les années qui suivirent, impliquant pour les Directeurs un rôle d'animateur d'équipe pour lequel ils n'étaient pas formés, et qui changeait fortement la teneur de leur responsabilité comme son ampleur. Et puis, les mesures sécuritaires : le Directeur d'école est aujourd'hui pénalement responsable de la sécurité de ses élèves comme de son école, dans le lieu même comme en déplacement. Notre rôle n'a plus rien à voir avec ce qu'il était il y a vingt ou trente ans. 

Les réglementations qui tombèrent dru dans les années 2000 ne firent qu'empirer la situation, les mesures et responsabilités s'accumulant sans qu'aucune autre soit retranchée, asphyxiant peu à peu les Directeurs d'école sous une avalanche de devoirs envers les familles et l’État, sans qu'évidemment aucune contrepartie soit accordée, à part peut-être - soyons honnête - une légère évolution des conditions de décharge. En refusant le statut de "maître-directeur" les instits des années 80 s'étaient bien plantés, et ce sont les Directrices et Directeurs d'école d'aujourd'hui qui s'en mordent les doigts. Mangez des raisins verts...

Le référentiel-métier de décembre 2014 a entériné et inscrit dans les textes l'importance de notre rôle, sans pour autant nous en apporter les moyens. La "Loi pour l'école de la confiance" aurait pu changer la donne. On pouvait y croire après le rapport de la "mission-flash" Rilhac-Bazin. Mais le soufflé s'est effondré sous les obsessions ministérielles...


Mais pensez-vous que l'idée d'inféoder l'école primaire au collège soit nouvelle ? Vous vous feriez des illusions... Voici ce qu'en juillet 2011 Vincent Peillon alors ministre - de "gôche" - de l’éducation nationale répondait au député Frédéric Reiss à la Commission des Affaires Culturelles et de l'éducation de l'Assemblée Nationale :

"Parmi les questions qui sont plus particulières, la question des directeurs d’école reviendra sans cesse. Il y a beaucoup d’écoles en France. Nous n’avons pas aujourd’hui la possibilité de donner ce statut. (...) Après, si l’on veut évoluer, il faut évoluer dans une réflexion qui est une réflexion quand même de coordination, je sais que c’est très difficile, mais entre le collège et l’école primaire."

Quoi de neuf sous le soleil ? Ah nous autres du GDiD nous sommes-nous bien faits rembarrer quand nous disions partout que, sans statut pour les Directeurs, l'école primaire se trouverait sous la coup des principaux de collège. Qui nous a entendu ? Pourtant, comme l'écrivait Frédéric Reiss en 2010 :

Tout individu a prononcé, prononce ou prononcera la phrase suivante : « Je veux parler au directeur ! ».
Quand on rencontre un problème avec une administration, une entreprise, une association, une réaction raisonnable est certes de vouloir s’adresser à un responsable et, dans les cas où l’on ne connaît pas son titre, de faire usage du terme générique : directeur.
A ce mot, sont en effet associés un certain prestige, une certaine distance, en tous les cas la capacité de prendre les décisions qui s’imposent… C’est du ressort du directeur.

Ne soyons pas aveugles : la création des EPSF va revenir par la petite porte. Mais cette fois nous en serons certainement exclus par la grâce des syndicalistes imbéciles de FO, de SUD et du SNU. Vous espériez au moins un début de création d'établissements du primaire ? Prout prout. Vous travaillez pour la gloire, très chers collègues. Vous êtes les cadres les plus mal payés de l'OCDE, vous bossez comme des malades sans contrepartie ni estime de votre hiérarchie, vous faites deux métiers en même temps, mais il faut que vous vous fassiez une raison: les français s'en balancent, vos parents d'élèves s'en foutent, les syndicats "de gôche" se délectent de votre souffrance, votre ministre n'en a rien à carrer, votre hiérarchie s'en tamponne le coquillard, et le pire ce sont quelques connards d'adjoints qui se satisfont de vos emmerdements et se balancent de votre sort avec une régularité de métronome (vous pouvez allez faire un tour sur https://forums-enseignants-du-primaire.com/ pour lire les saloperies que certains sont capables d'écrire à notre sujet, c'est édifiant quant à la stupidité de certains enseignants et surtout la haine qu'ils ressentent à notre égard). Alors, tout ça pour ça? Oui messeigneurs, pour les Directeurs d'école peau de zébie.

Que dit Gandalf déjà, au pont de Khazad-Dûm ? Ah oui : "Fuyez, pauvres fous !"

dimanche 2 juin 2019

Ben ça va pas mieux...

Ben ça va pas mieux... pour dire que ça va franchement moins bien. Plus ça va de moins en moins bien d'ailleurs, je n'écrirai pas que pire on peut pas parce que pire on peut toujours.

Je ne suis pas très clair ? J'ai du côté de ma mère des origines normandes dont le fatalisme m'a toujours épaté. Mais n'avez-vous pas l'impression que vos conditions de travail empirent ? Rassurez-vous, ce n'est pas qu'une impression. 

Aller de Charybde en Scylla c'est sautiller d'un pied sur l'autre sans bouger d'un poil. Ce n'est pas ce que fait l'école aujourd'hui tant nous autres enseignants et Directeurs d'école nous enfonçons dans une gadoue nauséabonde. Nous avons le nez à raz, là. Et ce n'est pas parce que j'adore cette dernière phrase que ça me fait particulièrement rire.

Nous avons le nez à raz, là... Il faudra que je la ressorte.

La "Loi pour l'école de la confiance" nous avait titillé l'occiput par sa vacuité sidérale. Et puis comme je l'ai souvent écrit les mots ont leur importance, utiliser le mot "confiance" me rappelle fâcheusement les républiques démocratiques et populaires : quand on a besoin de mettre un concept en exergue c'est qu'on est par essence dans la volonté de ne SURTOUT PAS le mettre en pratique. Il était donc évident que les termes "Blanquer" et "confiance" ne rimaient pas, n'avaient aucune similitude ni même aucune allitération.

Le GDiD est une association légaliste, nous ne sommes pas un syndicat et par essence nous devons et voulons faire confiance à un nouveau ministre avec lequel nous souhaitons travailler pour arriver un jour à ce que les Directrices et Directeurs d'école de France obtiennent in fine le statut qui leur permettrait de travailler correctement et avec un peu de sérénité. Alors nous souhaitons benoîtement et honnêtement la bienvenue à chaque nouvel impétrant à chaque changement de gouvernement, nous demandons à être reçus pour expliquer notre point de vue, et.... combien de fois l'avons-nous fait ?

Le statut que réclame le GDiD c'est comme le rocher de Sisyphe : nous le poussons jusqu'au sommet, avec courage et sans espoir de récompense, et alors que nous sommes presque arrivés au sommet il redescend sans bruit mais à une vitesse folle. Nous ne nous décourageons pas, nous redescendons, et nous le poussons de nouveau.


Il faut avouer qu'à certains moments quand même nous en avons marre. Surtout quand nous avons l'impression que ceux qui nous reçoivent cachent leur indifférence derrière une bienveillance de façade. Nous ne remettrons même pas en cause leur honnêteté, je suis sûr que nous avons convaincu beaucoup de sous-fifres. Sauf que justement ce sont des sous-fifres, et que les ministres en exercice sont généralement tellement assurés de leurs compétences et de leur génie que le reste les indiffère. C'est clairement le cas de notre présent ministre. Quant à son texte de loi, je n'en attends plus rien pour les Directeurs d'école, entre la Commission Mixte Paritaire et le retour à la Chambre. Un pet, ça pue, et ça passe.

Oh je n'aurai pas la prétention d'écrire que nous sommes les seuls concernés ! Il suffit de lire les consignes de rentrée sur le BO pour comprendre que notre ministre est tellement convaincu de son génie qu'il lui parait nécessaire de nous expliquer comment nous devons travailler. Avec mes 40 années de carrière en maternelle je rirais si j'en avais l'énergie. Comme d'habitude ces consignes resteront ignorées du terrain, évidemment, sauf par quelques IEN débutants ou aux dents longues à qui il faudrait expliquer que remettre le même couvert tous les dix ans en sachant pertinemment que c'est de la merde, ben c'est lassant. Et que - franchement - nous n'en avons rien à cirer tant nous sommes déconsidérés, ignorés, maltraités. Il y a des limites à tout, même à ce que nous pouvons supporter. Un groupe Facebook a vu le jour récemment qui met cela en exergue : quand les enseignants mettent fin à leur jour parce que l'institution les méprise, ça ne peut finit qu'en eau de boudin. Plus jamais ça...

Allez hop, je vais finir mon dimanche tranquille, j'ai un plat qui mitonne et qui ne va pas tarder à avoir besoin de moi. Au moins je prendrai du plaisir à le manger, le reste qui vient de là-haut est par trop indigeste.

Pascal

PS : comme la moitié d'entre vous ignore le groupe Facebook du GDiD sur lequel il se passe plein de choses dans votre dos je vous le rappelle en toute amitié POUF POUF.