J'ai beaucoup de mal avec les nouvelles concernant l' "école" en ce moment. Certains, qui ne fréquentent pas le groupe Facebook du GDiD, se sont étonnés de "notre" silence en cette période de chambardement. Y avait-il urgence ? Pas forcément.
Je suis en quelque sorte la voix de l'association, ou du moins son script. Si le verbe est porté par les autres membres du bureau de l'association auprès des députés, des syndicats, du Ministre, c'est moi qui écris généralement les échos du GDiD. Et hélas verba volant scripta manent, ce qui signifie que le travail de mes collègues reste souvent ignoré pour ceux qui ne se tiennent pas au courant sur Facebook, entre rencontres et assistance téléphonique ou autre. C'est profondément injuste. Mais c'est une répartition des tâches qui fonctionne à peu près, car malheureusement nous restons bénévoles et connaissons les mêmes affres que vous. Sans parler de nos vies familiales.
Pour tout vous dire, j'ai fait un burn-out, comme on dit aujourd'hui. Je devrais écrire "je fais", parce que je n'en suis pas sorti, je n'en sors pas. Tout ce qui concerne l'école me dégoûte, me révulse, je ne peux lire un mot sur le sujet sans avoir un haut-le-coeur. Je suis sous médicament, qu'est-ce que ce serait sans ? Alors je vais à reculons sur Facebook, je ne lis plus ma revue de presse, et je regarde de très très loin ce qui se passe en ce moment, avec des pincettes. Ce n'est même pas pour me préserver, c'est une réaction physique. Cette dépression profonde est un risque que nous courons tous, Directrices et Directeurs d'école surmenés et malmenés, une épée de Damoclès dont on imagine pouvoir éviter la chute. Au GDiD nous évoquons souvent le sujet. Mais ça m'est tombé dessus, littéralement tant ce fut soudain et violent, et le choc de me voir touché aussi malgré mon âge et mon expérience, ou à cause peut-être, me laisse un goût très amer.
Autant exprimer que la "loi pour l'école de la confiance" ne fut pas ces derniers jours ma lecture préférée. Elle marque une étape décisive qui je pense peut-être désastreuse pour les Directeurs d'école. Oui, seulement "peut-être". Il n'y a rien là d'imprévu, le ministre n'a jamais caché ses intentions ni son idée de ce rattachement au collège. C'est encore pire quand je lis malgré mes difficultés certaines réactions syndicales. Nos alliés -SE-UNSA, SGEN-CFDT, SNE - ont réagi très vite, avec justesse, le jour même de la première discussion à l'assemblée de la création des "écoles des savoirs fondamentaux". Les autres... Là ça devient épidermique, j'en ai la chair de poule. Quand l'inénarrable ahurie Francette Popineau, du SNU, se désole en faisant semblant de découvrir ce qui se passe, quand FO braille dans le vent comme d'habitude, je pleure de colère, de lassitude, d’écœurement. Depuis combien d'années le GDiD, nous, les Directeurs d'école sur le terrain, tirons le signal d'alarme en disant que si nous ne réagissions pas nous serions les dindons d'une mauvaise farce et nous trouverions assujettis au collège ? Cela fait des années que nous le disons, que nous avertissons, que nous dénonçons les procès idiots que nous font le SNU, FO, SUD et consorts lorsque nous réclamons un statut pour des Directrices et Directeurs d'école issus du primaire. Que puis-je écrire sur celles et ceux qui depuis des années m'affirment bille en tête et cerveau en berne que je ne cherche qu'à être "petit chef", "caporal", dictateur ridicule d'une pseudo-démocratie ? Vous la vouliez, cette mise au point ? Vous l'avez. A force de dénigrer notre volonté de conserver des enseignants du primaire pour diriger les écoles, à force de dénigrer notre volonté de conforter une position singulière proche de nos élèves, à force de dénigrer le GDiD qui depuis tant d'années vous assène une vérité désagréable, vous avez obtenu le pire de ce qui était possible.
Maintenant que puis-je écrire sur la création des "écoles du socle" ? Le GDiD a immédiatement demandé à rencontrer les députés dont Cécile Rilhac (mission "flash" de juillet 2018) ce qui fut fait avec écoute le 6 février. Aura-ce un effet ? Pour l'instant tout le monde s'affole, mais le texte définitif n'a été voté que mardi 19 février par la Chambre. Il n'est pas passé devant le Sénat, il n'est donc que provisoire, ensuite il faudra une parution au Journal Officiel pour connaître la réalité de la Loi. Et puis il faudra encore attendre les décrets d'application. Je dois vous l'apprendre ? Une loi n'existe pas tant qu'elle n'est pas appliquée, et pour qu'elle soit appliquée il faut un ou plusieurs décrets ministériels qui en explicitent les tenants et aboutissants. Et ça va être un beau bordel, car la portée et les exigences du texte semblent en partie avoir manifestement échappé à nos députés, quelle que soit leur bonne ou mauvaise volonté. C'est ce qu'exprimait Alain Rei au nom du GDiD en écrivant le 1er février à nos représentants :
"Le 01 février 2018 nous vous avions écrit pour vous interpeller sur la situation préoccupante des directrices et directeurs d’école. Depuis une mission Flash a rendu son rapport (juillet 2018) et le Ministre avait annoncé que la question serait à l’agenda social du mois de janvier 2019.Le mois de janvier est terminé et non seulement il n’y a aucun signe de discussion sur le sujet de la direction d’école mais, beaucoup plus préoccupant, la commission des lois vient d’adopter un amendement à la loi « l’école de la confiance » permettant le rattachement des écoles aux collèges par la création d’ « Etablissements des savoirs fondamentaux ».
Cet amendement s’il était validé en l’état par l’assemblée sonnerait la fin de l’école du premier degré et verrait disparaître la richesse et l’expertise qui en font sa spécificité. Si la question du pilotage des écoles est bien réelle, si la question de l’encadrement des petites écoles est un vrai sujet, si la notion de taille critique peut et même doit être posée, ce n’est néanmoins certainement pas en éloignant le cercle de décision vers le collège que l’on rendra plus opérante cette école riche de son rapport de proximité avec ses usagers (enfants, familles, élus des communes…et bien entendu ses personnels), ou plus efficace, ou plus à même de conduire les enfants de tous les territoires de notre pays vers la réussite scolaire.
Alors que tous les rapports publiés ces dernières années indiquent la nécessité de donner de l’autonomie et de mettre au cœur du système les capacités de décisions pour conduire les équipes, cet amendement s’il est voté éloignera encore un peu plus les prises de décisions des collectifs de travail.
Depuis que cet amendement adopté par la commission a été rendu public nous ne cessons de recevoir des messages d’inquiétude, de lassitude, d’incompréhension des équipes d’écoles et particulièrement des directrices et directeurs d’école. Pourtant après le rapport de la mission flash de Mmes les députées Cécile Rilhac et Valérie Bazin-Malgras, ils avaient pu espérer être enfin entendus. Il est évident qu’au regard de la grande diversité des structures scolaires on ne peut proposer une solution unique et miracle sur tout le territoire.
Aujourd’hui cette école du 21° siècle a besoin d’une véritable structure juridique adaptée et d’un directeur reconnu pour ce qu’il est afin de répondre aux missions qui sont les siennes. Permettre aujourd’hui la création d’ « Etablissements des savoirs fondamentaux » sans avoir pris la juste mesure des conséquences réelles et multiples sur le fonctionnement des écoles, sans avoir auparavant stabilisé la situation des écoles qui y seraient intégrées et des personnels qui y travaillent, serait largement préjudiciable au service public d’éducation et aux personnels qui le servent.
Mesdames et Messieurs les Députés, nous vous demandons de mesurer les conséquences de cet amendement et nous sommes à votre entière disposition pour venir vous présenter les solutions que nous portons pour un meilleur fonctionnement de nos écoles."
Un courrier similaire a été envoyé aux Sénateurs le 19 février. Mais que dit concrètement le texte adopté mardi dernier ?
"Les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux sont constitués de classes du premier degré et du premier cycle du second degré. Ils associent les classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles situées dans son secteur de recrutement.
Après avis de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, ces établissements sont créés par arrêté du représentant de l’État dans le département sur proposition conjointe des collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale de rattachement du collège et des écoles concernés, après conclusion d’une convention entre ces collectivités.
La convention mentionnée fixe la durée pour laquelle elle est conclue et les conditions dans lesquelles, lorsqu'elle prend fin, les biens de l’établissement sont répartis entre les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale signataires. Elle détermine également le délai minimal, qui ne peut être inférieur à une année scolaire, au terme duquel peut prendre effet la décision de l’une des parties de se retirer de la convention.
La convention détermine la répartition entre les parties des charges leur incombant en vertu des chapitres II à IV du titre Ier du livre II au titre de la gestion des écoles et des collèges. Elle définit notamment la répartition entre les parties des charges liées à la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement de l’ensemble de l’établissement et des dépenses de personnels autres que ceux mentionnés à l’article L. 211-8 qui exercent leurs missions dans l’établissement."
Sur le fond on pourrait imaginer que créer un établissement de ce type, qui prend modèle sur les écoles françaises à l'étranger qui fonctionnent bien, n'est pas forcément une mauvaise idée. Sauf que le fond est totalement différent : les écoles de l'étranger connaissent unité de lieu et unité de temps, avec une population particulière. Si je prends l'exemple de la France dite "rurale", il s'agit de regrouper administrativement des écoles dispersées, dont les choix pédagogiques sont différents et adaptés à leurs élèves, dont les locaux n'ont pas forcément la même qualité, qui sont gérées par des communes parfois fort différentes dans les moyens dont elles disposent comme dans leur vision de la politique éducative. Comment seront répartis les élèves ? Quels seront les coûts générés par d'éventuels transports ? Quels seront les horaires de ces écoles, dont il est fort à craindre qu'ils ne seront plus décidés localement avec l'accord des familles ? Quelle dotation par élève sera imposée aux communes concernées ? Malgré la bonne volonté des municipalités partantes pour un tel projet, il reste à craindre qu'en dehors des ECPI existants peu de Maires accepteront sans heurts de participer à l'élaboration d'une convention qui leur fera abandonner nombre de prérogatives et leur coûtera fort cher. Et pour quel intérêt ? Qu'y gagneront-ils ? Bien entendu nous verrons la création de tels établissements, mais ils seront certainement dans ces conditions peu nombreux, du moins dans les proches années. Imaginer une disparition proche des écoles de campagne me parait donc pour l'instant purement spéculatif, et destiné à faire peur. En revanche ce sont les grosses communes qui possèdent un collège, ou les métropoles, que le projet peut intéresser. Ne nous cachons pas que ce rapprochement, s'il est bien étudié et porteur de projets innovants, s'il ne crée pas des usines à apprendre de plusieurs milliers d'enfants, offre des perspectives intéressantes pour la réussite des élèves. S'il est bien étudié... et je crains avec l'exemple récent du fiasco des rythmes scolaires que le choix des édiles territoriaux soit souvent plus politique ou économique que pédagogique. Mais nous ne pouvons pas refuser d'emblée une formule qui peut offrir une opportunité pour certains de nos élèves, comme d'ailleurs la création des "établissements publics locaux d’enseignement international".
Que devient le Directeur d'école dans toute cette histoire ? Ne seront concernés par ces établissements que peu d'écoles - pour l'instant -. Les Directrices et Directeurs des écoles non concernées conserveront donc les missions définies par le référentiel-métier - en particulier l'admission des élèves, leur répartition et celles des classes et des moyens -, leur charge de classe et leur "indemnité", telles que définies actuellement. Mais le ministre a précisé que les discussions initialement prévues à l'agenda social - pour... janvier dernier - auraient bien lieu. Quand et sous quelle forme, c'est le mystère. Mais il ne s'agira donc pas de créer un statut particulier pour les Directeurs d'école, hélas et en dépit également des efforts de nombreux députés et sénateurs qui auraient voulu le voir inscrit dans la "loi pour l'école de la confiance", mais par décret ou circulaire de peut-être "améliorer" en marge certains aspects de notre métier, indemnité et régime de décharge. Pour le GDiD et nos alliés syndicaux le travail est donc loin d'être terminé.
Pour les Directeurs qui se trouveront pris dans la création d'un établissement, cela sera différent :
"Les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux sont dirigés par un chef d’établissement qui exerce simultanément les compétences attribuées au directeur d’école par l’article L. 411-1 et les compétences attribuées au chef d’établissement par l’article L. 421-3. Un ou plusieurs chefs d’établissement adjoints, dont un au moins est en charge des classes du premier degré, exercent aux côtés du chef d’établissement. Ce chef d’établissement adjoint, en charge du premier degré, est issu du premier degré. Les modalités de son recrutement sont fixées par décret."
Le chef d'établissement est donc un "perdir", certainement le principal du collège, qui "veille à la bonne marche de chaque école maternelle ou élémentaire".
C'est tout ? C'est tout. On est dans un flou absolu sans décret d'application. Ce chef d'établissement adjoint "issu du premier degré" entre dans le corps des personnels de Direction. Est-il recruté par concours - ce qui serait logique pour un changement de corps - ou sur titre, après un entretien par exemple - ce qui me parait douteux - ? Sera-t-il seulement un ancien Directeur d'école ou pas nécessairement ? On peut supposer que le chef d'établissement déléguera les charges liées au primaire - admissions, etc - à son adjoint. Comment, sous quelle forme, avec quelle aide administrative ? On peut supposer également que seront déléguées l'organisation et la tenue des diverses réunions habituelles, conseil des maîtres, conseil de cycle, mais pas le conseil école-collège qui est présidé par le chef d'établissement ni le conseil d'école qui évidemment disparaît au profit du conseil d'administration. Et dans la mesure où est créé dans chacun de ces établissements un "conseil pédagogique" présidé aussi par le chef d'établissement, quelle est la place de son adjoint ?
"Dans chaque établissement public local d'enseignement, est institué un conseil pédagogique. Ce conseil, présidé par le chef d'établissement, réunit au moins un professeur principal de chaque niveau d'enseignement, au moins un professeur par champ disciplinaire, un conseiller principal d'éducation et, le cas échéant, le chef de travaux. Il a pour mission de favoriser la concertation entre les professeurs, notamment pour coordonner les enseignements, la notation et l'évaluation des activités scolaires. Il prépare la partie pédagogique du projet d'établissement."
"Outre les membres mentionnés à l’article L. 421-5, le conseil pédagogique comprend au moins un enseignant de chaque niveau de classe du premier degré. Le conseil pédagogique peut être réuni en formation restreinte aux enseignants des niveaux, degrés ou cycles concernés par l’objet de la séance."
On notera dans ce cadre pédagogique la disparition de l'IEN. Certains pourront s'en réjouir, pas moi. Dans la mesure où un établissement fonctionne sur la base d'un contrat d'objectifs, on peut légitimement se poser des questions quant à ceux qui seront imposés au primaire. Quelle sera l'autonomie accordée aux classes du premier degré ? Et puis, nous ne devons pas oublier l'importance de la relation privilégiée qui lie actuellement le Directeur d'école aux élèves et aux familles. Que deviendra-t-elle ? Qui fera le lien quotidien ? Qui restera pour recevoir en urgence des parents inquiets ou gérer les problèmes quotidiens, de sécurité ou autre ? Qui tiendra ce rôle sur place ? Un "Directeur de site" ? Un "référent" ? Ou les enseignants resteront-ils esseulés ?
La charge qui sera donnée aux premiers adjoints du primaire aux chefs des établissements publics locaux d'enseignement est donc immense. Il leur reviendra, après publication des décrets, de définir un cadre viable pour que le primaire ne devienne pas une variable d'ajustement ni soit abandonné, ou assujetti à des objectifs inatteignables. Il faudra des gens aux reins solides, capables d'expliquer mais aussi de composer, tout en maintenant la spécificité de l'enseignement à ce niveau et surtout à l'école maternelle !
Le travail qui attend le GDiD et nos partenaires syndicaux est tout aussi gigantesque. S'il va falloir défendre notre volonté d'une reconnaissance spécifique des Directrices et Directeurs d'école, et persister dans la création d'établissements du primaire autonomes à taille raisonnable - seul moyen selon nous d'obtenir un statut -, il va nous falloir également défendre une vision de l'école qui fait la part belle à la réussite individuelle de nos élèves et non à des objectifs globaux. Il va certainement, et c'est nouveau, nous falloir y défendre aussi le rôle pédagogique important des IEN, qui auront toute leur place dans le fonctionnement d'établissements du primaire.
En général, je ne désespère pas. Bon, en ce moment, je broie du noir avec un pilon que je ne maîtrise pas, et j'ai abandonné quelques secondes ce billet pour avaler un anxiolytique. Mais je veux croire que ce qui pourrait être un désastre peut néanmoins devenir un excellent pont d'envol pour nos élèves et les Directeurs d'école, à condition de saisir la question à bras-le-corps. Je veux espérer que notre gouvernement va enfin consulter les corps intermédiaires et ne plus arriver dans de pseudo-discussions avec des projets déjà emballés et ficelés. De nombreux représentants de la Nation sont à nos côtés, à la Chambre et au Sénat, nous devons les convaincre que nos idées sont dignes d'être écoutées, entendues, retenues... et que leur rôle est aussi certainement d'en convaincre à leur tour un gouvernement qui fonce à toute allure avec quelques œillères.
Au boulot.
"Le 01 février 2018 nous vous avions écrit pour vous interpeller sur la situation préoccupante des directrices et directeurs d’école. Depuis une mission Flash a rendu son rapport (juillet 2018) et le Ministre avait annoncé que la question serait à l’agenda social du mois de janvier 2019.Le mois de janvier est terminé et non seulement il n’y a aucun signe de discussion sur le sujet de la direction d’école mais, beaucoup plus préoccupant, la commission des lois vient d’adopter un amendement à la loi « l’école de la confiance » permettant le rattachement des écoles aux collèges par la création d’ « Etablissements des savoirs fondamentaux ».
Cet amendement s’il était validé en l’état par l’assemblée sonnerait la fin de l’école du premier degré et verrait disparaître la richesse et l’expertise qui en font sa spécificité. Si la question du pilotage des écoles est bien réelle, si la question de l’encadrement des petites écoles est un vrai sujet, si la notion de taille critique peut et même doit être posée, ce n’est néanmoins certainement pas en éloignant le cercle de décision vers le collège que l’on rendra plus opérante cette école riche de son rapport de proximité avec ses usagers (enfants, familles, élus des communes…et bien entendu ses personnels), ou plus efficace, ou plus à même de conduire les enfants de tous les territoires de notre pays vers la réussite scolaire.
Alors que tous les rapports publiés ces dernières années indiquent la nécessité de donner de l’autonomie et de mettre au cœur du système les capacités de décisions pour conduire les équipes, cet amendement s’il est voté éloignera encore un peu plus les prises de décisions des collectifs de travail.
Depuis que cet amendement adopté par la commission a été rendu public nous ne cessons de recevoir des messages d’inquiétude, de lassitude, d’incompréhension des équipes d’écoles et particulièrement des directrices et directeurs d’école. Pourtant après le rapport de la mission flash de Mmes les députées Cécile Rilhac et Valérie Bazin-Malgras, ils avaient pu espérer être enfin entendus. Il est évident qu’au regard de la grande diversité des structures scolaires on ne peut proposer une solution unique et miracle sur tout le territoire.
Aujourd’hui cette école du 21° siècle a besoin d’une véritable structure juridique adaptée et d’un directeur reconnu pour ce qu’il est afin de répondre aux missions qui sont les siennes. Permettre aujourd’hui la création d’ « Etablissements des savoirs fondamentaux » sans avoir pris la juste mesure des conséquences réelles et multiples sur le fonctionnement des écoles, sans avoir auparavant stabilisé la situation des écoles qui y seraient intégrées et des personnels qui y travaillent, serait largement préjudiciable au service public d’éducation et aux personnels qui le servent.
Mesdames et Messieurs les Députés, nous vous demandons de mesurer les conséquences de cet amendement et nous sommes à votre entière disposition pour venir vous présenter les solutions que nous portons pour un meilleur fonctionnement de nos écoles."
Un courrier similaire a été envoyé aux Sénateurs le 19 février. Mais que dit concrètement le texte adopté mardi dernier ?
"Les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux sont constitués de classes du premier degré et du premier cycle du second degré. Ils associent les classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles situées dans son secteur de recrutement.
Après avis de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, ces établissements sont créés par arrêté du représentant de l’État dans le département sur proposition conjointe des collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale de rattachement du collège et des écoles concernés, après conclusion d’une convention entre ces collectivités.
La convention mentionnée fixe la durée pour laquelle elle est conclue et les conditions dans lesquelles, lorsqu'elle prend fin, les biens de l’établissement sont répartis entre les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale signataires. Elle détermine également le délai minimal, qui ne peut être inférieur à une année scolaire, au terme duquel peut prendre effet la décision de l’une des parties de se retirer de la convention.
La convention détermine la répartition entre les parties des charges leur incombant en vertu des chapitres II à IV du titre Ier du livre II au titre de la gestion des écoles et des collèges. Elle définit notamment la répartition entre les parties des charges liées à la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement de l’ensemble de l’établissement et des dépenses de personnels autres que ceux mentionnés à l’article L. 211-8 qui exercent leurs missions dans l’établissement."
Sur le fond on pourrait imaginer que créer un établissement de ce type, qui prend modèle sur les écoles françaises à l'étranger qui fonctionnent bien, n'est pas forcément une mauvaise idée. Sauf que le fond est totalement différent : les écoles de l'étranger connaissent unité de lieu et unité de temps, avec une population particulière. Si je prends l'exemple de la France dite "rurale", il s'agit de regrouper administrativement des écoles dispersées, dont les choix pédagogiques sont différents et adaptés à leurs élèves, dont les locaux n'ont pas forcément la même qualité, qui sont gérées par des communes parfois fort différentes dans les moyens dont elles disposent comme dans leur vision de la politique éducative. Comment seront répartis les élèves ? Quels seront les coûts générés par d'éventuels transports ? Quels seront les horaires de ces écoles, dont il est fort à craindre qu'ils ne seront plus décidés localement avec l'accord des familles ? Quelle dotation par élève sera imposée aux communes concernées ? Malgré la bonne volonté des municipalités partantes pour un tel projet, il reste à craindre qu'en dehors des ECPI existants peu de Maires accepteront sans heurts de participer à l'élaboration d'une convention qui leur fera abandonner nombre de prérogatives et leur coûtera fort cher. Et pour quel intérêt ? Qu'y gagneront-ils ? Bien entendu nous verrons la création de tels établissements, mais ils seront certainement dans ces conditions peu nombreux, du moins dans les proches années. Imaginer une disparition proche des écoles de campagne me parait donc pour l'instant purement spéculatif, et destiné à faire peur. En revanche ce sont les grosses communes qui possèdent un collège, ou les métropoles, que le projet peut intéresser. Ne nous cachons pas que ce rapprochement, s'il est bien étudié et porteur de projets innovants, s'il ne crée pas des usines à apprendre de plusieurs milliers d'enfants, offre des perspectives intéressantes pour la réussite des élèves. S'il est bien étudié... et je crains avec l'exemple récent du fiasco des rythmes scolaires que le choix des édiles territoriaux soit souvent plus politique ou économique que pédagogique. Mais nous ne pouvons pas refuser d'emblée une formule qui peut offrir une opportunité pour certains de nos élèves, comme d'ailleurs la création des "établissements publics locaux d’enseignement international".
Que devient le Directeur d'école dans toute cette histoire ? Ne seront concernés par ces établissements que peu d'écoles - pour l'instant -. Les Directrices et Directeurs des écoles non concernées conserveront donc les missions définies par le référentiel-métier - en particulier l'admission des élèves, leur répartition et celles des classes et des moyens -, leur charge de classe et leur "indemnité", telles que définies actuellement. Mais le ministre a précisé que les discussions initialement prévues à l'agenda social - pour... janvier dernier - auraient bien lieu. Quand et sous quelle forme, c'est le mystère. Mais il ne s'agira donc pas de créer un statut particulier pour les Directeurs d'école, hélas et en dépit également des efforts de nombreux députés et sénateurs qui auraient voulu le voir inscrit dans la "loi pour l'école de la confiance", mais par décret ou circulaire de peut-être "améliorer" en marge certains aspects de notre métier, indemnité et régime de décharge. Pour le GDiD et nos alliés syndicaux le travail est donc loin d'être terminé.
Pour les Directeurs qui se trouveront pris dans la création d'un établissement, cela sera différent :
"Les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux sont dirigés par un chef d’établissement qui exerce simultanément les compétences attribuées au directeur d’école par l’article L. 411-1 et les compétences attribuées au chef d’établissement par l’article L. 421-3. Un ou plusieurs chefs d’établissement adjoints, dont un au moins est en charge des classes du premier degré, exercent aux côtés du chef d’établissement. Ce chef d’établissement adjoint, en charge du premier degré, est issu du premier degré. Les modalités de son recrutement sont fixées par décret."
Le chef d'établissement est donc un "perdir", certainement le principal du collège, qui "veille à la bonne marche de chaque école maternelle ou élémentaire".
C'est tout ? C'est tout. On est dans un flou absolu sans décret d'application. Ce chef d'établissement adjoint "issu du premier degré" entre dans le corps des personnels de Direction. Est-il recruté par concours - ce qui serait logique pour un changement de corps - ou sur titre, après un entretien par exemple - ce qui me parait douteux - ? Sera-t-il seulement un ancien Directeur d'école ou pas nécessairement ? On peut supposer que le chef d'établissement déléguera les charges liées au primaire - admissions, etc - à son adjoint. Comment, sous quelle forme, avec quelle aide administrative ? On peut supposer également que seront déléguées l'organisation et la tenue des diverses réunions habituelles, conseil des maîtres, conseil de cycle, mais pas le conseil école-collège qui est présidé par le chef d'établissement ni le conseil d'école qui évidemment disparaît au profit du conseil d'administration. Et dans la mesure où est créé dans chacun de ces établissements un "conseil pédagogique" présidé aussi par le chef d'établissement, quelle est la place de son adjoint ?
"Dans chaque établissement public local d'enseignement, est institué un conseil pédagogique. Ce conseil, présidé par le chef d'établissement, réunit au moins un professeur principal de chaque niveau d'enseignement, au moins un professeur par champ disciplinaire, un conseiller principal d'éducation et, le cas échéant, le chef de travaux. Il a pour mission de favoriser la concertation entre les professeurs, notamment pour coordonner les enseignements, la notation et l'évaluation des activités scolaires. Il prépare la partie pédagogique du projet d'établissement."
"Outre les membres mentionnés à l’article L. 421-5, le conseil pédagogique comprend au moins un enseignant de chaque niveau de classe du premier degré. Le conseil pédagogique peut être réuni en formation restreinte aux enseignants des niveaux, degrés ou cycles concernés par l’objet de la séance."
On notera dans ce cadre pédagogique la disparition de l'IEN. Certains pourront s'en réjouir, pas moi. Dans la mesure où un établissement fonctionne sur la base d'un contrat d'objectifs, on peut légitimement se poser des questions quant à ceux qui seront imposés au primaire. Quelle sera l'autonomie accordée aux classes du premier degré ? Et puis, nous ne devons pas oublier l'importance de la relation privilégiée qui lie actuellement le Directeur d'école aux élèves et aux familles. Que deviendra-t-elle ? Qui fera le lien quotidien ? Qui restera pour recevoir en urgence des parents inquiets ou gérer les problèmes quotidiens, de sécurité ou autre ? Qui tiendra ce rôle sur place ? Un "Directeur de site" ? Un "référent" ? Ou les enseignants resteront-ils esseulés ?
La charge qui sera donnée aux premiers adjoints du primaire aux chefs des établissements publics locaux d'enseignement est donc immense. Il leur reviendra, après publication des décrets, de définir un cadre viable pour que le primaire ne devienne pas une variable d'ajustement ni soit abandonné, ou assujetti à des objectifs inatteignables. Il faudra des gens aux reins solides, capables d'expliquer mais aussi de composer, tout en maintenant la spécificité de l'enseignement à ce niveau et surtout à l'école maternelle !
Le travail qui attend le GDiD et nos partenaires syndicaux est tout aussi gigantesque. S'il va falloir défendre notre volonté d'une reconnaissance spécifique des Directrices et Directeurs d'école, et persister dans la création d'établissements du primaire autonomes à taille raisonnable - seul moyen selon nous d'obtenir un statut -, il va nous falloir également défendre une vision de l'école qui fait la part belle à la réussite individuelle de nos élèves et non à des objectifs globaux. Il va certainement, et c'est nouveau, nous falloir y défendre aussi le rôle pédagogique important des IEN, qui auront toute leur place dans le fonctionnement d'établissements du primaire.
En général, je ne désespère pas. Bon, en ce moment, je broie du noir avec un pilon que je ne maîtrise pas, et j'ai abandonné quelques secondes ce billet pour avaler un anxiolytique. Mais je veux croire que ce qui pourrait être un désastre peut néanmoins devenir un excellent pont d'envol pour nos élèves et les Directeurs d'école, à condition de saisir la question à bras-le-corps. Je veux espérer que notre gouvernement va enfin consulter les corps intermédiaires et ne plus arriver dans de pseudo-discussions avec des projets déjà emballés et ficelés. De nombreux représentants de la Nation sont à nos côtés, à la Chambre et au Sénat, nous devons les convaincre que nos idées sont dignes d'être écoutées, entendues, retenues... et que leur rôle est aussi certainement d'en convaincre à leur tour un gouvernement qui fonce à toute allure avec quelques œillères.
Au boulot.