mercredi 10 juin 2020

Au sujet du projet de loi de Mme Rilhac...

Alain Rei et Samuel Auxerre sont ce matin mercredi 10 juin en visio-conférence avec la Commission de l'éducation de l'Assemblée nationale, pour être entendus au nom du GDiD au sujet du projet de loi de Mme Rilhac concernant les Directrices et Directeurs d'école.

Voici la déclaration liminaire du GDiD, qu'a exprimée tout à l'heure Alain Rei :

Madame la députée Cécile Rilhac,
Mesdames Messieurs les députés.

Depuis plus de 20 ans, le GDiD se mobilise pour faire reconnaître le métier de directrice et directeur d’école.

Nous avons été reçus à de nombreuses reprises par la Commission Éducation et culture, nous avons été auditionnés au Sénat et nous avons travaillé avec les cabinets des différents ministres depuis les années 2000.

Depuis toutes ces années nous ne cessons de dire que le métier de Directrice ou Directeur d’école est bel et bien un métier à part entière qui nécessite des compétences spécifiques. C’est pourtant dans l’isolement d’un fossé entre le prescrit et le réel, que les directrices et directeurs d’école ont dû chercher à se construire cette capacité à gérer un établissement… qui n’en est pas un.

Toutes les crises servent de révélateur. Dans le 1er degré, celle-ci à mis en évidence et de façon éclatante le rôle central du directeur d’école. Ce qui était latent depuis devient une évidence: Il manque un échelon dans le Primaire, celui qui permet le pilotage local.

Ce niveau de responsabilité est pourtant bien identifié par les familles, les usagers de l’école, par les collectivités territoriales avec lesquelles nous travaillons régulièrement, et, de mieux en mieux par nos Inspecteurs de l’éducation nationale avec qui nous sommes en contact régulier, et même par nos collègues qui constatent combien ils pouvaient compter sur leurs Directrices ou Directeurs d’école.

Il ne reste que notre Institution qui tarde à trouver la bonne formule statutaire pour distinguer ce personnel spécifique. Les Directrices et Directeurs ne peuvent que s’installer dans le mal-être puisque responsables de tout à part entière mais ni vraiment personnels de direction car l’école n’est pas un établissement, ni vraiment supérieurs hiérarchiques car les enseignants sont sur le même grade … 

Cette situation sans équivalent dans les pays de l’OCDE et particulièrement inconfortable a entraîné ces dernières années de nombreux collègues à jeter l’éponge et quitter la profession… Ce projet de Loi parlementaire présenté par Madame la députée Cécile RILHAC est un pas essentiel vers une reconnaissance très attendue.

Le statut d’emploi fonctionnel est la forme juridique qui nous parait la plus consensuelle puisque qu’elle laisse le directeur dans le corps des PE , ce qui lui permet un retour vers l’enseignant sans direction tout en l’équipant de l’autorité fonctionnelle nécessaire.

Il introduit également la notion de temps d’enseignement dissocié de la responsabilité de classe. C’est un sujet sur lequel nous sommes très satisfaits car dans la plupart des écoles le directeur a encore une charge d’enseignement, et pouvoir le faire dans le cadre du projet d’école et non dans celui d’une classe permettra à la fois d’avoir des organisations d’équipes plus pertinentes et efficaces pour les élèves (fonctionnement du style plus de maîtres que de classes) mais permettra aussi au Directeur de réduire sa tension liée au suivi d’une classe.

La revalorisation de l’indemnitaire, également introduite dans ce texte, est aussi bien entendu une bonne chose. Enfin, la prise de conscience de la nécessaire formation importante que ce poste nécessite ne peut que nous satisfaire.

Le texte prévoit également la création de référents académiques dédiés à la direction d’école ; c’est une proposition que nous portons depuis longtemps et qui a été mise en place dans le département du Nord il y a déjà quelques années. Nous ne pouvons que nous féliciter de la voir entrer dans la loi. 

Vous aurez compris que notre association est impatiente d’écouter les débats que ce texte va susciter au sein de votre assemblée et nous espérons vivement que ce projet non seulement sera validé, mais aussi qu’il le sera avec, sinon l’unanimité, au moins une majorité écrasante dépassant les limites traditionnelles des courants politiques. Le sujet de l’école du premier degré est un sujet fort qu’il faut penser en transcendant les clivages traditionnels, et en ayant comme seul souci l’avenir à moyen et long terme de notre système éducatif.

Renforcer l’école du premier degré en regardant particulièrement les territoires sera sans doute l’étape suivante. Nous serons bien entendu toujours disponibles pour partager nos analyses et nos propositions en ce sens. Je vous remercie.


samedi 6 juin 2020

Ch'tite gâterie...

Les institutionnels qui jouent sur l'accueil des enfants à mi-temps pour certains, et pour d'autres à temps plein, ne réalisent pas ce que ça représente sur le plan pédagogique. Pour eux il suffit de claquer des doigts pour que ceux qui ne fréquentent qu'à temps partiel fassent le reste du travail "à la maison"...

Ben non, ça ne fonctionne pas comme ça. Dans toute cette crise la préparation de notre travail d'enseignant est passé par pertes et profits, par un yaka insupportable techniquement. Combien d'heures faut-il pour préparer sa classe ? Et oui, même en temps de crise le travail proposé doit être logique et adapté aux circonstances, ce qui représente une réflexion intense de la part d'un enseignant. De plus il fallait pouvoir le proposer "en ligne"... Si je veux bien croire que dans le secondaire c'est à peu près faisable - et encore, selon les matières...-, en élémentaire cela a représenté un gros boulot d'explication et d'énormes renoncements, et que dire de la maternelle ?

Aujourd'hui on m'y ajoute des groupes de travail qui se succèdent et - la cerise sur le gâteau - qui changent de semaine en semaine avec la valse-hésitation du ministère. J'ai des groupes d'enfants entre trois et six ans qui changent au gré du vent... Vous voulez rester logique avec ça ? Alors je me prends la tête pour ne laisser personne en arrière. La continuité pédagogique ? Non, je n'ai plus vraiment le temps. Le boulot pourrait se faire mais, qu'on m'en excuse, gérer comme Directeur ce que je gère en ce moment tout en préparant le travail de mes Grands et parallèlement le mettre sur le net, ben non désolé... J'ai déjà deux métiers que j'ai du mal à assumer en temps normal, en faire trois est insurmontable.

Entendre là-dessus la porte-parole du gouvernement sortir une fois de plus une ânerie monumentale m'insupporte. Le boulot, c'est moi qui le fais, et j'en bave comme ce n'est pas possible, j'y passe des heures et encore des heures, tout ça pour répondre à l'incompétence évidente d'une administration dépassée. Faites-la taire ! Qu'elle se la boucle une bonne fois pour toute, cette personne est incapable d'ouvrir la bouche sans dire une [...].

Je ne risque pas d'oublier l'année de ma retraite. J'aurai été gâté ! Que de cadeaux ! Mais s'il vous plait, arrêtez de m'en jeter.

mardi 2 juin 2020

Ben voilà ça craque... Témoignages.

Beaucoup de Directrices et Directeurs en arrêt maladie, en dépression, épuisés... Beaucoup de Directrices et Directeurs qui reçoivent des coups de fil désagréables, des courriels incendiaires...

Quelques mots aussi, il faut le dire, de parents dans la mouise mais compréhensifs.

Ce protocole sanitaire nous en fait voir de toutes les couleurs. Alors ça craque, les Directrices et les Directeurs craquent. Logique. Imparable.

Un témoignage, en réaction au billet qui précède celui-ci :

Chers collègues enseignants et directeurs,

Je suis directrice d'école maternelle depuis plus de 10 ans maintenant. Je souhaitais partager mon témoignage sur ces dernières semaines écoulées même si tout ne pourra être écrit tellement la "coupe est pleine". 

J'appréhendais cette reprise mais je me suis lentement décomposée à la lecture du premier jet du protocole sanitaire le samedi 2 mai au soir avant la reprise. A partir de ce moment-là, mes nuits ont été agitées et j'ai perdu l'appétit tellement la boule au ventre était ancrée en moi. Cependant, j'ai fait face malgré les injonctions changeantes de dernières minutes et le tout à faire dans l'urgence sans l'aide dont on avait réellement besoin. Comment par exemple savoir qui est prioritaire ou pas sans liste? Comment faire respecter des mesures de distanciation à des enfants de 3 ou 4 ans? Comment faire classe à des PS et MS sans jeux? Comment prévoir et organiser quand les retours des parents, eux-mêmes face à leurs incertitudes et angoisses, ne peuvent vous répondre? 

Réflexion faite, je ne suis pas sûre d'avoir fait face puisque cela fait 4 semaines que je pleure régulièrement seule dans mon coin tellement je suis épuisée psychologiquement et nerveusement. Effectivement, tout au long de ces semaines, je n'ai cessé de penser à autre chose que mon travail de directrice et d'enseignante du lundi matin au dimanche soir. Je me suis lentement enfoncée.

Malgré mes craintes, la première rentrée des élèves de grande section ne s'est pas si mal passée puisque l'effectif était réduit mais je savais que la suite allait nous réserver de mauvaises surprises.. et je me suis littéralement effondrée lorsque j'ai entendu l'intervention de notre Ministre jeudi 28 mai. Comment allais-je faire pour accueillir plus de jeunes enfants en maintenant ce protocole? Et c'est la panique qui m'a envahie et les larmes qui ne cessaient de couler n'allaient pas solutionner le problème. 

Alors, deux solutions s'offraient à moi : y laisser ma santé ou aller voir mon médecin. C'est mon médecin qui a vu que la souffrance au travail dont j'étais victime ne pouvait continuer. J'ai alors culpabilisé pour mes collègues, les parents d'élèves et mes élèves mais malgré toute cette culpabilité, j'ai accepté cet arrêt. 

Je souhaite par ce courrier alerter l’institution sur le mal-être des tous les directeurs d’école. 

Ayons tous également une pensée pour honorer la mémoire de Christine Renon et Bruno Delbecq dont je ne peux qu'imaginer la souffrance dont ils ont dû être victimes pour en arriver à ce geste d'autodestruction. Qu'ils reposent en paix.

Chers collègues, prenez-soin de vous.

Un autre :

Bravo Pascal pour cette lettre. Elle reflète parfaitement la situation et mon état d esprit.

Et que fait on du distanciel quand on est de retour avec des élèves et plus de décharge.... Double peine.

Et des collègues qui ne reviennent pas pour garder leurs enfants, puis, qui reviennent à mi-temps et s'arrêtent à nouveau . Et des parents qui vous harcèlent par mail jusqu à plus d'heure car ils doivent reprendre le travail impérativement et qui vous disent qu ils sont prioritaires car indispensables à la gestion de leur entreprise.

Je suis épuisée, dépitée, découragée. Aucune considération  de notre institution à part des gentilles phrases d'encouragement aucune reconnaissance de notre investissement personnel par les collègues qui pour certains sont immatures et toujours prompt à la critique. Et la rentrée s'annonce bien compliquée aussi.

Quelle triste fin de carrière pour toi et tous ceux qui partent à la retraite. Merci en tout cas pour ces lettres qui nous rendent moins seuls. 

Un autre encore :

Merci, merci mille fois pour cet édito qui nous permettra de répondre à des demandes légitimes que nous ne pouvons pas satisfaire la mort dans l’âme. 

Comme nous aimerions que notre ministre se taise une bonne fois  pour toutes!!

Pour moi la retraite est à quelques semaines mais comme je plains nos collègues qui devront faire face à la rentrée de septembre. Le mépris de nos dirigeants envers nous n’a d’égal que leur inconséquence. 

Avec toute ma sympathie, je vous renouvelle ma gratitude pour ce courrier explicite. 

Et puis :

Merci d'avoir si bien exprimé cette colère, cette frustration, et cette grande fatigue que nous ressentons.

Un dernier :

Merci pour ce courrier qui est tellement vrai. J’ai passé mon we de pentecôte à expliquer aux parents , la différence entre 100% des écoles et 100% des classes et élèves. Nous n’avions effectivement pas besoin de ça en plus…

Cyrille Largillier a tenu un journal de confinement, en deux parties, et j'attends - hélas - la suite avec crainte :



Pensez à vous...