mercredi 19 décembre 2018

La gadoue du fossé...

Je viens aujourd'hui faire un peu de publicité pour le groupe Facebook du GDiD. Je le trouve intéressant, pourvoyeur d'informations pertinentes, exutoire sans non plus être larmoyant... J'appelle tout un chacun, Directrice ou Directeur d'école ou simplement passionné par le sujet du pilotage de l'école primaire, à demander à y entrer. Une suggestion tout de même : des questions vous sont posées à l'entrée, répondez-y pour exprimer la raison de votre demande, que vous soyez ou non du métier.

J'y ai invité, sans leur demander leur avis, un certain nombre de personnes dont j'apprécie l'engagement ou les compétences. Je vais citer Véronique Decker, qui est à mon sens une personnalité remarquable avec laquelle je ne suis pas souvent d'accord mais pour qui j'ai un profond respect. Je m'en excuse auprès d'elles et eux mais je ne le regrette aucunement. Ce que je ne supporte pas c'est le prosélytisme inaudible et sans écoute, qui m'en a fait exclure deux personnes dont la seule volonté était d'opérer un lobbyisme syndical étroit et vindicatif. Mais je pense profondément que la discussion, même entre sourds, les échanges qui peuvent même être houleux, les explications même douteuses, les craintes et les peurs qui doivent être exprimées, les incompréhensions, les doutes, font un tout.

C'est ce "tout" qui permettra à notre école d'évoluer. Les réticences permettent de se poser la question de la pertinence d'une idée ou d'une envie qui sans garde-fou peut être égoïste. Une interrogation parfois simple peut autoriser une remise en question salutaire. Oui, au GDiD nous avons des convictions. Pour autant nous n'avons pas la science infuse, et croire que nous ne sommes pas inquiets quant à la remise sur le billot de notre métier de Directrice ou Directeur d'école serait illusoire. Quand on ne sait pas de quoi demain sera fait peut-on vivre dans le confort ? Néanmoins nous y sommes déjà tellement peu, que je crois que plus grand-chose ne peut nous impressionner.

Disons-le, nous vivons notre métier aux taquets. Quelle que soit la taille de notre école, nous n'avons pas le temps, ni l'énergie. Et nous avons de moins en moins l'envie, parce que nous sommes vampirisés par nos élèves, nos parents, nos enseignants, nos mairies, notre hiérarchie qui reste hélas souvent d'une noire incompétence (moi j'avoue que j'ai un bol monstre), notre administration...

Tiens, parlons-en de notre administration ! Je veux en profiter tant que cela ne peut m'être reproché si j'en crois l'article 1 du texte pompeux que M. Blanquer veut faire voter par le Parlement. Effectivement notre ministre s'est fendu d'un projet de loi ampoulé "pour l'école de la confiance" plus connu sous le nom de "loi Blanquer", ce nom étant juste là pour rappeler qu'en 2017, dans la foulée de l'élection d'Emmanuel Macron à la Présidence de la République, Jean-Michel Blanquer nouveau ministre de l'Education nationale assurait que « l'école n'a pas besoin, à chaque alternance politique, d'une nouvelle loi. Elle peut se gouverner autrement. Il n'y aura pas de loi Blanquer, j'en serai fier. » Pu[...] qu'est-ce qu'on se marre ! Comme quoi tout un chacun, même un ministre et surtout un ministre aurait tout intérêt à se taire quand il évoque l'avenir. Comme quoi également le syndrome de l'éducation nationale - ministère auquel désormais je n'accorderai parcimonieusement que des minuscules tant il est minable - frappe systématiquement. Il semble ne pas y avoir ni vaccin ni remède.

Cet article 1 fait l'objet de quelques propos journalistiques assez réjouissants. Je rends grâce à Philippe Watrelot de sa veille médiatique ! Il faut bien dire que je n'imaginais pas qu'en 2018 un ministre puisse encore se faire avoir à ce point-là de croire que personne ne lira avec attention ce que son cabinet pond.

Je cite "Marianne" :

"...
Présenté le 5 décembre en conseil des ministres, ce projet de loi, nommé "pour l'école de la confiance" mais plus connu sous le nom de "loi Blanquer", doit prochainement être examiné par les parlementaires. Pour le président de la République, Emmanuel Macron, cette "réforme importante" de l'école "est le fondement même de la politique de justice sociale". Au programme : scolarité obligatoire dès l'âge de 3 ans, création d'un nouvel organisme d'évaluation des politiques éducatives… et muselage des professeurs trop bavards sur les réseaux sociaux ? L'article 1 le fait redouter.

Dans un premier temps, celui-ci insiste sur la nécessaire "exemplarité" du personnel éducatif avant de demander l'insertion, dans le Code de l'éducation, de l'article suivant : "Par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation". Anodin ? Pas vraiment, à en croire l'étude d'impact commandée par le gouvernement.

Cette étude, établie à l'intention des parlementaires et dont le but est de clarifier les objectifs du texte, précise que l'introduction de la notion de "lien de confiance" pourrait en effet se retourner contre certains professeurs. "Si cette confiance trouve pour l’essentiel son origine dans la capacité de l’Etat à répondre, par la politique publique qu’il conduit en matière éducative, aux attentes des citoyens, elle reste intimement liée aux comportements de l’ensemble des membres de la communauté éducative", précise ainsi le texte, avant d'indiquer : "Les dispositions de la présente mesure pourront ainsi être invoquées dans le cadre d’affaires disciplinaires concernant des personnels de l’Education nationale s’étant rendus coupables de faits portant atteinte à la réputation du service public". Quelques exemples sont ensuite cités : pourront être concernés par cette disposition les propos "mensongers", "diffamatoires" contre "leurs collègues" ou "l'institution scolaire", "notamment par le biais de publications sur les réseaux sociaux".

Dès lors, une question se pose : pour un professeur, le fait de rapporter des situations telles que celles rendues publiques via le hashtag #PasDeVague, pourra-t-il désormais tomber sous le coup de cet article ? Une énorme majorité de ces publications dénonçait en effet l'attitude de l'inspection d'académie ou des rectorats, autrement dit : l'institution. Chez les syndicats enseignants, cet article du projet de loi suscite l'inquiétude.
..."

Le ministère bien entendu se défend de telles intentions. Disons-le clairement : il nous prend pour des [...]. Je rappelle utilement sur ce propos qu'un quelconque "devoir de réserve" n'existe pas dans la fonction publique quand on n'est pas fonctionnaire d'autorité, et que le "devoir de discrétion" qui en revanche est le nôtre sera certainement respecté par essence par chacun d'entre nous si on a un minimum de cervelle et surtout de respect pour les familles, pour nos adjoints, pour notre hiérarchie qui n'est pas forcément toujours à la fête. Tous nos problèmes ne sont pas destinés à être partagés en place publique.

Du coup, comme cette "école de la confiance" ne sera plus bientôt si nous laissons faire qu'une école de la défiance, j'en profite pour exprimer ici avec je l'admets une certaine rage ce que je pense d'un certain nombre de choses, et avec un vocabulaire clair et des mots peut-être vulgaires mais fortement démonstratifs de ce que je pense. Peut-être dans quelques mois devrai-je avec humilité censurer mon expression ? Si c'est ce que veut notre ministre... Non, rassurez-vous, je blague, euuuuh. J'ai connu la censure il y a dix ans quand sur un blog personnel j'avais osé qualifier le ministre d'alors, un Xavier Darcos qui à mes yeux reste le pire personnage que nous ayons pu connaître à la tête du ministère (vous vous souvenez des "couches" en maternelle ? ), de ce qu'il était, soit expulsé de la mairie de Périgueux. Aaaah ça n'avait pas plu, et j'avais été reçu à l'époque par un IA-adjoint que je remercie encore aujourd'hui pour sa bonhommie et son humour, assisté par un IEN empli d'esprit qui fut un vrai soutien. Je reste persuadé qu'ils étaient en plein accord avec ce que j'avais écrit, qu'ils ne me l'ont pas dit - responsabilité admise -.

Le GDiD ne se taira pas. Faut pas déconner. Et c'est bien pourquoi en plus de toute fierté personnelle je signe mes billets.

J'aurais deux trucs à ajouter. D'une part le déni pécuniaire dans lequel nous sommes laissés au moment où tout le monde est primé comme un beau bovidé. En dépit des listes ahurissantes que le ministère livre à nos députés pour exprimer comme nous sommes bien lotis, nous restons rémunérés à coup de lance-pierre, à cent coudées de nos collègues des autres pays de l'OCDE. Nous sommes de bons cons. La classe exceptionnelle ? J'en fais partie, l'âge oblige. Mais justement 95% de mes collègues Directrices et Directeurs n'y sont pas. Alors le PPCR c'est très bien, mais quand on laisse tout le monde dans la gadoue du fossé... et puis euh... financièrement, cette classe "exceptionnelle" reste fort loin des standards de l'OCDE.

Et puis notre boulot : les listes précédemment citées expriment tout le bien que l'administration nous  a octroyé en informatisant le système. Quand ça marche, pourquoi pas. Mais ça consiste surtout clairement à nous assujettir un peu plus avec des trucs qui merdent SYSTÉMATIQUEMENT et qui enflent au fil du temps comme un gras fonctionnaire de la DGESCO. La Directrice d'école, le Directeur, sont des Holstein bonnes à traire jusqu'à en crever.

Le ministre a convoqué ses DASEN hier... Il a parlé de nous. Ce qui s'est dit ne transpirera pas, nos Directeurs Académiques ne voudraient surtout pas jouer les cygnes noirs de la pyramide institutionnelle éducative. Mais pourquoi je n'ai aucune confiance ? Jusqu'à présent M. Blanquer, s'il nous fait désormais la grâce de ne plus se répandre dans les magazines people comme il nous l'a fait jusqu'à la nausée, n'a pour autant pas plus fait preuve d'une quelconque compétence ni de son esprit d'à-propos. Le bilan de M. Blanquer depuis un an et demi ? Le néant, zéro, niente, nada... On ne peut pas rénover ce qu'on ne connait pas, et malheureusement pour moi l'impression globale est que ce ministre qu'on nous a présenté en 2017 comme un "professionnel" n'est en fait qu'un mirage. Pour ne pas écrire une illusion.



Pour résumer aujourd'hui, avec le stress que je vis quotidiennement dans ma toute petite école, avec mes trente gosses excités et malheureusement pas tous au top - et je veux absolument TOUS les accompagner -, avec mon plein-temps en classe, je n'ai plus envie de m'amuser avec des déclarations ronflantes, avec des idées toutes faites, avec une administration qui aujourd'hui clairement limite mon action de Directeur et la sclérose. La confiance ? Non, elle n'est plus là, alors que la question de la direction d'école va se jouer dans les mois qui viennent. Je fais confiance dans les syndicats qui nous sont alliés, mais aussi dans ceux ceux qui ne le sont pas pour nous épargner des âneries, parce que pour le coup je ne fais aucune confiance au ministre pour comprendre nos besoins ni nos désirs d'une gouvernance libérée des contraintes. Nom de nom, ce métier nous le faisons pour nos élèves, pas pour nous-mêmes ou pour un quelconque besoin de pouvoir - comme certains syndicats aimeraient le croire, qu'ils se réveillent merde ! -.

Joyeux Noël ? Oui, nous vous souhaitons de bonnes fêtes, avec votre famille, vos amis... Surtout reposez-vous, comme je vais essayer de me reposer moi. Et puis dormez bien, je n'ai pas fait une vraie bonne nuit reposante sans stress ni réveil précoce depuis des mois...

samedi 15 décembre 2018

Chauds, chauds les marrons ! Chauds !

"...
Dans le cadre de l'agenda social 2019, un changement du statut du directeur d'école est à l'étude. Les solutions qui en résulteront, notamment après des discussions avec les collectivités locales, ne seront pas uniformes ni plaquées de la même manière sur tout le territoire."

Ce n'est pas moi qui l'écris, c'est le ministère après beaucoup de blabla dans une réponse à un député au Journal Officiel !

Il y a des choses agréables à lire, parfois... Il suffit de peu de mots. Mais les discussions risquent d'être chaudes, entre syndicats réfractaires et syndicats progressistes, selon les idées qui seront exposées par M. le Ministre et son cabinet. Espérons que ce sera l'année - enfin ! - du changement de statut pour les Directrices et Directeurs d'école, épuisés en cette fin d'année. Alors... Joyeux Noël ! Passez de bonnes fêtes, et espérons ensemble en l'avenir.



dimanche 9 décembre 2018

Et maintenant ?

"... De Saint-Loup, mon père fit un bond de comète : car franchissant d'un seul coup les faubourgs, il fut nommé - à sa grande surprise - instituteur titulaire à l'école du chemin des Chartreux, la plus grande école communale de Marseille.
Elle était gouvernée par un « directeur sans classe », qui était une sorte de proviseur. Il pouvait aller voir M. l'inspecteur d'Académie sans la moindre convocation, il était membre du jury du brevet élémentaire et même parfois, du brevet supérieur !
D'ailleurs, le concierge avait dit devant moi, à mon père charmé, que les douze instituteurs des Chartreux étaient « l'élite des maîtres », et qu'au bout de quatre ou cinq ans de service, ceux qui le désiraient étaient immédiatement nommés directeurs,et souvent à Marseille même.
Cette déclaration du concierge de l'école du chemin des Chartreux fut souvent citée dans la famille, et ma mère - qui en était toute glorieuse - la répéta devant Mme Mercier et Mlle Guimard, en ajoutant qu'après tout, ce concierge exagérait peut-être un peu : mais elle n'avait pas l'air de le croire.
Elle était toujours pâle et frêle, mais heureuse, entre son Joseph, ses deux garçons, et sa machine à coudre toute neuve. ..."

Je me replonge souvent dans ce merveilleux livre qu'est "La gloire de mon père", de Marcel Pagnol, que j'ai la chance de posséder dans l'édition Pastorelly de 1957 - imprimée à Monaco ! -. Ce récit a fait beaucoup dans mon enfance pour me conforter dans mon idée qu'instituteur était un métier noble : quel plus bel apostolat pouvais-je imaginer que celui d'éduquer de jeunes esprits ? J'étais comme "ces maîtres d'autrefois. Ils avaient une foi totale dans la beauté dans la beauté de leur mission, une confiance radieuse dans l'avenir de la race humaine."

Aujourd'hui encore je crois fermement que mon métier est un métier magnifique. Il est certes souvent difficile, en maternelle, d'accueillir des petits sauvages égocentriques pour en faire des enfants joyeux et curieux d'apprendre. Cela réclame beaucoup d'énergie et parfois même de l'abnégation, cela provoque beaucoup de fatigue, avec l'âge et les changements de mentalité cela me parait de plus en plus compliqué, mais ça fonctionne. Combien en ai-je vu quitter ma classe, quitter l'école, prêts à découvrir les beautés de la lecture quand ils n'étaient pas déjà lecteurs ? J'y crois encore, j'y crois toujours.

Sauf que nous ne sommes plus en 1886. Le "modèle" scolaire de cette époque n'a quasiment pas évolué, alors que deux grandes guerres et beaucoup d'autres massacres, comme 130 années, ont changé nos façons de penser, nos besoins, nos désirs, nos envies, notre mode vie surtout. Je vois des professeurs de tous niveaux se demander si le modèle professoral face à l'élève est encore pertinent alors qu'il ne l'est plus depuis si longtemps - s'il l'a été un jour -. On nous suggère avec raison d'imaginer d'autres fonctionnements, de partager notre savoir plutôt que le délivrer, de faire évoluer la répartition de nos élèves au sein de groupes de diverses formes et peut-être éphémères...

Puisque nos méthodes d'enseignement doivent changer, car nous voulons le meilleur pour nos élèves, pourquoi la structure de l'école devrait-elle rester immuable ?

La création des CEG en 1959, des CES en 1963, puis leur évolution, furent des étapes nécessaires à une scolarisation poussée et une meilleure formation pour les enfants de notre pays. Aujourd'hui la France n'a pas à rougir de son taux de bacheliers ni de son enseignement.


Les efforts accomplis dans l'éducation après le primaire ont porté leurs fruits. Cela signifie-t-il que l'école maternelle et l'école élémentaire sont efficaces ? On pourrait le croire puisque certains réclament que rien n'y change. Pour autant nous savons bien que ce n'est pas la vérité. Dès l'école maternelle nous percevons que certains de nos élèves, malgré nos efforts ininterrompus, seront en difficulté dans leurs études. Nous essayons de leur donner le maximum de ce que nous pouvons, mais la structure de nos écoles, avec leurs classes et leurs enseignants intangibles, avec leurs effectifs pléthoriques, ne nous permet pas toujours d'offrir à chaque enfant ce qu'il devrait recevoir pour réussir.

Certes des efforts sont faits, comme récemment le dédoublement des classes des CP dans certains secteurs; mais cela au détriment d'un jeune dispositif - le "plus de maîtres que de classes" - qui n'a jamais été évalué et qui autorisait les Directeurs d'école à mettre des enseignants en sureffectif ou à dédoubler des groupes en fonction des besoins éducatifs.

Pourquoi je cite ce dispositif ? Parce que pour la première fois on reconnaissait au Directeur d'école sa responsabilité pédagogique comme son rôle de pilotage, et on lui en donnait une partie des moyens. Parce que si notre métier de Directeur d'école est aujourd'hui avec le référentiel-métier pleinement reconnu comme un métier à part entière, nous n'avons pas  plus de moyens pour l'exercer ! Nos locaux sont contraints par les communes qui en sont propriétaires et gestionnaires, nos crédits de fonctionnement ou de projets sont contraints par ces mêmes communes qui n'ont pas toutes l'envergure financière qui serait parfois nécessaire, nos répartitions sont contraintes par un nombre imposant d'élèves que nous ne pouvons que dispatcher du moins mal qu'il nous est possible, les enseignants que nous gérons n'acceptent pas si facilement de changer de niveau ou de groupe ou de lieu d'enseignement... Là où nous devrions "impulser" ou "animer", nous ne pouvons la plupart du temps qu'administrer l"indispensable ou l'urgent. Notre latitude est dérisoire. D'autant que 80% d'entre nous sommes en charge de classe...

Et cela ne devrait pas changer ? "Noli me tangere." nous assènent de nombreux syndicats à longueur de temps. Cette dimension christique donnée à l'école ne peut pas convenir, nous ne pouvons plus nous en satisfaire ou nous en contenter. C'est la réussite de nos élèves qui est en jeu. L'école DOIT changer.

Mon tempérament optimiste me laissait imaginer lors de ces dernières élections professionnelles un vaste élan philosophique, une démarche volontaire et joyeuse portant au pinacle nos alliés syndicaux. Ce ne fut pas le cas. Chacun aujourd'hui proclame sa victoire, et le nombre d'instances est tel dans l'éducation nationale que certainement chacun a raison. Les résultats sont difficiles à lire. Alors untel progresse localement dans ce département, celui-ci gagne un siège dans son académie pour telle branche professionnelle mais en perd un autre ailleurs...

Concrètement rien n'a été vraiment bousculé, semble-t-il. Et surtout au CTMEN où chacun conforte sa place.


Pourquoi ces résultats du Comité Technique Ministériel me gênent-ils ? Parce que si je ne m'abuse ce sont bien ses élus qui discuteront le bout de gras avec le ministère lors des rendez-vous de l'agenda social dont je vous rappelle que la question de la Direction d'école fait partie. Si nos camarades du SE et du SGEN comptent à eux deux 5 sièges, la FSU à elle seule seule en compte 6. Je ne compte guère sur la CGT pour soutenir les revendications du GDiD. Que fera FO ? Ils peuvent parfois nous surprendre même si leurs plus récentes déclarations laissent peu d'espoir. Le SNE ? Peut-être, sauf que le siège est partagé avec le SNALC qui certes veut un statut pour les Directeurs d'école mais est nettement plus réticent pour changer le statut de l'école elle-même.

Alors... et maintenant ?

On peut supposer que le ministre, emporté par son élan, va faire des propositions sans tenir aucunement compte de celles de ses interlocuteurs. On sait la propension de M. Blanquer de n'en faire qu'à sa tête, et les divisions syndicales lui laissent pour cela un boulevard si large que jusqu'à présent il a fait ce qu'il voulait quand il le voulait. Les propositions du ministre iront-elles dans notre sens ? C'est possible, mais je crains néanmoins qu'il en fasse trop, ou qu'il aille inventer des incongruités mortifères - je suis très suspicieux par exemple des rapports avec le collège, ou de sa vision de l'école maternelle -. Nous pouvons espérer d'abord que la vision que nous avons tous de l'école au service de chaque élève ne sera pas trop bousculée. Nous pouvons espérer que les syndicats représentatifs sauront défendre l'âme de nos métiers. Nous pouvons imaginer un changement de notre métier de Directrice et Directeur d'école et espérer qu'il corresponde à la vision que nous en avons. Croiser les doigts ? Je ne suis pas superstitieux. Mais continuer insister persister oui ! Cent fois, mille fois oui.

Pascal Oudot

PS : je suis navré de le redire, mais nous avons besoin de sous. Beaucoup d'entre vous ont adhéré pour l'année scolaire 2018-2019, je vous en remercie infiniment. Alors que pouvez-vous faire de plus ? Cela correspond en fait totalement à la mission que vous vous êtes donnée en adhérant à l'association : faites-nous connaître, parlez du GDiD autour de vous, envoyez un courriel à vos collègues... Plus nous serons nombreux plus nous serons forts. Et peut-être certains accepteront-ils de nous donner 20 euros qui nous permettront de continuer  à bosser pour eux, pour vous, pour nous, pour nous tous. Merci d'avance pour votre investissement en temps et en énergie !

mercredi 5 décembre 2018

Chaud effroi...

Je découvre ce matin une réponse du ministère à la question d'un député quant à notre travail, oui vous savez votre double casquette d'enseignant et de Directeur d'école, qui vous fait tant suer, vous épuise, et vous contraint à sautiller d'un métier à l'autre au détriment des deux parce que je ne connais personne capable d'assumer pleinement deux fonctions simultanées. Qui osera me dire en face, à part un syndicaliste borné d'une centrale béate et confite dans la dévotion d'un passé communiste mal digéré, qu'accepter un coup de téléphone en plein cours ne se fait pas au détriment du travail de classe ? Qui osera me dire en face que se faire engueuler parce qu'on n'est RIEN est socialement responsable et humaniste ? Je suis un enseignant comme les autres, moi ? Wouaaah, blagueur !

La question était bateau ("situation difficile", gna gna gna) mais avait le mérite d'avoir été posée, manifestement par un député sympathique mais sans idée de projet. La réponse en revanche... Les bras m'en tombent, et si ça ne vous est jamais arrivé je peux vous assurer que ça fait mal et qu'en plus c'est dégueulasse parce qu'après il faut nettoyer par-terre avec la serpillière et puis frotter. En plus sans bras c'est compliqué, essayez de brosser avec vos dents pour voir...

Blague à part, après une liste balzacienne des bienfaits ministériels envers les Directeurs d'école depuis trois lustres - à vomir de suffisance -, on arrive à deux petites phrases minables... ou pas : "Dans ces conditions, il n'est pas envisagé ce jour de créer un statut de personnel de direction pour les professeurs des écoles assumant cette mission. Le ministère poursuit sa réflexion pour accompagner ces personnels et simplifier l'exercice de leurs missions."

On est dans "50 nuances de Grey" ? Je sais depuis vingt ans qu'être Directeur d'école requière par essence une certaine dose de masochisme - avouez-le, vous aimez qu'on vous fasse mal -, mais de là à me faire "accompagner" (on sait ce que ça donne sur le terrain, ah ah ah !) ou regarder benoîtement "simplifier" mon travail (ah ah ah aussi, quelle poilade !) par une administration qui ne sait que compliquer tout ce qu'elle est sensée faciliter... Bref, circulez, y'a rien à voir.

Admettez qu'avant la "réflexion" que va s'imposer sans conviction en janvier un ministre perché sur son Olympe fort éloigné des réalités des réflexions parentales pourries qu'on m'impose chaque matin, ça la fout mal. Ce que je veux exprimer, c'est que j'attendais un peu un petit quelque chose pas grand-chose mais on peut espérer, et que maintenant j'attends encore moins.

Sauf...

Vous avez voté pour les élections professionnelles ? C'est bien. Parce que ce seront nos responsables syndicaux qui seront conviés à la "table des négociations" (je mets des guillemets parce qu'il n'y a pas grand-chose à bouffer sinon souvent des couleuvres). Moi quand je vois dans les professions de foi que certains syndicats EXIGENT que les Directrices et Directeurs d'école restent "des enseignants comme les autres", ben ça me fait vomir. Vous faites ce que vous voulez, hein. Si vous aimez vous faire taper sur la gueule, si ça vous fait bander, n'hésitez pas et votez SNU ou FO ou SNALC ou SUD ou CGT, vous aurez ce que vous voulez soit une bonne branlée à chacune de vos prochaines rentrées.

Maintenant, nous vous avons écrit ce que nous pensions et les noms des syndicats qui ont une vision similaire ou parallèle à la nôtre : SGEN, SE, SNE, CFTC. Il y a des nuances mais au moins ces gens-là ne veulent pas du statu quo et savent qu'il est impossible d'obtenir un statut pour 50000 dirlos. Y croire encore comme le SNALC, ou plutôt faire semblant d'y croire, c'est vouloir enfoncer un peu plus profond les Directeurs dans leur merde déjà bien noire et puante. Pire, je ne crois pas une seconde qu'ils soient dupes de leur propre bêtise. Il y a là-dedans des intérêts que je préfère ne pas creuser tant ils me débectent.

Nous sommes à la veille de la fin des élections. Faites ce que vous voulez. Mais SURTOUT, ne venez pas dire que le GDiD ne vous aura pas prévenu. Et si vous votez pour des andouilles ne venez pas vous plaindre, du moins pas auprès de moi parce que je saurai vous recevoir.


samedi 1 décembre 2018

VOTONS ! On saura faire les additions.

Je n’arrive plus à entendre sereinement les mêmes pseudo-arguments avancés par ceux qui rejettent un statut pour les Directrices et Directeurs. De ceux qui disent s’opposer à la caporalisation de l’école, alors qu’ils la maintiennent de fait sous le joug des circos, en passant par ceux qui, avec une certaine morgue, prétendent que ce n’est pas de cela dont on a « besoin » parce que « leur équipe » fonctionne super bien (2% d’autonomie, tu parles !) et jusqu’à ceux qui, à court, nous prédisent l’apocalypse si...

20 ans qu’ils rabâchent qu’avec « plus de… » on règle la chose, 20 ans qu’on donne « plus de… », 20 ans que ça ne suffit pas et 20 ans que notre situation professionnelle se dégrade. Pourtant, tous les rapports et enquêtes qui s’entassent depuis 20 ans vont dans le sens d’une reconnaissance statutaire.C’est une évidence que de commencer par cadrer ce que l’on est pour savoir de quoi on a besoin.

Mais qu’importe, ayant fait de la conservation leur religion, ceux-là ignorent les évolutions sociétales, le déclassement professionnel et la souffrance au travail. Leur credo, « tous pareils et tout ira mieux », ne sert qu’à conforter des bastions électoraux quitte pour cela à cacher sous le tapis le mal-être d’une poignée de « tous-pareils ». Nous ne sommes pas nombreux, on peut nous sacrifier, effacer notre nom au profit de « la direction ». Des Directrices et Directeurs tentent de se faire entendre ? Ils seront stigmatisés comme des petits quelque-choses, des apprentis autres choses… 20 ans que cela dure !

Je comprends qu’à une époque où l’Instit était estimé, que le Directeur tenait une place identifié dans le tissu social et le 1er degré, une époque sans téléphone… portable, sans internet, une époque sans PPMS, où les notes de services étaient tapées à la machine sur des « pelures »…, je comprends qu’alors le « statut » n’était pas nécessaire tant le « contrat » social entre l’école et la société était clair et cohérent. De plus, en ce temps-là, point de travail d’équipe, le curseur était placé sur la classe.

Mais voilà, la société évolue, de plus en plus vite, on parle même de mutation, tandis que l’école, chargée d’en former les citoyens, reste bloquée sur un fonctionnement qui a plus d’un siècle !

Hier, je lisais les chiffres de la redistribution en France. De la santé, de la défense, de la protection sociale… seule l’Éducation n’avait pas l’efficacité attendue rapportée à sa part du PIB. Budgétairement, nous sommes au-dessus de la moyenne de l’OCDE alors que nous sommes dans les derniers quand on compare les résultats scolaires. C’est factuel. Pour améliorer le système le seul levier budgétaire ne suffit pas. J’ai même le sentiment qu’il favorise la bureaucratie au détriment du terrain.

L’élément central du bocage en ce qui nous concerne c’est la question du « supérieur hiérarchique ». Comme cette question n’est abordée que de façon idéologique elle ne produit que du clivage. Il faut avoir une drôle de conception des choses organisées pour penser que le rêve d’un directeur d’école soit de devenir un dictateur d’école…

Revendiquer un statut c’est vouloir ajuster la protection au métier exercé en perte de sens. Le statut définit le cadre dans lequel le professionnel agit et la fonction d’un cadre c’est de borner, de limiter… de protéger. Qui peut prétendre aujourd’hui que les directrices et directeurs d’école ont un cadre suffisant leur permettant d’assumer les missions que l’Institution leur confie ?

Il suffit de comparer le référentiel métier (les missions confiées) à notre quotidien pour constater qu’en l’absence de cadre (statut) l’administration (et non pas l’Institution) nous détourne de nos missions en les faisant remonter vers le haut (IEN). La directrice ou le directeur d’école n’est pas un secrétaire de la circonscription, ni le messager du DASEN. Notre boulot ne consiste pas à passer notre temps à faire de la saisie, remplir des tableaux à cases, distribuer du courrier papier ou mails…

Notre boulot c’est diriger une école, piloter une équipe!

La question centrale c’est de savoir si pour remplir ses missions, l’école doit se rapprocher de son public ou s’en éloigner ? Faut-il, (re)conquérir de l’autonomie afin d’adapter et pouvoir répondre localement ou faut-il se reculer et n’être que des exécutants (ce qui est une forme de protection)?
De la réponse donnée on pourra s’interroger sur la pertinence hiérarchique. La notion de supérieur hiérarchique est une conséquence pas un objectif.

• Soit on choisit le rattachement au collège ou à la circo. voire à la Mairie – dans ce cas, objectivement, il faut retirer le texte de 89, transférer les responsabilités au niveau supérieur et garder dans les écoles satellites des référents, des relais, charger de « faire passer » du haut vers le bas. Pour ceux-la on peut revendiquer des moyens : une décharge pour les innombrables saisies …

• Soit on choisit de conforter le local, ce qui est encore l’ADN du 1er degré – dans ce cas le statut du directeur confirmera le décret de 89 en lui attribuant clairement l’autorité que confère la présidence des conseils, la responsabilité de l’organisation des services, de la sécurité… Toutes ces « actions propres » seront clairement nos prérogatives, le cadre de notre leadership. Ni plus ni moins.

Après un retard à l’allumage les bureaux de vote virtuels sont ouverts et nous avons 3 bonnes raisons de voter :

1) Le ministère a affirmé sa volonté de sortir du statu quo d’ici le printemps prochain.

2) 3 syndicats représentatifs défendent la proposition d’un statut :Le SE-UNSA, le SNE, le SGEN-CFDT auquel il faut ajouter la CFTC-éducation… Même si certains projets sont beaucoup plus construits et avancés que d’autres, nous pouvons voter par adhésion afin d’avoir des représentants qui nous défendent aux prochaines négociations.

3) La crainte d’une forte abstention est majeure. Du coup, le vote « Directrices/Directeurs » peut trouver une visibilité « disproportionnée » si… nous nous mobilisons !

Alors … VOTONS ! On saura faire les additions.

Pierre Lombard