Un collègue nous a envoyé ce courrier, et nous a autorisés à le publier. J'en ai enlevé un ou deux détails trop personnels, mais sinon je n'y ai rien changé. Et il exprime très bien le ressenti de la plupart d'entre nous, ou de nous tous, quand il évoque notre lassitude, notre fatigue, l'impuissance et la frustration... Mais je lui laisse la parole:
"...
Bonjour le GDID,
Je renouvelle mon adhésion sans hésitation, et ce depuis que j'occupe la fonction de directeur.
Je suis de ceux qui ont "perdu" leur EVS durant l'été. J'en mesure les conséquences : raide !
Ces dernières années les EVS passées par notre école ont toujours été d'une efficacité exemplaire. La dernière a pu trouver un contrat privé en CDI dès le mois de septembre.
Qui prétend que ces contrats aidés n'aboutissent à rien ? Pour mémoire, leur coût est estimé 3 milliards. Celui du CICE à 24 milliards et sans impact réel sur le taux de chômage...
Je suis également de ceux qui considèrent que leur présence n'est (n'était devrais-je écrire) qu'un pis aller. Ces emplois -qui nous rendaient de grands services- n'existent que parce que notre employeur ne nous donne pas le temps des missions qu'il nous assigne.
Ce temps de décharge qui nous fait défaut est devenu criant, lourd, usant (air connu et maintes fois repris sur votre site). Lors de notre réunion directeurs de début d'année, je m'en suis ouvert à l'IEN. Je lui ai rappelé que notre temps de travail a toujours largement débordé les horaires officiels. Mais qu'avec la disparition programmée des aides à la direction cela devenait critique. Je lui ai notamment demandé ce qui justifiait que mes soirées et mes week-end soient autant accaparés par tout ce que je n'arrivais pas à mener la semaine.
Je lui ai précisé que lors de ces réunions, les directeurs présents autour de la table faisaient "oui" de la tête -nous sommes de bons et sages élèves- mais qu’en coulisse, chacun avouait son impuissance à remplir sa fonction; qu'il s'en dégageait une frustration, une mésestime professionnelle. Que nous sortions de ces réunions toujours dépités, écrasés par la masse de travail qui s’ajoutait invariablement à chaque rentrée. Et aucunement une réunion d'où l'on ressort motivé, enthousiaste, prêt à mobiliser les personnels, les élèves, les partenaires...
Heureusement d'autres collègues ont appuyé mes propos. L'IEN s'est dit conscient de cette charge qui ne fait que croitre, de ce trop plein pour les directeurs mais aussi pour tous les corps qui composent l’EN. A nous de comprendre à demi mots qu'il en est victime également. Je lui ai demandé si la DASEN et ses services avaient idée de ce que leurs inlassables injonctions, enquêtes, mails en tous genres provoquaient dans notre quotidien. Il m’a assuré que oui. J’en doute profondément.
Un exemple ? Une responsable DSDEN Base Elèves m’a appelé cette semaine. Il y avait un conflit entre leurs saisies et les miennes pour certains nouveaux élèves. Dans notre échange, je lui ai glissé que la mise à jour des fiches de renseignements m’a demandé pas loin de 5 heures. « Ah bon, mais votre décharge ne suffit pas pour le faire ? ». Comment lui expliquer que ce temps sert à toute autre chose qu’à être planté devant l’écran ? Que j’ai en charge la sécurité des bâtiments, leur équipement, les commandes, les projets, les AVS, les intervenants, les partenaires, les collègues, les parents, les élèves à besoins particuliers, les finances, l’animation d’une équipe, les mails, les enquêtes, les appels téléphoniques, le courrier (…) en 1 jour 1/3.
Mais passé ce constat ? Quelle suite ? L’IEN n’a rien à proposer…alors cette course sans fin continue.
Nous avons appris à supporter l’insupportable.
Une petite anecdote. J’habite au pied des montagnes qui sont mon terrain de jeu. Il m’arrive de me réjouir d’une mauvaise météo qui me cloue à la maison : je vais pouvoir mettre à jour la classe, l’école… Parce qu’en plus, la direction, ça peut rendre con ! Enfin moi.
Je sais tout ce que le GDID a contribué à faire évoluer pour la fonction. J’en bénéficie (l’accès + rapide à la hors classe; le tiers de décharge ; le référentiel métier, les différents guides administratif…), les discussions en cours avec le nouveau ministère. Mais l’exaspération est bien présente, pressante même.
Je me questionne sur ce qu’il y a lieu de faire pour aller au-delà de la négociation qui dure depuis si longtemps. Comment s’opposer, agir, se défendre pour bousculer cet anachronisme qu’est la direction d’école en 2017. Sur le temps de décharge, sur l’autonomie financière et juridique, sur un statut d’établissement et par ricochet sur celui du directeur… la liste est longue.
J’arrête de vous assommer de mes doléances un dimanche soir. Une tisane « nuit paisible », une Lexomil et au lit.
Bien confraternellement.
XXX