dimanche 6 octobre 2019

Un statu quo qui nous tue...

Je suis écœuré de la façon dont certains utilisent la mort de Christine Renon pour leurs intérêts syndicaux, faisant fi de ce qu'elle a abondamment expliqué dans son triste dernier courrier. Ce que je lis ou entends depuis deux semaines sur les réseaux sociaux ou sur certains médias me trouble profondément, et m'interroge grandement quant à l'honnêteté intellectuelle de ceux qui propagent ces mensonges et approximations. Au détriment d'ailleurs de la moindre logique, ou en faisant semblant de méconnaître le fonctionnement des écoles, ou encore au pire en faisant abstraction du droit du travail. Alors il faut bien que quelqu'un s'y colle, pour rappeler la vérité, pour dénoncer les mensonges...

Si ce n'était un tel drame qui donnait lieu à toutes ces âneries, je pourrais trouver comique de me faire moi-même accuser de l' "exploiter". Comme si depuis quinze ans je ne me débattais pas pour défendre la cause des Directrices et Directeurs d'école, comme si depuis tout ce temps je n'expliquais pas la misère grandissante de nos conditions de travail, comme si depuis vingt ans le GDiD ne martelait pas les mêmes propos. Quand on veut noyer son chien...

Depuis deux semaines donc certains syndicats transforment insidieusement - mais avec une certaines grossièreté tout de même - la question de la Direction d'école en problème général de l'enseignement. Ben non.

" (...) Le travail des directeurs est épuisant, car il y a toujours des petits soucis à régler, ce qui occupe tout notre temps de travail et bien au-delà du temps rémunéré, et à la fin de la journée, on ne sait plus trop ce que l'on a fait.

Pour ma part, j'ai toujours fait pour le mieux pour les élèves, les enseignants, les parents, j'ai essayé de me rendre disponible au maximum pour chacun, toujours répondu positivement à un service que l'on me demandait. (...)

Mais les Directeurs sont seuls ! Seuls pour apprécier les situations, seuls pour traiter la situation car les parents ne veulent pas des réponses différées, tout se passe dans la violence de l'immédiateté. Ils sont particulièrement exposés et on leur en demande de plus en plus sans jamais les protéger.

La semaine après la rentrée, ils sont déjà épuisés.

Le nombre de personnel dans des collèges qui reçoivent le même nombre d'élèves que nos écoles montre le degré de l'exposition et du stress dans les situations tendues quand on est seul.

C'est une honte qu'il y ait des directeurs non déchargés. (...)

La perspective de tous ces petits riens qui occupent à 200 % notre journée. (...) "

Christine Renon nous parle bien de son métier de Directrice d'école, ce sont bien ses limites, ses dangers, ses exigences non reconnues et non soutenues qu'elle dénonce. D'ailleurs le rapprochement qu'elle fait avec le fonctionnement des collèges est fort clair. Comme le rapportait un bon camarade sur le groupe Facebook du GDiD :

« Collège [anonymisé] 298 élèves, 1 chef d'établissement à temps plein, 1 secrétariat, 1 CPE à temps plein, des surveillants, 1 gestionnaire…

École élémentaire [anonymisé; même commune] 304 élèves, 1 directeur chargé de classe à mi-temps et puis rien....

Cherchez l'erreur M le Ministre de l’Éducation Nationale. »

Christine Renon faisait évidemment aussi cette amère comparaison. Alors que me répond-on ? On m'a écrit que "si elle avait gardé son "aide administrative" elle ne se serait pas donné la mort." Peut-être. C'est possible. Je ne peux pas, moi, ni l'assurer ni écrire le contraire. Mais je trouve l'affirmation osée. D'autant plus qu'elle implique que ces "aides administratives" auraient été indispensables, ce que je nie avec force. Je ne doute pas que dans certaines écoles certaines personnes aient pu apporter une aide précieuse, mais ce ne fut certainement pas le cas partout. De mon côté, j'avais un nouveau boulot : j'ai dû former des personnels qui n'avaient aucune idée de ce qu'est une école, j'ai dû leur apprendre à utiliser un ordinateur, j'ai dû systématiquement repasser derrière pour rectifier de nombreuses erreurs... j'en passe et des meilleurs, pour ne pas citer ceux qui sont partis après quelques semaines. Ce que je ne saurais leur reprocher : faire un tel travail sans statut clair ni formation ni salaire un minimum décent, j'ai toujours trouvé ça ahurissant ! Qu'on veuille aujourd'hui me soutenir que c'était un bien me dépasse. A moins que certains enseignants - de "gauche" certainement - trouvent raisonnable d'exploiter leurs semblables.

On me rétorque qu'alors il faut dans les écoles des secrétaires formés et statutaires. Le terme "statut" ne hérisse personne quand on l'évoque pour un personnel administratif, mais fait suffoquer certains quand il s'agit des Directrices et Directeurs d'école... C'est comique. Ceci écrit je suis parfaitement d'accord, je veux bien une ou un secrétaire formé et bénéficiant d'un statut, même partagé avec d'autres collègues. Un statut donc... mais lequel ? L'école n'est pas un établissement, elle ne peut employer personne, ce qui signifie qu'un tel secrétariat ne peut être que sous les ordres d'un IEN, ou d'un établissement du second degré, ou d'une municipalité.

Evidemment je sens que ça coince. L’œil de Moscou n'est pas loin. La tutelle du collège a été mise à mal récemment, c'est pour certains syndicats un casus belli. Les IEN alors ? Aïe aïe aïe, on ne veut pas d'un "petit chef" dans l'école, alors l'idée que les IEN y mettent le pied est inacceptable. La Mairie ? Encore pire ! Curieusement, lorsque je donne cette réponse où je lis cette proposition d'un secrétariat statutaire dans les écoles, la discussion s'arrête aussi sec. Je n'en suis pas vraiment surpris, contrairement au GDiD les syndicats réfractaires n'ont jamais réfléchi à la question. Mais il faut bien se rendre à l'évidence : la seule possibilité pour une école de bénéficier d'un secrétariat serait que l'école devienne un établissement. Mon Dieu, qu'ai-je écrit là ? C'est le projet du GDiD, parce qu'après des années de réflexion nous avons abouti à la conclusion qu'il s'agit de la seule solution raisonnable et pérenne.

Nous en sommes persuadés, avec quelques syndicats alliés, le ministère peut-être aussi. Alors je lis l'excitation des autres qui voient le vent tourner : "au secours, les EPEP reviennent !" et évidemment "les enseignants n'en veulent pas". Il n'est plus question de ce que veulent les premiers concernés, soit les Directrices et Directeurs d'école. Pour certains syndicats nous n'avons pas, nous ne devons pas avoir voix au chapitre. J'imagine que pour ces gens-là nous sommes trop cons pour imaginer correctement ce qui pourrait nous aider à exercer correctement notre métier. Nous autres, Directrices et Directeurs d'école, savons bien pourtant pour qui nous travaillons : nos élèves dont le bien-être à l'école et la réussite nous sont primordiaux, les familles, les enseignants. Je cite encore Christine Renon :

" (...) j'ai toujours fait pour le mieux pour les élèves, les enseignants, les parents, j'ai essayé de me rendre disponible au maximum pour chacun, toujours répondu positivement à un service que l'on me demandait. (...) "

Oui, c'est pour cela que nous travaillons, et c'est pour le faire correctement que nous ne voulons plus d'un statu quo qui nous tue. Adieu Christine, j'aurais bien aimé vous connaître. Je vous rendrai hommage encore une fois lors du premier Conseil d'école de cette nouvelle année scolaire attristée, en proposant à ses membres une minute de silence à votre mémoire. Cela ne vous aidera pas, mais je ne veux pas vous oublier.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonsoir à toutes et tous. Il est 20h10, je prends quelques minutes (car j'ai décidé d'arrêter de travailler le soir à partir de 21h00 et il me reste quelques bricoles à finir) pour vous faire part d'un mail reçu aujourd'hui. Il concerne la saisie des résultats des évaluations CP et CE1 et je n'ai pas changé un seul mot:
"Mesdames et Messieurs les directeurs,

La clôture du portail concernant les saisies des résultats est fixée le 11 octobre prochain.

Il nous reste une semaine pour garantir un traitement exhaustif de l'ensemble des données.
Pour ce faire, il importe de vérifier pour chacune des classes que la barre de progression atteint bien les 100% de résultats saisis considérant deux points de vigilance essentiels :
le portail ne prend en considération que les élèves ayant fait l'objet d'une saisie complète. De fait, AUCUNE CASE NE DOIT ÊTRE VIDE : les items non répondus sont à noter « absent ».
il est également impératif de saisir et valider la totalité des résultats de l'effectif classe énoncé. A ce titre, il est indispensable de signifier les élèves absents pour partie ou pour l'ensemble des épreuves afin d'atteindre les 100% de progression.
La mise à jour de la barre de suivi se fait toutes les 24 heures.

Des incidents de paramétrage du portail même s'ils demeurent à la marge font encore l'objet de signalement à ce jour.
Quelques rappels techniques utiles :
En cas de suppression inopinée d'une classe, un import depuis ONDE intervenant à J+1, permet de réimporter la classe supprimée.
Les synchronisations régulières avec ONDE (à J+1) permettent (à condition que cette dernière ait été mise à jour) de faire apparaitre ou disparaitre un/une élève ayant rejoint ou quitté la classe. Si Onde a été mise à jour, l’élève apparaitra ou n'apparaitra plus dans les effectifs, à J+1, dans le menu « classes ». Cette solution est préférable à l'ajout manuel qui s'opère à l'aide d'identifiants non nominatifs et induisent de fait des restitutions anonymisées.
La FAQ accessible par le lien ci-dessous constitue un outil utile et efficace à l'attention des directeurs et enseignants concernés.

http://dep.adc.education.fr/faq_evaluations/

En vous remerciant de l'attention portée à la pleine réussite de cette phase importante du recueil de ces données qui constitueront le support des exploitations à venir".

N'ayant absolument pas eu le temps de traiter ces précieuses informations en cours de journée (vous savez évidemment de quoi je parle), je ne respecterai pas mes engagements une fois de plus; ce sera plutôt 22h00 ce soir.
Signé: un citron qu'on presse, qui a encore du jus, mais pour combien de temps encore ?