mardi 26 mars 2019

Des questions, quelques réponses, et beaucoup d'interrogations...

Le GDiD a récemment dans son groupe Facebook fait paraître un résumé fort intéressant des interrogations suscitées chez les Directrices et Directeurs d'école par le texte qui leur parait fort sommaire de la "Loi pour l'école de la confiance".

En effet ce texte - pétri de bonnes intentions ? - parait bizarre à de nombreux titres. Pourquoi par exemple y mettre en exergue le devoir d'exemplarité des enseignants ? Une maladresse ? Je n'y crois guère. Un rappel à l'ordre ? Pourquoi ? Je ne vois pas ce que veut exprimer cet article 1er extrêmement flou qui certes marque le nécessaire respect dû à l'école, mais dont le préambule "par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance" est inutile et forcément belliqueux pour des professions malmenées, tiraillées, qui se sentent gratuitement menacées alors que leur conscience professionnelle ne fait l'objet d'aucun doute... sauf pour le ministre ?

Alors évidemment le geste fatal d'un collègue, qui a mis fin récemment à ses jours, prend une autre dimension. Le doute instillé depuis plusieurs décennies par de nombreux politiques malveillants quant à l'honnêteté des enseignants ou leur honneur professionnel montre aujourd'hui encore ses effets désastreux. La remise en cause absurde de cet homme, alors qu'il était à l'aube de la retraite après quarante années d'abnégation et de don de soi, ne peut forcément que nous interpeller tous tant cette épée de Damoclès nous menace. Car la bêtise et la malveillance, nous les côtoyons tous les jours. La bienveillance aussi, mais elle ne pèse pas lourd dans la balance. Qui d'entre nous n'aurait voulu pouvoir aider Jean ? Mais son désespoir du constat que ni sa carrière, ni sa bonne foi, ni son investissement ne valaient grand chose face à la méchanceté et la facilité d'accuser autrui de ses propres défaillances, l'ont amené à une réaction exacerbée qui laisse aujourd'hui une famille éplorée qui ne s'en remettra jamais, ses amis, ses élèves et leurs familles, des élus et ses collègues, dans un chagrin sans fond. Très chers consœurs et confrères d'Eaubonne, nous pensons tous très fort à vous.



C'est d'un épuisement généralisé qu'il faut parler. Nous faisons tous nos métiers, enseignants comme Directeurs d'école, du mieux que nous pouvons. Sauf que nous ne pouvons pas. Nous ne pouvons plus. Je sais malheureusement de quoi je parle après deux mois d'une interruption involontaire. Craquer, je sais ce que ça veut dire, ça vous tombe dessus, vous ne maîtrisez plus rien, vous pleurez parce que vous avez fait tomber trois gouttes d'eau de votre verre... Si vous croyez être seule ou seul dans votre fatigue ou vos doutes, balayez tout de suite cette impression : nous autres enseignants au bout du rouleau pourrions faire un tour du monde en nous tenant la main. Ce qui me désespère là-dedans c'est surtout l'absurdité de ce constat. Parce que nous exerçons des métiers magnifiques ! Au-delà d'un surmenage inhérent, comment en est-on arrivé à une telle négation de la beauté de la mission la plus humaine d'apprendre aux générations qui nous succéderont ? Je n'ai aucune réponse. Sinon celle de la malveillance organisée.

Pour lors quand notre ministre nous propose un nouveau texte de loi dans lequel le mot "confiance" est exacerbé, nous nous posons forcément des questions. Le pire, c'est que lorsque nous lisons ce texte sans "a priori" nous n'en avons pas forcément une idée négative. Ce sont en particulier les intentions qui nous bouleversent parce que nous n'en savons rien. Le ministre voudrait se débarrasser des Directeurs d'école ? Je le crois d'autant moins qu'il ne peut ignorer l'importance de notre rôle. Mais ne pourrait-il pas nous le dire ? Au lieu de multiplier à l'envi depuis deux ans des entretiens avec le moindre magazine ou quotidien sans lecteur, au lieu de flatter le pékin moyen convaincu de savoir comment le système doit fonctionner, ne pourrait-il pas s'adresser à ses subordonnés ? Est-il donc si compliqué pour le ministre, en dehors de vœux de nouvel an dont nous n'avons rien à taper, de communiquer avec ses enseignants, ses Directrices et Directeurs d'école ? Pourquoi depuis sa nomination M. Blanquer refuse-t-il même de répondre aux courriers du GDiD ? On pue de la gueule ? Question confiance, merci, on peut difficilement faire pire. Jamais depuis vingt ans nous n'avions été à ce point ignorés voire méprisés, comme d'ailleurs les corps intermédiaires primordiaux que sont les syndicats. Si ça devrait me rassurer quant à la bienveillance de mon ministre de tutelle, c'est raté. Question comm', degré zéro : "Moi Monsieur je gouverne un million de fonctionnaires qui m'indiffèrent." J'imagine facilement que le ministère rémunère à prix d'or quelques "conseillers en communication" qui ne feront surtout jamais lire ce billet au ministre ni aux membres de son cabinet. C'est dommage, mais d'un autre côté cela me confère une certaine et comique impunité pour appuyer là où ça fait mal, même si m'en passerais volontiers. Je préférerais tresser des louanges, exprimer ma reconnaissance, et mieux vivre mes métiers. Mais il n'est pire sourd...

Donc les questions sont nombreuses. La création des "établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux" ne laisse aucun enseignant du primaire indifférent, tant par son imprécision elle laisse d'incertitude et d'obscurité quant à la gouvernance de l'école qui est le cœur vibrant de notre fonction. Après un appel à questions sur son groupe Facebook, le GDiD présente d'accablantes interrogations dont certaines transpirent une angoisse compréhensible. Mais je peux apporter un certain nombre de réponses, préciser ou compléter la controverse.


  • Y aura-t-il un nombre minimum, moyen ou maximum de classes pour la création d’un EPSF ? 7 classes, 10 classes, 14 classes, 20 classes ?
  • Si les élèves d’une école peuvent aller dans plusieurs collèges, L’EPSF est il envisageable ?
  • La fusion maternelle élémentaire en école primaire sera-t-elle obligatoire pour aller vers l'EPSF ?
  • La communauté éducative (directeur, conseil d’école) sera-t-elle associée à la création d’un EPSF ? Avec un avis consultatif ou décisif ?

1) La Loi ne précise rien quant au nombre d'écoles ou de classes concernées par la création d'un EPSF. Cela dépendra uniquement des choix opérés par les communes concernées et le rectorat dans le cadre de leur convention. A moins d'une précision dans les décrets d'application, c'est la porte ouverte à toutes les possibilités y compris les pires. Encore faudra-t-il que le collège de rattachement soit capable d'absorber autant de responsabilités soudaines. On peut donc s'attendre selon les régions à des établissements sympathiques comme à des monstres. La précision des décrets est forcément primordiale. Mais je crains fort que cela reste "à l'appréciation des recteurs" dont il n'est pas certain qu'ils seront tous conscients des enjeux.

2) Ce ne sont pas les élèves qui sont attachés à un EPSF, mais les classes. Il feront leur scolarité dans le cadre de l'établissement attaché à leur commune mais devraient pouvoir partir en 6ème dans le collège de leur choix. Cela demande évidemment à être inscrit clairement.

3) A partir du moment où une petite commune voudra passer une convention avec le collège, il est imaginable qu'elle souhaitera y inclure toutes ses écoles. Ce qui n'exclut pas la nécessité d'un interlocuteur sur chaque site. Dans le cas d'une métropole la question se pose différemment : écoles d'un secteur géographique, oui c'est dans le texte - ça se change, un secteur -, mais écoles élémentaires seulement ?

4) La "communauté éducative" ne sera certainement consultée que dans le cadre des petites communes, il est difficile d'imaginer un Conseil municipal aller à l'encontre des désirs des administrés. Mais ça s'est vu ! Dans une grande ville il serait étonnant qu'on demande l'avis des familles ou des Conseils d'école, sauf démagogiquement, et ce ne pourrait être que consultatif dans la mesure où la loi est claire : "Après avis de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, ces établissements sont créés par arrêté du représentant de l’État dans le département sur proposition conjointe des collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale de rattachement du collège et des écoles concernés, après conclusion d’une convention entre ces collectivités." C'est du ressort des territoires, le recteur accepte ou non, point barre. Et toutes les déclarations lénifiantes des députés chargés de faire l'article ne sont que de la broderie.


  • Dans le cadre d’un EPSF, qui s'occupera du temps péri-scolaire (garderie/cantine/études), la mairie comme dans les écoles ou l'établissement lui-même ?
  • Qui aura en charge le budget ? L’établissement ou la commune ?
  • Quels seront les membres du conseil d'administration de l'EPSF ?

1) Voilà typiquement ce qui fera une partie de la convention préalable à la création d'un EPSF. Tout est possible du moment que tout le monde est d'accord. Néanmoins tout ce qui relève du temps scolaire (les APC par exemple) sera forcément sous la tutelle de l'établissement, et il est presque certain que les temps périscolaires resteront gérés par les municipalités, organisation, gestion et budget.

2) "L’établissement est administré par un conseil d’administration qui exerce les compétences définies à l’article L. 421-4. La composition de ce conseil d’administration est fixée par décret et permet notamment la représentation des personnels du premier degré et des communes ou établissements publics de coopération intercommunale parties à la convention." Les enseignants sont donc "représentés" dans le Conseil d'administration. Pour savoir comment cette représentation sera choisie ou sa taille, il faut attendre les décrets d'application. Pour être efficace un CA doit être réduit et paritaire de façon tripartite enseignants/familles/administration. Si on ajoute la représentation paritaire des municipalités, on peut arriver rapidement à un CA pléthorique comme l'est actuellement celui des collèges, avec le risque d'une inefficacité chronique... voire d'une dénonciation de la convention de la part d'élus territoriaux furieux.


  • Est-ce que les directeurs d'école de secteur seront prioritaires pour devenir "Directeur adjoint au chef d'établissement" ?
  • Ces postes seront-ils à profil ? Sur quel profil ? Si ces postes ne sont pas à profil, quelles seront les règles d'attribution ?
  • Ces postes seront-ils pourvus sur concours ? Quel concours ? Ouvert à qui ?
  • Les directeurs en poste auront-ils une VAE leur permettant d'accéder à ces postes ? Selon quels critères ? Ancienneté, rapport d'inspection, nombre de classes gérées...
  • Ces postes seront-ils ouverts à toute personne, même si elle n'est pas directeur en poste ? A qui serait alors ouverts ces postes ? Personnel de direction du secondaire, IEN ?
  • Quel sera son statut précis ? (carrière, mutation, obligation, ….) ?
  • Quelle sera sa localisation (collège, école, écoles, itinérant) ?
  • Faut-il donc comprendre que le poste de principal adjoint sera en "surplus" de la situation actuelle ?
  • Quelles missions lui seront données, qui ne seront plus de la responsabilité du directeur d’école/ référent/responsable de site ?
  • Quels moyens supplémentaires précis lui seront proposés ?

La question de l'attribution des postes de "Directeur adjoint au chef d'établissement" turlupine beaucoup de Directrices et Directeurs actuels pour deux raisons principales, d'abord celle de leur avenir et ensuite celle de savoir si la personne qui les chapeautera sera ou non légitime et reconnue dans son rôle par les acteurs de terrain. Ce n'est pas une mince question tant depuis vingt ans notre métier n'est plus attractif. Si on pouvait l'imaginer à une époque comme une perspective de carrière, c'est plutôt aujourd'hui un "qui s'y colle ?" qui s'impose. Se prendre des coups de partout ne réjouit personne.

Que dit le texte ? "Un ou plusieurs chefs d’établissement adjoints, dont un au moins est en charge des classes du premier degré, exercent aux côtés du chef d’établissement. Ce chef d’établissement adjoint, en charge du premier degré, est issu du premier degré. Les modalités de son recrutement sont fixées par décret." Vous noterez le "un au moins" qui assure la présence d'un acteur du 1er degré pour gérer les écoles. Je suis fort dubitatif sur l'idée qu'il pourrait y en avoir plus, imaginant mal l'Etat multipliant ces postes nouveaux d'agents. Tant que les décrets d'application ne sont pas sortis, il est inutile de supputer n'importe quoi mais on peut suggérer à nos députés et sénateurs de réclamer des précisions et des assurances écrites. Ce seront certainement des postes à profil, qui seront attribués après entretien et non par concours, ce qui autorisera le retrait du personnel concerné en cas de défaillance comme son départ volontaire et retour dans une école, et ce dernier point serait une bonne chose. Par le fait n'importe quel personnel "issu du primaire" pourrait y postuler, ce qui inclut des IEN ou des CPC intéressés. On peut imaginer que ce ne soit pas forcément l'intérêt de l'Etat de placer à ces postes des gens n'ayant aucune idée de la réalité du pilotage d'une école, mais les recteurs chercheront-ils l'efficacité ou à placer des personnels connus et reconnus pour leur fidélité à l'institution ? J'écris "fidélité" pour rester poli mais vous voyez où je veux en venir. La logique d'un profil précisé par décret serait celle de limiter le droit de postuler aux enseignants ayant au moins X années de Direction d'école à leur actif, comme c'est le cas pour le passage spécifique à la classe exceptionnelle (huit ans), afin d'assurer un minimum de compétences. Ce serait donc une forme de VAE. Dans ce cadre les Directrices et Directeurs d'école en place dans les écoles concernées n'auraient aucune priorité. Ce serait alors au Directeur intéressé de montrer en entretien l'intérêt certain de sa connaissance préalable du territoire. Notons d'ailleurs qu'une priorité dans le primaire ne s'est jamais exercée que dans le cadre d'une fonction identique. Et puis il faudrait choisir de toute manière entre plusieurs Directeurs en place, avec peut-être la même ancienneté de service, ou des points en plus en raison d'autre chose... Autant dire un piège à conflits !

Le statut d'un "Directeur adjoint" n'est aucunement précisé dans le texte. Sauf qu'être "adjoint au chef d'établissement" aujourd'hui signifie devenir PERDIR, ou PERsonnel de DIRection, soit un statut normalement accessible par concours. Ce qui contrevient à ce que je viens d'écrire. Une fois de plus rien n'est clair dans le projet de loi, ce qui est une erreur, et ne devrait pas être l'objet d'un décret. Si cet adjoint ne peut être ni Directeur d'école ni Perdir, alors il est quoi ? Il va peut-être falloir inventer un nouveau statut, ou alors créer un concours spécifique destiné à un public restreint. Mais ça ne va pas, parce que quand on est Perdir on peut postuler à n'importe quel autre type de poste dans le même domaine... C'est le bordel ? Complètement. J'ai quand même la fâcheuse impression que personne au ministère n'a réfléchi aux implications de l'article 6. De là à parler d'amateurisme, y a-t-il un pas qu'il faille franchir ou peut-on subodorer sinon des intentions machiavéliques ? Je ne me prononcerai pas mais ma confiance est très limitée. Alors évoquer aujourd'hui des contraintes comme le temps d'astreinte ou autre relève du rêve éveillé.

Le principal adjoint viendra donc logiquement en surplus. Enfin, logiquement... Je le réécris, la loi est tellement floue. Notre idée de "directeurs référents" est la nôtre, rien ne dit qu'ils existeront puisque rien n'est écrit. C'est d'ailleurs le thème de paragraphes un peu plus bas. Cet adjoint au principal sera normalement basé au collège pour bénéficier des services administratifs déjà présents dans l'établissement, certainement d'ailleurs déjà exsangues de boulot mais je ne ferai pas non plus sur ce point de comparaison avec le travail qui est actuellement le nôtre et que nous faisons seuls. Je trouve la notion de "charge de travail" très relative... Il devra avoir un bureau. Ben oui. Au principal de se dépatouiller. Pour autant il est évident qu'il ne pourra certainement pas se passer de circuler régulièrement dans les écoles, ne serait-ce que pour prendre le pouls et se faire connaître et apprécier. Et puis il lui faudra animer de nombreuses réunions sur les sites de travail. Ses moyens ? Pas de classe, pas de gestion au quotidien, l'administratif, de l’administratif, de la gestion de projet... Enfin moi j'écris ça dans un nuage absolu, mais comme le principal doit assumer d'après la loi "les compétences attribuées au directeur d’école", ces dernières seront évidemment déléguées au "directeur adjoint". Pas les responsabilités en revanche, puisqu'elles ne peuvent être partagées. Quant aux moyens qui seront à sa disposition, alors là ! C'est un métier à inventer, les premiers à s'en saisir ont intérêt à être costauds pour s'imposer.


  • Pouvez-vous préciser le terme « responsable de site » indiqué dans la loi ou nous donner une autre dénomination (directeurs/référents) pour les autres « directeurs » ?
  • Est-ce que les directeurs d'école en poste le resteront avec les mêmes missions et les mêmes moyens (ou manque de moyens) qu'aujourd'hui ?
  • Quels moyens supplémentaires précis seront proposés aux directeurs (ou référents) des écoles ?  
  • Un directeur qui verrait son poste modifié serait-il prioritaire pour un poste d’adjoint dans son école et/ou aurait-il d’une bonification pour le mouvement ?

1) J'ai attentivement relu le projet de loi, et comme je le pensais jamais le terme "responsable de site" n'y apparaît. C'est nous, GDiD et Directeurs en fonction, qui connaissant notre métier estimons indispensable pour le bon fonctionnement de l'école et le rapport aux élèves et aux familles la présence d'un responsable reconnu comme tel sur chaque site. C'est pour moi une lacune du texte, et une lacune cruellement importante. L'existence d'un "responsable de site" doit être marquée dans la loi et non attendre un décret, il faut le faire comprendre aux représentants de la Nation. Je sais que certains députés nous baratinent pour nous rassurer, mais tant que cela ne sera pas écrit noir sur blanc dans le Code de l'éducation il ne s'agira que de paroles en l'air. Verba volant, scripta manent.

Afin d'être pleinement reconnu comme un interlocuteur valide par les familles, le nom "Directeur" est important. Le poids historique et symbolique de ce titre est tel qu'il doit perdurer. Mais celle ou celui qui restera sur place ne peut plus le garder, car le projet de loi dit clairement "Les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux sont dirigés par un chef d’établissement qui exerce simultanément les compétences attribuées au directeur d’école par l’article L. 411-1 et les compétences attribuées au chef d’établissement par l’article L. 421-3." S'il en exerce les compétences le chef d'établissement en exerce alors les responsabilités, déléguées ou non à un adjoint. Or le Code de l'éducation donne au Directeur d'école un certain nombre de rôles, de devoirs et de responsabilités qui ne peuvent pas être partagés. Exit donc le Directeur d'école. Il va falloir inventer un nouveau titre pour un rôle dont l'exercice demandera qu'il soit pleinement et clairement défini. Encore une fois il faut que cela apparaisse dans la Loi ! Nous devons bien faire comprendre à nos députés et sénateurs le hiatus présent dans ce projet incomplet. A moins que l'idée du ministre soit de supprimer les Directeurs en place ? C'est ce que suggèrent quelques syndicats toujours réfractaires à tout, et l'incendie que tentent maladroitement d'étouffer les députés de la présente majorité. Outre son absurdité technique et pratique, ce serait évidemment courir à la catastrophe.

Quel titre pourrait-on imaginer ? Le concours est ouvert, mais il faut que le nom "Directeur" y soit présent : "Directeur référent" ? "Directeur de site" ? Allez, à vos plumes...

2) D'après quelques députés LREM montés au front, les moyens techniques (moins de charge de classe, meilleure rémunération...) seraient au programme, mais je ne crois plus à l'innocence d'un ministre qui depuis deux ans multiplie les coups en douce et préfère Paris-Match à ses fonctionnaires. Encore une fois les paroles s'envolent... Sinon il est clair que les écoles qui ne seront pas concernées par les EPSF, et elles seront nombreuses, resteront telles quelles. On peut imaginer une meilleure prise en compte de nos difficultés. Mais ce ne sont que des prospectives limbiques.

3) Qui dit suppression de poste dit priorité. C'est la règle dans le primaire. Un poste ne peut pas être modifié, il est supprimé et un nouveau est créé. Le personnel en poste est prioritaire dans son école, mais effectivement comme il s'agira d'un poste différent il n'est pas certain qu'il le soit sur le poste "modifié". Encore une mesure qui devra être précisée dans les décrets. Mais attention, les priorités s'expriment aujourd'hui en "points" ce qui n'est aucunement une garantie.


  • Allez-vous proposer un statut de directeur d'école ? Pour qui ?
  • Quelle reconnaissance (carrière, salaire...) proposez-vous pour répondre à la souffrance actuelle des directeurs d'école ?
  • Quels moyens supplémentaires (charge de classe, rémunération...) sont proposés pour le fonctionnement de l'école primaire ?
  • Proposez-vous un statut d'établissement pour l'école primaire afin d'en garantir la pérennité ?
  • Les fusions maternelle-élémentaire seront elles la règle pour transformation en primaire ?
  • En cas de fusion en école primaire, une règle nationale peut elle être définie pour le poste de directeur (ancienneté (de directeur, sur l'école ? ), profil, ...) et une priorité pour le directeur non retenu ?

Un statut ? Oups ! Le gros mot est lancé, "celui dont il ne faut pas prononcer le nom" (et un bisou aux fans d'Harry Potter)... Ce statut qui nous manque cruellement et pour lequel le GDiD a été créé reste lui aussi dans les limbes. Les écoles "indépendantes" resteront nombreuses pendant encore de longues années, certainement fusionnées petit à petit en écoles primaires pour en optimiser les fonctionnements et créer de vraies synergies. Et peut-être à terme devenir des établissements du primaire. C'est le projet du GDiD, que nous avons été amenés à élaborer et défendre pour préserver la spécificité de notre école mais aussi en faire évoluer la gouvernance. Car nul ne sait ni ne peut dire dans quel sens se développeront les EPSF. Il n'est pas non plus question, dans notre vision des choses, de penser en terme de quantité comme peuvent le faire déjà dans certaines métropoles des élus qui créent des usines à apprendre. La taille d'un établissement du primaire n'est pas importante en soi, c'est sa logique de territoire qui l'est, car nous voulons l'efficacité au service de la réussite de nos élèves et pas une féroce optimisation budgétaire. Bien entendu, en corollaire, nous voulons que les Directeurs d'école deviennent les acteurs responsables de cette réussite avec les moyens afférents et nécessaires, dont une claire autonomie budgétaire, de projets adaptés et de fonctionnement. Sans compter la reconnaissance qu'apporte un statut différencié pour reconnaître la spécificité de notre métier pourtant déjà définie - sans plus - par un référentiel. Rappelons enfin que la compétence ça se paye, en termes de rémunération, de temps de formation, de perspectives de carrière ou de passerelles...

Pour l'instant, il n'existe rien dans le texte. Quelques députés - encore eux - se chargent du service avant-vente en expliquant que "bien entendu" la situation des Directrices et Directeurs d'école ne sera pas figée, que patati patata et que je te joue du violon. On peut toujours se laisser bercer par une jolie mélodie, mais à force d'entendre jouer du pipeau depuis des lustres ce n'est pas aujourd'hui un quatuor à cordes qui va forcément nous endormir. Tant que rien n'est écrit moi je continuerai à jouer de la grosse caisse, je peux vous le garantir, et je sais que mes collègues du GDiD ont aussi par devers eux quelques instruments bruyants. Et puis nous serons accompagnés dans cette fanfare par au moins trois syndicats alliés qui ne connaissent pas moins la musique.

Ce que je veux exprimer en filant cette métaphore c'est que les revendications qui transpirent de ces interrogations ne sont pas oubliées. Ce n'est pas la création des EPSF qui va nous faire oublier que nous avons toujours travaillé pour TOUS les Directeurs d'école. Tant que rien n'est inscrit, nous devons persister à interroger les représentants de la Nation pour leur faire comprendre qu'un arbre ne peut pas cacher la forêt, et que la question de la gouvernance des écoles reste entière et non résolue par le projet de loi "pour l'école de la confiance". On peut imaginer que les décrets d'application pourraient prévoir quelques aménagements cosmétiques de notre situation, sans rien résoudre. Voilà encore un manque que n'ont pas manqué de souligner les élus qui depuis longtemps nous accompagnent dans notre démarche. J'en ai évoqué quelques-uns dans mes précédents billets qui ont très bien vu que la question de la direction d'école restait pleine, entière, sans être seulement citée. Alors statut, moyens, charge de classe, rémunération, pour l'instant rien de nouveau n'existe ou n'est même évoqué. Je suis donc extrêmement pessimiste pour nous de ce dégagement "en bande" qu'est la création des EPSF, même si comme je l'ai déjà longuement écrit le projet me parait très intéressant.

Je terminais récemment ici un texte en écrivant "au boulot". C'est une consigne, un état d'âme, toujours et plus que jamais d'actualité. Ne lâchons rien, interpellons sans cesse nos élus, nos alliés, rappelons sans faillir constamment à tous que l'école française ne pourra totalement remplir sa mission que si les moyens de la gouverner lui sont enfin un jour donnés.

Pascal Oudot


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