dimanche 17 mars 2019

C'est au Sénat...

Le Sénat, que beaucoup à tort imaginent une assemblée de vieux notables rentiers aux longues siestes, est en fait une assemblée de représentants des territoires. Alors qu'aujourd'hui la fracture territoriale devient évidente, le supprimer comme les ignorants le réclament serait une imbécillité mortifère. Le Sénat est concrètement un contre-pouvoir puissant.

C'est entre les mains du Sénat qu'aujourd'hui réside le sort de la "Loi pour l'école de la confiance" de M. Blanquer. C'est au Sénat qu'elle est actuellement dépouillée sans état d'âme et qu'elle sera dans quelques semaines discutée et disputée.

Comme je l'ai déjà écrit, la création des "écoles du socle", des EPSF, ne souffrira en elle-même aucune discussion, sinon sur les détails de son envergure et des prérogatives des institutions directement et financièrement concernées soient les communes et les départements. Pourquoi en souffrirait-elle d'ailleurs ? Cette création répond à des besoins exprimés depuis très longtemps, faire mine de l'ignorer c'est encore nier la fracture territoriale que j'évoquais au début de ce billet.

En revanche un certain nombre de points restent obscurs pour tout le monde, en particulier évidemment la gouvernance des EPSF ou celle des écoles. C'est clairement là-dessus que de nombreux élus vont se pencher. D'abord parce que quand ce n'est pas dans la Loi on peut imaginer tout et n'importe quoi, et que les Décrets d'application sont une porte ouverte à des mesures qui ne conviendraient ni aux territoires ni aux agents concernés, qu'ils soient d'Etat ou Territoriaux.

Un certain nombre de sénateurs ont pris les devants. Nous savons au GDiD que nous y avons beaucoup d'alliés objectifs qui pour la plupart connaissent la réalité de l'importance de l'école au sein d'une commune ou d'un bassin de vie. Nous y sommes intervenus plusieurs fois, nous y avons toujours été écoutés avec beaucoup d'attention. Tiens, pour le plaisir je vous remets ici une intervention en 2014 - sur un autre sujet - où parlaient Alain Rei, Samuel Auxerre et Pierre Lombard dont je souligne avec tendresse la passion qu'il y met toujours depuis tant d'années -.


Avant même le vote de la Chambre, j'ai pu observer un certain nombre de réactions et de mises en garde, que je vous transcris ici. Elles valent leur pesant de gratons.

M. Olivier Paccaud (Oise - Les Républicains) :

"M. Olivier Paccaud attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la place des directeurs d'école dans le projet de loi n° 1481 (Assemblée nationale, XVe législature) pour une école de la confiance. Alors que l'une des promesses du programme du président de la République pour l'éducation était de « renforcer et encourager l'autonomie des établissements pour favoriser l'adaptation aux besoins de leurs élèves et aux situations locales et stimuler l'innovation », ce projet de loi fait l'impasse sur le statut de directeur d'école primaire. Pourtant, comme l'énonce la mission « flash » menée à l'Assemblée nationale (conclusions du 1er août 2018), « les directeurs et directrices d'école sont des maîtres qui assurent des responsabilités de directeur en plus de leur fonction d'enseignant et sans réel pouvoir de décision ». Par ailleurs, « la diminution des emplois de vie scolaire, contrats aidés affectés dans les écoles et dédiés à l'aide administrative, et l'augmentation, ces dernières années, des contraintes liées à la sécurité ont accentué un malaise des directeurs, avéré depuis déjà plusieurs années ». Contrairement aux principaux des collèges, les directeurs d'école sont des enseignants ayant une décharge partielle ou totale, selon le nombre de classes, pour exercer de nombreuses responsabilités (fonctionnement de l'école dont la sécurité, l'animation pédagogique, les relations avec la commune et les parents, etc.) sans pour autant détenir l'autorité et la reconnaissance légitimes afin de remplir leur mission. Valoriser la fonction de directeur d'école primaire en lui conférant un véritable statut constituerait un des leviers d'attractivité du métier de professeur comme « voie de promotion, d'ascension et de justice sociale ». Il soutient la revendication de la fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP) et souhaite savoir si le Gouvernement compte intégrer le statut du directeur d'école dans le projet de loi actuellement examiné à l'Assemblée nationale."

M. Yves Détraigne (Marne - UC) :

"M. Yves Détraigne attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le fait que le projet de loi (AN n° 1481, XVe leg) pour une école de la confiance omet de traiter de la question du statut du directeur d'école primaire. Pourtant, les directeurs d'école effectuent des tâches administratives essentielles au bon fonctionnement de l'école, leurs responsabilités sont multiples et se sont accrues au cours des dernières années (pilotage pédagogique, fonctionnement de l'école, relations avec les parents et les partenaires de l'école). En outre, la diminution des emplois de vie scolaire, contrats aidés affectés dans les écoles et dédiés à l'aide administrative et l'augmentation, ces dernières années, des contraintes liées à la sécurité ont accentué les difficultés liées à cette fonction. Les directeurs d'école ne bénéficient pas d'un statut et ne sont pas secondés par un adjoint et un conseiller principal d'éducation, contrairement aux principaux des collèges. Ils bénéficient seulement d'une décharge partielle ou totale, selon le nombre de classes, pour exercer de nombreuses responsabilités qui leur incombent : fonctionnement de l'école dont la sécurité, l'animation pédagogique, les relations avec la commune et les parents, etc. Dans un même temps, ils ne disposent pas réellement de l'autorité et la reconnaissance légitimes afin de remplir leur mission. Il convient donc de remédier à ce constat de valoriser la fonction de directeur d'école primaire en lui conférant enfin un véritable statut, ce qui constituerait, en sus, un des leviers d'attractivité du métier de professeur comme voie de promotion. En conséquence, il lui demande s'il entend revoir son projet de loi et profiter de ce véhicule législatif pour élaborer un véritable statut du directeur d'école primaire."

M. Jean-Marie Janssens (Loir-et-Cher - UC) :

"M. Jean-Marie Janssens attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la question du statut de directeur d'école primaire. Chargé de nombreuses responsabilités dans la vie de l'école, responsabilités qui n'ont été qu'en croissant ces dernières années, les directrices et directeurs d'écoles primaires ne bénéficient pourtant d'aucun statut particulier. De même, ils ne bénéficient pas de l'appui d'un adjoint ou d'un conseiller principal d'éducation, comme c'est le cas pour les principaux de collèges. Le projet de loi n° 1481 (Assemblée nationale, XVe législature) pour une école de la confiance ne fait pas mention de la création d'un statut pour les directeurs d'écoles primaires. Il lui demande si, dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, il compte faire évoluer le texte pour conférer aux directeurs d'écoles un statut qui leur permette d'exercer leurs missions dans des conditions adaptées."

... et enfin celle de M. Sébastien Meurant (Val-d'Oise - Les Républicains), qui met le doigt sur l'inquiétude que ressentent beaucoup d'entre vous :

"M. Sébastien Meurant interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le projet de loi n° 1481 (Assemblée nationale, XVe législature) pour une école de la confiance et ses répercussions sur le statut des directeurs d'écoles maternelles et primaires. Les directeurs d'écoles réclament depuis longtemps des mesures permettant de renforcer leur statut, leur poids, ainsi que leurs moyens. Le ministre de l'éducation nationale avait d'ailleurs récemment rappelé le rôle fondamental joué par ces derniers et formulé le souhait qu'ils : « jouissent d'une situation statutaire et administrative identique à celle des chefs d'établissement du second degré ». Dans son rapport annuel « Regards sur l'éducation 2018 » l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) souligne très justement la faible reconnaissance des directeurs d'écoles maternelles et primaires en France, pointant du doigt le manque d'autonomie de ces derniers ainsi que leur rémunération seulement 7 % supérieure à celle d'un enseignant, alors que l'écart est de 41 % en moyenne dans les pays de l'OCDE. Néanmoins, à l'examen du projet de loi pour une école de la confiance et des amendements proposés, une direction diamétralement opposée semble avoir été prise. Le regroupement de classes d'un collège et d'une ou plusieurs écoles risque au contraire de dénaturer, rétrograder, voire de supprimer les postes des chefs d'établissement de maternelle et du primaire. Cette simplification de la direction d'établissement dits voisins n'est pas aussi simple qu'elle n'y paraît. En effet, au-delà des inquiétudes qu'elle suscite parmi les directeurs d'école et les syndicats, les parents d'élève craignent eux aussi que la réforme rende inaccessible le directeur et fasse disparaitre cette fonction de certaines de nos écoles pour créer des établissements scolaires pour les élèves de 3 à 16 ans. Face à ces questions, il lui demande les mesures qu'il compte prendre pour rassurer les directeurs d'écoles maternelles et primaires quant à leur statut et l'avenir de leur profession."

Toutes ces questions sont restées sans réponse. Il faut dire que face au Sénat le gouvernement reste souvent coi tant il y a peu d'influence. Un vrai contre-pouvoir, je vous dis ! Et il en a peur.

C'est donc auprès des sénateurs qu'il nous faut aujourd'hui intervenir. Le Sénat s'est donné le temps de lire attentivement le texte, puisqu'il ne devrait y être discuté qu'en mai prochain. Si donc vous avez envie de mettre un peu de pression pour nous aider, c'est aux sénateurs de votre région qu'il faudra vous adresser ces prochaines semaines. C'est ce que nous allons persister à faire au GDiD, après un premier contact en février. Car nous ne perdons aucunement la raison d'être de notre association : nous voulons un statut pour tous ceux qui pilotent l'école de la République, afin d'être pleinement efficaces pour la réussite de chacun de nos élèves.

Aucun commentaire: