samedi 1 février 2020

What else ?

Le mardi 28 janvier a - enfin ! - eu lieu au ministère une réunion avec les syndicats sur la fonction de Directeur d'école. D'autres rencontres suivront.

Je passerai charitablement sur les discours habituels que tiennent dans ces assemblées les adversaires de toute évolution de l'école, que je ne nommerai pas tant c'est peu utile. Ce vénérable chœur grégorien nous ressasse les mêmes antiennes depuis si longtemps que les citer ne présente aucun avantage, d'autant qu'elles vont à l'encontre des intérêts de nos élèves. Car croire que l'école peut aujourd'hui remplir son rôle sans évoluer un tant soit peu c'est danser la gigue devant un groupe de chimpanzés qui certainement resteront dubitatifs, à moins qu'indignés d'être pris pour des cons ils ne bombardent les danseurs de fruits trop mûrs. Au passage je rappellerai d'ailleurs utilement que si les singes ne parlent pas c'est pour ne pas être mis au boulot, ils ne sont pas fous les singes (ce sont les indiens qui disent ça).

Il a donc été question dans cette première réunion de la simplification de nos tâches, le ministère tient donc parole sur ce point. Il faut comprendre la simplification de tâches instituées nationalement, pas des âneries concoctées localement par une administration qui ne sait plus quoi inventer d'idiot pour compliquer notre boulot. Tenez, un exemple pris dans le dernier "règlement départemental" de mon coin, je cite : "En cas de changement d'école, un certificat de radiation est émis par l'école d'origine. [oui, comme d'habitude] (...) Le directeur d'école informe de cette radiation le maire de la commune de résidence des parents de façon que celui-ci puisse mettre à jour la liste des enfants soumis à l'obligation scolaire (...). [oui, c'est la Loi, vous le faites vous ? Article en question : "L'état des mutations sera fourni à la mairie à la fin de chaque mois." Ben voyons. C'est sûr, je ne pense qu'à ça quotidiennement, c'est mon devoir, je me roule par terre de honte quand je ne le fais pas c'est à dire une fois par mois.] Il transmet par la suite cette information au maire de la commune où se trouve l'école dans laquelle les parents ont annoncé leur intention de faire inscrire leur enfant afin que ce dernier puisse également s'acquitter de sa mission de contrôle du respect de l'obligation d'inscription (...)." Je peux aussi leur chercher une nouvelle nounou sur place, pourquoi pas tant qu'on y est. C'est rigolo comme les choses se sont compliquées depuis que l'informatique et les bases de données existent. Peut-être y aurait-il un certain intérêt à remplacer les papys de la CNIL par des personnalités moins réfractaires à l'information. Moi je dis ça je ne dis rien. Vous me direz, les programmes concoctés en interne par l'éducation nationale sont déjà tellement hilarants. Quand le GDiD réclame une révolution systémique, ce n'est pas par hasard.

Une "évolution" est à l’étude sur ONDE pour y inclure "une plateforme" regroupant des documents officiels harmonisés nationalement, comme les PAI, les autorisations de sortie ou le droit à l’image. La procédure concernant les certificats de scolarité pourrait être simplifiée. Soit, étudions.

Le PPMS a donc été évoqué, avec "une réflexion juridique en cours sur la répartition des responsabilités entre le directeur et la collectivité locale, de même que le rôle de la DSDEN". Soit, réfléchissons.

AFFELNET est "étudiée", la DGESCO s'engage à la "revoir". Soit, engageons-nous.

Une "certaine autonomie" dans la gestion des 108h "pourrait" être accordée. Les modalités restent à définir. Prout prout, raaah que c'est compliqué de lâcher son os.

Enfin la durée de validité des PAI serait allongée. Bon, là, d'accord, de toute manière plus aucun des miens n'a reçu d'aval quelconque depuis plusieurs années, ce qui ne nous empêche pas de veiller à la santé de nos élèves.

Les élections à liste unique semblent n'avoir été évoquées que par les syndicats. Mais je n'étais pas là, soyons bien d'accord.

Je récapitule : une réflexion, une étude, "pourrait", une autre étude et un engagement à réviser, une "certaine autonomie" qui "pourrait", "serait"... Les représentants du ministère semblent avoir très bien assimilé leurs leçons sur le conditionnel, bravo aux enseignants qui le leur ont appris en primaire ! Bon, je suis méchant, M. Blanquer avait exprimé que les premières simplifications ne s'appliqueraient qu'à la rentrée de septembre 2020, ce n'est donc pas une surprise. Je ne m'en agite pas moins sur mon fauteuil en tapant sur la clavier. Et je crois bien chers collègues Directrices et Directeurs d'école que vous aurez encore à organiser ces élections de [...] avec une liste unique en octobre 2020, impressions et multiples enveloppes et manipulations et envois compris. Vous auriez préféré faire des économies d'argent et de temps et épargner nos forêts ? M'enfin...


J'écris "vous" parce que moi je serai certainement en villégiature en Italie à ce moment-là. Ben oui, c'est bon, j'ai donné, plus de 40 années de métier dont une vingtaine à la Direction d'école, je laisse la place à plus jeune et plus énergique en me posant tout de même la question de qui osera aujourd'hui devenir Directeur d'école dans ces conditions. Nous étions entrés dans la fonction par goût ou par opportunité, je ne suis pas sûr sans évolution majeure que nos successeurs auront autant d'abnégation... ou seront aussi cons que le suis encore.

Tout cela est fort mince, mais je ne cracherai certainement pas sur quelques progrès si petits soient-ils. Les prochaines rencontres (je ne crois pas qu'il y ait des petits fours) évoqueront - mais sans certitude - les aspects statutaires et la rémunération. On va bien rigoler. Je suis effarouché d'avance par l'aumône que recevront les Directrices et Directeurs d'école. Quant à l'aspect statutaire... ouarf !

Ce n'est pas que le bât blesse... ou ça ne l'est plus. Il est certain que notre situation est plus que difficile, voire parfois insurmontable, et je comprends totalement nos collègues qui craquent  et qui lâchent, parce qu'ils veillent à leur santé physique et intellectuelle et qu'ils ont totalement raison. Personne ne nous est vraiment redevable de ce que nous faisons, à moins d'avoir des partenaires - enseignants, municipalités, hiérarchie immédiate, familles... " particulièrement conscients. Ménagez-vous, pensez à vous, le temps passe et votre santé est primordiale pour votre entourage et vous-même.

Je veux exprimer que tout cela est fort beau mais que nous appliquons compresses et pansements sur un corps malade. Oui nous aurons quelque soulagement, la douleur sera moins vive, mais la maladie va néanmoins progresser. L'école est malade. Notre école publique que nous aimons si fort est moribonde. Nous traitons des symptômes, nous ne luttons pas contre l'agression d'origine. C'est bien là le l'insigne défaut de ces rencontres.

Le GDiD veut une révolution systémique de l'école. Ce sera certainement désormais l'axe majeur de notre travail. Non, nous ne laissons pas de côté les Directrices et Directeurs d'école, bien au contraire. Le "statut", ce fameux statut pour lequel nous luttons depuis vingt ans, est bien en ligne de mire. Mais il ne sera que la conséquence immédiate et nécessaire d'un changement de statut de l'école. Il est LÀ, notre nouveau combat. Parce que...

Parce que nous savons très bien que le système est pourri, inopérant, inconséquent, parfaitement inefficace et totalement inéquitable. Ce ne sont pas des évaluations normées pondues par des intellectuels hors-sol, ni des neurosciences installées dans un absolu scientifique éloigné de toute humanité, qui concrètement nous sortiront de la boue et de la merde dans laquelle nous nous dépêtrons et dont nous tentons quotidiennement d'extirper nos élèves. Personne d'autre que nous ne s'intéresse ni ne s'inquiète des enfants dont nous avons la lourde charge et dont tous nous voulons faire des élèves heureux et compétents, qui ont envie de grandir et d'apprendre, curieux de leur environnement et de leur avenir, qui voudront le changer... parfois peut-être malgré nous mais cela a toujours été le rôle des nouvelles générations ! Mes élèves m'appellent parfois "pépé" pour me charrier, j'en suis heureux parce qu'avec leurs cinq ans j'ai su leur autoriser le nécessaire pour qu'au-delà de leur respect et de leur amour qu'ils me manifestent à tout moment ils soient capables de trouver eux-mêmes la distance nécessaire à toute remise en cause et à toute compréhension de soi, d'autrui, ou du monde qui les entoure. Je n'aurai pas été, j'en ai la prétention à la veille de ma retraite, ni un mauvais instit ni un mauvais Directeur.

Tant que tout nous tombera du ciel, tant que rien ne sera pris en compte des besoins du territoire dans lequel nous travaillons, tant qu'aucune latitude ne nous sera laissée quant à notre pédagogie ou notre répartition des moyens d'enseignement, tant que notre éducation "nationale" restera ce qu'elle est actuellement - pléthorique pyramide incompétente -, tant que les Directrices et Directeurs d'école ne pourront pas eux-mêmes mettre en place les moyens nécessaires à la réussite scolaire de leurs élèves, rien ne changera et aucun quelconque prétendu changement de statut ne sera opérant.

L'école doit changer de statut. Les Directeurs nécessairement suivront. Et nos élèves réussiront. What else ?

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