mercredi 12 février 2020

Chères collègues...

Il y a en France 44902 écoles publiques... donc 44902 écoles avec une Directrice ou un Directeur à leur tête.

Un enseignant du primaire en début ou milieu de carrière passe - à la louche - deux à trois heures par jour à préparer sa classe (oui, je sais, vous y passez plus de temps mais bon...). Moi-même, après plus de quarante années de service, j'y consacre entre 3/4 d'heure et une heure par jour. Une Directrice ou un Directeur doit donc ajouter la charge de sa fonction directoriale à ce temps déjà important et qui n'est comptabilisé nulle part, et surtout pas au ministère. Si je compte les réunions qui ne sont pas comptées dans les fameuses 108 heures,les week-ends et les vacances, cela vous fait quoi ? Deux heures quotidiennes ? Trois ?

Comment peut-on dans ces conditions concilier travail et vie de famille ? Dans la fameuse pénibilité dont on nous rebat les oreilles depuis quelques mois, doit-on envisager la vie personnelle de celles et ceux qui passent entre quatre et huit heures par jour à travailler en plus des heures de classe ? Parce que cela fait tout de même de dix à quatorze heures de labeur quotidien dont six heures souvent dans le bruit, 43 à 59 heures par semaine dans le meilleur des cas, jusqu'à... Beaucoup d'entre nous ont des emplois du temps de cadre supérieur, sans le salaire qui va avec. Je n'ai jamais vu un dirlo se déplacer en Lexus ou en Porsche.



Savez-vous que sur les 44902 Directrices et Directeurs d'école publique en France seuls 2933 n'ont pas charge de classe ? Soit 6,53%... Étonnant, non ? 93,47% d'entre nous sommes Directrice ou Directeur avec une charge de classe. C'est ahurissant. Ce simple chiffre montrera à tous à quel point la situation n'est plus tenable, à quel point le ministère se fout de nous, à quel point aussi certaines organisations syndicales mériteraient un bon coup de pied au cul. Nous sommes 3657 à avoir une école à classe unique avec 4 jours de décharge par an (il y a encore plus de 8% de classes uniques en France), 11641 avec deux ou trois classes à n'avoir qu'une journée sans élèves par mois (presque 26% des écoles françaises). On peut déjà écrire sans rigoler du tout que 34% des écoles publiques françaises sont à l'abandon, avec un ministère qui s'en bat l’œil et des élus nationaux qui agitent leurs petits bras mais ne font pas vraiment avancer quoi que ce soit. Je n'ose même plus évoquer les autres, surtout à mon sens les très grosses écoles dont certes la Directrice ou le Directeur n'a aucune charge de classe mais reste totalement seul pour assumer un boulot phénoménal sans l'aide de quiconque. Malgré tous leurs beaux discours les charmants principaux ou proviseurs qui nous soutiennent du bout des lèvres n'ont aucune idée de ce que cela peut signifier d'avoir à gérer  seule ou seul de 250 à 500 gamins voire largement plus. Ah ben non, pas de CPE, pas de surveillant, pas de secrétaire, que dalle niente. Que notre malheureuse collègue Christine Renon se soit donnée la mort n'a hélas surpris aucun d'entre nous.

Qu'on m'exprime qu'un couvreur ou un maçon a un labeur pénible, travaille dans le froid ou la canicule, je le conçois pleinement et l'admets totalement. Pour autant une fois rentré chez lui il peut s'il le souhaite s'occuper de sa famille. Ce n'est pas vraiment le cas pour une Directrice ou un Directeur d'école.

Le pire je crois ce sont les Directrices. Chères collègues je ne me leurre pas. Même si les hommes depuis plusieurs décennies ont fait de gros efforts pour s'occuper des charges du ménage - courses, entretien, s'occuper des enfants... -, les femmes restent en charge de la majorité du boulot et tiennent généralement les rênes d'un fonctionnement qui doit être efficace. Et puis combien d'entre vous sont des femmes isolées, seules, séparées divorcées ou simplement célibataires avec des enfants ? Vous avez eu l'intelligence de savoir gérer votre vie de couple, vous avez eu raison. Mais comment faites-vous ? J'admire depuis longtemps celles d'entre vous que j'ai pu côtoyer avec des situations personnelles infernales que vous arriviez tout de même à contrôler ou à peu près, et qui faisiez en même temps un travail magnifique dans votre école. Je suis parfaitement et totalement sincère. D'après quelques auteurs vous seriez l'avenir de l'humanité, et je me plie à cette idée avec un certain soulagement, car peut-être notre Monde serait-il moins pervers et moins violent. Mais on n'en est pas encore là puisque malgré que vous représentiez 84,8% des personnels enseignants et Directrices du primaire, vous restez 52% à la tête des écoles et des établissements. Les hommes restent dans les charges de responsabilité, peut-être en partie à cause justement de la charge de boulot que je dénonce au détriment d'une vie personnelle plus intense. Je ne crois donc pas que ce soit de votre part Mesdames un refus des responsabilités mais plus un choix raisonné. Je le regrette mais je le comprends. Mais ça n'arrange pas les chose, hélas...

Si nous avions de nouveau une femme Ministre de l'Education nationale ? J'admire encore celle qui le fut récemment pour son écoute et sa capacité de compréhension. Je n'oublierai jamais que ce fut Mme Vallaud-Belkacem qui donna vie au référentiel-métier.

On peut toujours imaginer des choses.

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