samedi 4 mai 2019

La valse à trois temps...

Il y a quelques semaines j'exprimais sur ce site que le passage au Sénat du texte de "Loi sur l'école de la confiance" risquait fort de faire du foin. Certains ont pu douter de la volonté ou de la puissance du Sénat - qui représente les territoires - pour dépecer ce texte imprécis, incomplet, et pour tout dire irréfléchi. Après quelques semaines, on peut constater que la chambre haute remplit son rôle. Certes elle n'aura pas la main dessus puisque ce sera la Chambre des députés qui finalement adoptera ou non le texte de loi. Mais quelle forme aura alors la chose ? Bien malin qui pourrait le dire aujourd'hui.

Que s'est-il passé ? Après un premier temps de valse auprès des députés, la proposition de loi a été cuisinée par la Commission de l'éducation puis sera discutée les 14, 15, 16 et 21 mai par le Sénat. Ce second temps provoque déjà de jolis soubresauts, y compris quelques entrechats syndicaux, et de nombreuses réactions contradictoires chez les enseignants.



C'est d'ailleurs assez comique. La possibilité de création d' "Etablissements publics locaux d'enseignement des savoirs fondamentaux" (EPLESF) a poussé un soutien assez étonnant de la Direction d'école, puisqu'on a pu lire et entendre partout que les Directeurs d'école allaient "disparaître" et qu'il fallait absolument nous défendre. Quel entrain, quel bel enthousiasme ! Tout à coup nous étions devenus indispensables, envolés les "conseils des maîtres décisionnaires" et autres billevesées gauchistes. Cet élan hypocrite évidemment ne pouvait pas durer. Il a suffi du rapport de M. Brisson et d'une proposition de création de statut "hiérarchique" pour éteindre le feu de paille et de nouveau diaboliser les Directrices et Directeurs d'école. Sur les réseaux sociaux et quelques fils particuliers que je préfère ne pas nommer par charité chrétienne, nous voilà redevenus ce que nous sommes : des affreux, des méchants, des horribles, bref des salauds assoiffés de pouvoir et constamment à l’affût, toujours prêts à dévorer tout crus de pauvres enseignants forcément maltraités ... On appelle ça un saut idéologique quantique.

Néanmoins aujourd'hui les élus, qu'ils soient à la Chambre ou au Sénat, semblent mûrs pour accorder aux Directeurs d'école un statut. Je rappelle à toute fin utile que nous estimons au GDiD qu'il nous parait difficile de séparer le statut des Directeurs et celui de l'école, l'un ne peut aller sans l'autre, et c'est bien pourquoi nous portons un projet d' "établissements publics du 1er degré" sur lequel plusieurs syndicats majeurs nous rejoignent. Ce qui ne signifie pas que la situation de tous les Directeurs d'école ne doive pas changer ! Nous ne voulons laisser personne sur le carreau. Mais nous pensons que cela ne pourra pas se faire d'emblée ni rapidement pour tous.

Le Sénat pense peut-être l'inverse. Il est clair que c'est aussi une question de volonté et de budget, la part de PIB consacré en France à l'éducation pourrait être augmentée, la répartition mieux faite. Toujours est-il que la Commission du Sénat a pour l'instant sérieusement blackboulé le texte de M. Blanquer, allant jusqu'à supprimer l'article 6 qui autorisait la création des EPLESF. Et puis ceci :

"Dans la continuité de leurs réflexions sur les EPSF, les sénateurs ont également renforcé le statut des directeurs d’école. « Il faut que sur chaque site, il y ait un directeur avec les fonctions de directeur », plaide Max Brisson. Les amendements de la commission vont même un plus loin en prévoyant que le directeur d’école devienne le supérieur hiérarchique de ces collègues professeurs. « Il y a des enseignants qui s’impliquent dans cette fonction de directeur qui est exigeante, qui induit des décisions et qui nécessite une forme de reconnaissance », fait valoir Catherine Morin-Desailly."

La Commission, par la voix de son rapporteur Max Brisson, a qualifié le texte de "projet de loi fourre-tout", "précipité", "peu abouti". Nous sommes tous d'accord. Sa Présidente, Mme Catherine Morin-Desailly, a aussi très justement dit que "Ce qui a péché au cours des trois années écoulées, c’est l’absence de dialogue". Combien de fois l'avons-nous écrit ? Il aura fallu attendre deux ans et des réactions de rejet violentes pour que soudain, fort précipitamment, le Ministre se décide à recevoir les syndicats d'enseignants ainsi que prochainement le GDiD. C'est un peu tard, les choses se seraient certainement passées un peu mieux si la démarche avait été logique au lieu d'être injonctive. Mais mieux vaut tard que jamais, je suppose.

Le travail du Sénat se terminera le 21 mai par un vote solennel (scrutin public), afin qu'un maximum d'élus soit présent. Puis le texte reviendra à la Chambre des députés pour un troisième et dernier temps de valse. On n'est pas sorti de l'auberge, les surprises seront encore nombreuses. Je suis curieux de voir quels sautillants pas de danse nous feront les syndicats qui nous haïssent.


12 commentaires:

Unknown a dit…

Pourquoi dire des syndicats qu'ils vous "haïssent" ? (C'est une VRAIE question...)

Pascal Oudot a dit…

Parce que certains syndicats nous haïssent !

Greg chtimi a dit…

Il suffit d ailleurs de remarquer que certains continuent de ne pas nous nommer, préférant le terme de "direction d école"...pour eux nous ne sommes rien...

Anonyme a dit…

Les syndicats aiment les directeurs… syndicalistes ! Ceux qui vont dans le sens de la majorité des PE qui ne veulent surtout pas de "chef" dans le bureau à côté de leur classe.

Greg chtimi a dit…

Tout à l heure, un "ancien" de l éducation nationale me disait que certains syndicats prolongeaient l erreur du refus des maîtres directeurs et du statut d établissement primaire...erreur sous de faux prétextes et agitation de la peur du changement...du populisme bas de gamme

Anonyme a dit…

"...les syndicats qui nous haïssent." L’ambiguïté repose ici sur le "nous", de qui s'agit-il ?
- de l'auteur de l'article ?
- du GDID ?
- des directeurs d'école ?
J'ai du mal à croire que "des" syndicats détesteraient une fonction, dont certains en font partie!

Un futur ex-directeur lassé de ne rien voir venir.

Pascal Oudot a dit…

Le "nous" c'est évidemment le GDiD.

Greg chtimi a dit…

Certains syndicats sont historiquement pour une école où la direction serait partagée. Donc la fonction même que nous occupons est pour eux vouée à disparaître.

Greg chtimi a dit…

Je comprends parfaitement ta lassitude que je partage...
Bon courage et tous nos remerciements aux représentants du gdid reçus demain au ministère.

Anonyme a dit…

Et voilà. Amendement déposé par LREM pour que les directeurs ne deviennent surtout pas des supérieurs hiérarchiques. Un coup c'est oui, un coup c'est non. C'est dire l'intérêt que l'on porte à notre fonction…
Les syndicats se frottent les mains, non ?

Greg chtimi a dit…

Oui il fallait s y attendre...pas de vagues... Blanquer veut faire passer le reste alors il ne risquera pas de fâcher sur nous...

Greg chtimi a dit…

D après ce que je lis, même s il faut l accord pour l Instant des municipalités et des conseils d école, c est un peu notre disparition programmée à terme...
Le gdid a t il le sentiment d avoir été écouté jeudi dernier ?