mardi 20 février 2018

Des questions sans réponse...

Depuis quelques mois de nombreux Directeurs et Directrices d'école se mobilisent pour interpeller nos élus et représentants de la Nation à l'Assemblée nationale. Cette mobilisation est une excellente chose, qui peut faire prendre conscience à de "jeunes" députés - qui dans cette législature sont pour beaucoup néophytes - qu'il y a un problème majeur dans le pilotage des écoles en France.

Cela fait de nombreuses années qu'on nous serine une prétendue "priorité" qui serait donnée au primaire dans les projets gouvernementaux, priorité dont il faut bien écrire qu'elle reste nébuleuse, si j'excepte l'ISAE bien réelle. Les mesures du protocole PPCR, en dehors de celles qui ne coûtent rien, sont suspendues dans les limbes. Quant aux Directeurs d'école...

Plusieurs députés, par le biais des "Questions écrites", se sont donc ces dernières semaines adressés à Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale pour dénoncer notre situation. Des questions pour l'instant sans réponse. Il est vrai qu'avec la réforme du baccalauréat - nécessaire - et de l'entrée dans le Supérieur, M. Blanquer avait certainement, je veux bien l'admettre, quelque chats à fouetter. Et je pense qu'il ne tardera pas à s'exprimer sur la difficile question de la Direction d'école. Il reste à espérer que ce ne sera pas avec la légèreté qui fut la sienne lors de la réponse orale à M. Lionel Causse, réponse que j'ai récemment dénoncée.

Parmi les questions nouvellement posées par nos députés, certaines m'interrogent, voire même me dérangent, car elles ne mettent en avant nos difficultés que par le biais de la disparition des EVS "aide à la direction". A trop vouloir le bonheur de tout le monde, je pense que nous nous tirons une balle dans le pied. Ce qui est en cause est moins l'absence d'une aide non qualifiée pour laquelle chacun dans notre coin nous avons dû inventer des tâches subalternes, que la façon dont le rôle du Directeur d'école est conçu. Ce qui pouvait fonctionner en 1880 ne fonctionne plus 140 ans après. Les Directrices et Directeurs qui n'ont pas charge de classe ne sont "à tout casser" que 2500 en France, contre 44000 chargés de classe! Ce chiffre est effarant: 94% des Directrices et Directeurs d'école doivent exercer simultanément deux activités professionnelles distinctes! Ne revendiquer que sur la disparition des AAD consiste à nier l'existence de notre métier spécifique pourtant institutionnalisé par un référentiel, pour faire croire qu'il suffirait d'une vague assistance non qualifiée pour que tout se passe bien dans le meilleur des mondes scolaires. C'est faux, et c'est suicidaire. Le problème de fond est autrement plus grave.

C'est ainsi que peut hélas se lire la question posée par Mme Charvier, députée LREM du Doubs, avec tout de même une remarque que je veux mettre en exergue car elle très juste: "... comme la journée hebdomadaire de décharge n'est pas suffisante puisque certaines de ces tâches doivent être effectuées au quotidien, cela entraîne de facto une dégradation des conditions d'enseignement pour leurs élèves."

C'est ainsi aussi que peut se lire la question posée par M. Houbron, député LREM du Nord, ou celle de Mme Gomez-Bassac, députée LREM du Var, avec là également une remarque intéressante: "L'absence de statut ou de modèle de gestion libérant du temps risque de mettre en péril l'ambition de son ministère à mettre l'accent sur la scolarité, l'accompagnement et la réussite des plus jeunes à l'heure où ils débutent des apprentissages fondamentaux."

Beaucoup plus intéressantes en revanche sont trois autres questions que j'ai découvertes sur le site de l'Assemblée nationale. Celles-ci mettent l'accès sur notre position intenable et l'absurdité d'une double-casquette que nous dénonçons depuis tant d'années.

D'abord une seconde question de M. Houbron, encore lui, décidément fort actif pour ce qui nous concerne et dont nous devons bien retenir le nom, ne serait-ce que pour le remercier. Le député du Nord met l'accent sur ce qui fait mal.Après une litanie des tâches les plus lourdes genre PPMS ou AFFELNET, que je vous épargnerai parce que vous savez ça très bien, M. Houbron précise avec force et justesse: "... Il rappelle que la plupart de ces directrices et directeurs d'école travaillent dans des petites structures et exercent aussi le métier de professeur des écoles impliquant de ce fait la charge d'une classe. Il constate que ce métier s'ajoute la gestion d'une école dans ses aspects les plus prosaïques à savoir la répartition des élèves, l'organisation et la gestion des temps scolaires et passages aux temps périscolaires, l'accueil des nouveaux ou jeunes enseignants et des enseignants-stagiaires nécessitant un rôle important de soutien et de conseil, ou encore d'assurer la sécurité de tous. Il en déduit que dans 16 000 écoles, à savoir celles qui ont moins de trois classes, la directrice ou le directeur d'école doit donc exercer deux métiers à temps plein. Il ajoute que, s'agissant des écoles à fort effectif, les directrices et directeurs d'écoles peuvent, certes, miser sur une décharge totale de leur temps d'enseignement, mais doivent assurer seul la gestion de leur école. Il précise que certaines de ces écoles ont un nombre similaire voire plus important que certains collèges qui, eux, sont pourvus d'un personnel administratif étoffé et compétent chargé du secrétariat ou de la surveillance. Il indique que la création d'un statut, connu et reconnu, pour les directeurs d'écoles permettrait de dresser, lister, et préciser les différentes tâches qui leur incombent afin d'éviter la répétition des maux exposés précédemment."

Remarquable, n'est-ce pas? Merci M. Houbron.

Mme Muschotti, députée LREM du Var, enfonce un peu plus le couteau: "... Mme Cécile Muschotti interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur l'encadrement du statut de directeur d'école et sur la nécessité de leur donner les moyens administratifs et financiers pour effectuer leur mission. En effet, à la faveur de regroupement d'établissements et de l'accroissement de la population dans certains bassins, de nombreux établissements sont aujourd'hui de taille identique à celle de collèges sans avoir les moyens humains ou financiers pour assumer autant d'élèves. S'il est vrai qu'un directeur d'une école « dense » peut bénéficier d'une décharge totale de classe, il ne peut remplacer seul le principal, le principal adjoint, le secrétaire de direction, le conseiller principal d'éducation et les assistants d'éducation dont les missions relèvent pourtant de ses attributions. Pour les établissements moins importants, la décharge est souvent partielle mais la multitude des missions, pour la plupart très chronophages, rend le « jonglage » entre les deux missions difficile. Quand le directeur ne peut exercer son métier pleinement, l'ensemble du monde éducatif en pâtit : les enseignants qui ne se sentent pas assez encadrés ou soutenus, les élèves dont le suivi n'est pas correctement assuré et les parents qui ne sont pas rassurés par la prise en charge de leurs enfants."

Enfin M. Delatte, député LREM de l'Aisne, dans une question publiée ce matin au JO, porte son propos sur les avantages de la création d'un établissement du 1er degré, ce qui met du baume à mon cœur et réconfortera certainement aussi quelques-uns de mes camarades  de travail: "... Le métier de directeur d'école a profondément évolué depuis la réforme de 1990 et les missions qui lui sont dévolues sont très nombreuses et chronophages : gestion des élèves, mais aussi gestion financière, matérielle, pédagogique, et gestion du personnel et de la vie scolaire Avec les fusions, les effectifs croissants des établissements scolaires ont modifié considérablement le rôle du directeur. Aujourd'hui, sa mission est devenue beaucoup plus administrative, centrée sur l'organisation. Il lui est plus difficile d'animer l'équipe au plan pédagogique. C'est pourquoi dégager du temps administratif en faveur du temps pédagogique et donc de faire évoluer le statut des directeurs d'école est une demande récurrente du corps enseignant. Un chef d'établissement du premier degré pourrait ainsi se voir attribuer des délégations nécessaires au bon fonctionnement de son établissement..."

Nous ne devons donc pas désespérer, et la mobilisation de nos députés par les Directrices et Directeurs d'école porte ses fruits quant à la prise de conscience d'un problème qu'il devient urgent de régler. On ne le fera pas avec des mesurettes. J'attends donc avec impatience les réponses cette fois renseignées que M. Blanquer apportera à ces questions pertinentes. Je lui rappellerai également que le GDiD,  porteur d'un projet construit, se tient à son entière disposition pour lui exposer ses idées ou simplement l'assister pour éviter erreurs et approximations.

En attendant, merci à nos députés, merci aux collègues, nous devons continuer à mobiliser nos représentants!

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